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La Côte Est, côté mer
(Ile de Madère, Portugal)
Heure locale


Jeudi 16 novembre 2017

 

Que diriez-vous de partir à la découverte du littoral de la côte Est ? Fidèle à mes habitudes, je pars tôt de Funchal, c'est à dire vers 8h00, et me retrouve dans un ralentissement sur la via rapida, au moment où de nombreux Madériens se rendent à leur travail. Ma première visite sera pour Caniço, deuxième complexe touristique de l'île de Madère, juste derrière la zone hôtelière de Funchal, et un peu la cité-dortoir du coin avec ses multiples bâtiments construits à la va-vite et sans vrai talent, pour une population qui a doublé depuis la dernière décennie. Ce phénomène a été à l'époque rendu possible grâce aux prix extrêmement bas des terrains en bordure de mer. Et ces conditions avantageuses d'attirer les promoteurs immobiliers ainsi que des spécialistes des appartements en time-share.

Caniço présente deux aspects : la ville du bas (Caniço de Baixo), beaucoup plus calme, et qui offre de jolis points de vue sur l'océan depuis notamment la rue Baden-Powell, ou à partir de la promenade en bordure de mer. On trouve également la Pointe du Garajau, promontoire rocheux qui sépare Caniço de Funchal, et domaine jouxtant la plus importante réserve marine du Portugal. Et puis, il y a la ville du haut (Caniço de Cima, ou Caniço Centro), l'ancien cœur de la petite ville, avec sa place largo Padre Lomelino sur laquelle se trouve l'église paroissiale (en photo ci-dessous) dont la construction date de 1780, avec son choeur baroque. Au sud de cette même place, on trouve un hôtel 4*, la Quinta Splendida, dont le parc forme un véritable jardin botanique.

 

Je ne suis pas trop amateur de ces zones touristiques surpeuplées et reprendrai rapidement mon véhicule pour me diriger vers Santa-Cruz : l'église paroissiale (en photo ci-dessous) offre un joli plafond peint (deuxième photo). Mais elle est également la preuve de la prospérité passée de l'endroit, à l'époque où l'on cultivait ici la canne à sucre, c'est à dire au début du XIX ème siècle. Les dimensions de ce lieu de culte et son clocher tout blanc le montrent, car cette église est la plus grande de Madère, juste après la cathédrale de Funchal. Même le roi Manuel 1er aurait participé en son temps à son financement, ce qui explique d'ailleurs pourquoi le décor intérieur comporte des éléments de style manuélin, comme la fenêtre derrière les fonts baptismaux ou encore la tombe située sur le bas-côté gauche. Le plafond en berceau, lui, est superbe et joliment peint avec des volutes. Autres curiosités de cette petite ville : le front de mer, avec l'Alameda plantée de palmiers, le marché réputé pour la fraicheur de ses poissons, et la Quinta do Revoredo, ancienne propriété de famille des Blandys, convertie en maison de la culture depuis 1992.


 

Juste à quelques kilomètres de là, se dresse Machico, endroit célèbre puisque c'est là que les navigateurs portugais Joao Gonçalves Zarco et Tristao Vaz Teixeira (ci-dessous) posèrent pour la première fois le pied sur l'île de Madère, en 1419. Aujourd'hui, cette baie (deuxième photo) s'appelle la baie de Zarcos. Cette petite ville de plus de 11000 habitants aurait peut être mieux préservé ses vestiges du temps passé si la rivière qui la traverse ne l'avait pas si souvent ravagée. D'un côté de ce cours d'eau, l'église paroissiale, et de l'autre, la chapelle des Miracles. Le tout situé au débouché d'une vallée fertile avec ses maisonnettes blanches aux toits roux.

L'église principale, Notre-Dame de la Conception, qui fut érigée en 1440, alors que Tristao Vaz Teixeira avait été chargé de gouverner la partie orientale de Madère, offre un joli portail gothique en lave sur sa façade sud (troisième photo). Ce portail remonte au tout début de la construction de l'édifice et reste par conséquent le plus vieux vestige architectural de l'île. Les colonnes de marbre blanc, elles, furent rajoutées en 1500 et proviendraient de Séville ou d'une mosquée marocaine. Elles auraient été offertes par le roi Manuel 1er. L'intérieur de l'église est de style baroque à l'exception des stalles, du choeur et du retable du maitre-autel. De l'autre côté de la rivière, je découvre la chapelle des Miracles, fondée par Zarco sur l'emplacement de la tombe de légendaires amants, Robert et Anne. Une autre chapelle, située de l'autre côté de la baie, la chapelle Saint Roch, fut érigée en 1488 par le fils de Tristao Vaz Teixeira alors que la peste sévissait à Machico. Il reste toujours aujourd'hui l'emplacement matérialisé d'une fontaine miraculeuse.


 

Je fais une halte au Musée de la ville, qui occupe un manoir de la fin du XVII ème siècle : le Solar do Ribeirinho (manoir du petit ruisseau). Les quatre salles de l'endroit offrent un aperçu de l'histoire locale de la cité. J'y découvrirai le portrait de Traistao Vaz Teixeira, Premier capitaine de Machico. Notre homme serait né vers la fin du XIV ème siècle et serait décédé à Silves en 1470. Noble écuyer de la Casa do Infante Dom Enrique, il participera aussi aux missions portugaises vers l'Afrique et les Canaries. Dans la deuxième salle, j'observe une pierre gravée qui porte une inscription de Francisco Alvarez de Nobrega, et qui appartenait autrefois à un pont en pierres carrées avec deux arcs qui reliait Machico à la Banda d'Alem. Le pont ayant à plusieurs reprises subi les crues, on prit un jour la décision de mettre à l'abri cette pierre-là. La troisième salle aborde l’économie locale avec, entre autres, les moules à sucre. On apprend ainsi que la première pierre de sucre fabriquée sur l'île le fut à Machico, et qu'il existait quatre moulins à sucre dans la cité, dès le XVI ème siècle, qui étaient alors la propriété de la capitainerie de la ville. J'y découvrirai enfin l'avènement de l'éclairage public à Machico, à partir du milieu du XIX ème. On utilisa d'abord des lampes à huile, que des employés allumaient et éteignaient chaque jour et inlassablement. La dernière salle,elle, expose un magnifique four à pain (ci-dessous) et aborde la confection de cet aliment, en allant jusqu'à donner la recette de l'époque qui utilisait la patate douce.


 

Une promenade sur le front de mer me permettra d'apercevoir un joli point de vue d'autant plus que le soleil brille aujourd'hui de tous ses feux. Depuis 2008, les Machicains (habitants de Machico) disposent d'une plage artificielle de sable jaune aménagée non loin du port de plaisance, avec du sable tout droit importé du Maroc pour la colossale somme de 3 millions d'euros. Il s'agit là de la Praia de Areia da Banda d'Alem. Le fortin triangulaire Notre Dame do Amparo (ci-dessous), lui, se dresse toujours face à la mer, au cas où les pirates d'Angleterre, de Hollande ou du nord de l'Afrique auraient encore l'idée de venir attaquer la ville. Il est reconnaissable avec sa couleur ocre et rouille et fut bâti en 1706. En le contournant, on y accède par une porte munie d'un escalier qui permet d'atteindre une petite esplanade. Les bâtiments jumeaux qui y sont installés servirent jadis de prison et de caserne.

 

Je poursuis ma balade et me rends maintenant à l'extrême Est de l'île, là où s'achève la via rapide (voie rapide) : Caniçal. Le village offre un petit port sans intérêt avec une zone franche, mais aussi un musée de la baleine, qui explique l'étroite relation entre ce cétacé et l'île de Madère. La version la plus célèbre du roman de Herman Melville, Moby Dick, fut en partie tourné ici à Madère en 1955, par John Huston, alors que la pêche à la baleine était à son apogée. Le féroce cachalot blanc, alias Moby Dick, qui avait arraché une jambe au capitaine Achab (alias Gregory Peck) n'était alors qu'une structure métallique de 27 mètres recouverte de latex, tandis que la scène de chasse, elle, était authentique, avec de vrais baleiniers originaires de Caniçal qui manoeuvraient encore leurs canoas à la rame, et traquaient les cétacés avant de les harponner. Quarante ans durant, Caniçal demeura le centre baleinier de l'île : des guetteurs postés sur les hauteurs (dans des vigies, comme celle en photo ci-dessous) scrutaient le souffle des cétacés à la surface de la mer et alertaient les pêcheurs qui se précipitaient pour les ferrer au moyen d'un harpon, selon une stratégie de pêche différente de celle introduite en 1941 par les Açoriens (c'est à dire en s'approchant des cachalots sans faire de bruit) alors que les Madériens effrayaient les cétacés pour les rabattre vers les côtes. Cette chasse se poursuivra jusqu'en 1981.


 

La vigie de Caniçal bénéficiait d'une position privilégiée car elle permettait d'observer l'océan du nord-est au sud-est de Madère, jusqu'à Porto Santos et les îles Désertes. Les premières années, les baleines ne seront chassées que du côté de Porto Moniz, puis dépecées dans une installation rudimentaire basée à Ribeira da Janela. En 1942, une nouvelle station baleinière sera créée à Funchal, près de la pointe de Garajau, afin d'étendre la pêche au cétacé sur la côte sud de Madère. Ces stations étaient appelés traiois par les baleiniers et resteront opérationnelles jusque dans les années 1950, jusqu'à ce que la totalité de cette activité ne soit concentrée à Caniçal. Les débuts de la pêche à la baleine prendront place entre 1941 et 1945, permettant la création de l'entreprise baleinière de l'archipel de Madère le 2 décembre 1944. L'entreprise débutera ses activités en janvier de l'année suivante, puis obtiendra une concession exclusive de la chasse à la baleine dans l'archipel madérien dès 1946. Concession renouvelable tous les dix ans.

Les baleinières étaient les embarcations à bord desquelles un équipage de sept hommes prenait place à Madère, entre 1941 et 1956 : il y avait le maitre, qui prenait position à l'arrière de la longue barque, qui était responsable de l'embarcation et conduisait la chasse. On trouvait aussi le harponnier qui s'asseyait à la proue (avant) du bateau, en maniant sa ligne. Cette embarcation pouvait être manoeuvrée à la rame ou à la voile.


 

Une pièce du musée a été reconstituée pour reproduire un atelier de dépeçage des cétacés, avec la présentation des outils utilisés à l'époque. On y observe notamment un séchoir à viande (ci-dessous), dont on nous explique que la viande de baleine, une fois cuite dans les autoclaves puis pressée pour en éliminer l'excès d'eau, était séchée dans un séchoir à tambour rotatif, grâce à la chaleur de la vapeur d'eau libérée à l'intérieur du séchoir par un réseau de tubes, qui renvoyait ensuite l'eau froide vers les chaudières.

La plus grande salle d'exposition présente des spécimens de cétacés grandeur nature ainsi que plusieurs projections de films sur la baleine.

 

En sortant du musée de Caniçal, je poursuivrai ma route jusqu'au Ponta de Sao Laurenço (pointe de Saint-Laurent), qui constitue l'extrémité nord-est de l'île de Madère. Il s'agit d'une presqu'île déchiquetée par les vents du Sahara, qui ne laisse survivre qu'une végétation formée d'herbes folles et d'une trentaine d'espèces endémiques. Et un sentier de randonnée de sillonner ce désert improbable. Autre curiosité locale, la Prainha do Caniçal, petite crique de sable noire blottie au pied de la chapelle Notre-Dame de Piété. En grimpant tout en haut de la montagne environnante, je m'arrêterai ici et là pour profiter de panoramas exceptionnels sur l'océan (ci-dessous).

 

 

INFOS PRATIQUES :

  • Eglise paroissiale, Place Largo Padre Lomelino à Caniço, ouverte tous les jours de 9h00 à 18h00. Entrée libre.
  • Eglise paroissiale de Santa-Cruz, Praça Dr Joao Abel de Freitas. Entrée libre tous les jours de 9h00 à 18h00.

  • Musée Solar do Ribeirinho, Rua do Ribeirinho 15, à Machico. Tél:+351 291 964 118. Ouvert du lundi au samedi, de 9h00 à 17h00. Entrée: 1,50€. Prêt d'une brochure en français pour la durée de la visite. Site internet : https://www.facebook.com/solardoribeirinho.nmm/

  • Fortin Notre Dame do Amparo, Largo Dr José Antonio de Almada, à Machico. Entrée libre du lundi au vendredi, de 9h à 12h30 et de 14h à 17h30.

  • Pour se garer à Machico, vous trouverez des places (gratuites en hiver) sur le front de mer face au port de plaisance et à la plage artificielle.

  • Musée de la Baleine, Rua da Pedra da Eira, à Caniçal. Tél:+351 291 961 858. Ouvert du mardi au dimanche de 10h30 à 18h. Entrée : 11€ (audioguide inclus). Les informations sont fournies en cinq langues (portugais, anglais, espagnol, allemand et français). L'utilisation de l'audioguide est indispensable pour avoir accès au son des films projetés. Cafétéria sur place et accès internet gratuit : MBM_coffeeshop (cafedomuseu). Site internet : https://www.facebook.com/museu.baleia.madeira/











 



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