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Exposition "Caricatures, Hugo à la Une"
(Maison de Victor Hugo, Paris, France)
Heure locale

 

Jeudi 13 septembre 2018

 

En cette rentrée, la Maison de Victor Hugo nous invite à un parcours chronologique à travers 180 caricatures politiques ou littéraires consacrées à Victor Hugo. Celles-ci furent publiées entre 1830 et 1885, le plus souvent à « la Une » et sont tirées des collections du musée.

Poète, romancier, homme de théâtre puis homme politique à partir de 1848, Victor Hugo fut l'un des hommes les plus caricaturés, même s'il est loin d'être le seul, mais sa personnalité, sa fougue, son ambition et son ego pimentaient sûrement l'imagination de bien des dessinateurs. Qu'il s'agisse de portrait peint ou dessiné amplifiant les traits physiques ou le caractère du sujet, la caricature est différente du dessin de presse, ce dernier ne s'appuyant pas sur des déformations ou sur quelqu'un de connu. Sous sa forme moderne, cette caricature va s'étendre à partir des années 1830 et va accompagner le développement technique et économique de la presse française. Autant d'images méfiantes, moqueuses ou admiratives qui nous montrent comment et pourquoi Victor Hugo fut en son temps aimé, détesté, combattu ou respecté, haï ou célébré.

 

Je débute la visite par la première salle de l'exposition, consacrée à des caricatures de sympathie : compte tenu que la presse de notre pays est presque totalement muselée sous la Restauration, il faudra attendre 1830 pour voir naitre les premières caricatures des crayons des dessinateurs. C'est la révolution de Juillet qui permettra de retrouver une certaine liberté et d'entrainer l'essor de la presse notamment satirique, malgré l'existence d'une loi de 1835 qui restreint encore la caricature politique. Et nos caricaturistes de témoigner bientôt de l’apparition de « l'enfant sublime » et de son émancipation artistique politique. Et c'est comme figure émergente du monde littéraire que Victor Hugo va devenir la « forte tête » du romantisme. Notre homme est alors très ambitieux, très talentueux et très prolixe et il fera par conséquent l'objet de la Une des journaux. Nos dessinateurs ne tarderont pas à saisir les principales caractéristiques de leur sujet préféré : un front immense, les cheveux tirés en arrière, l'air altier et batailleur, comme sur cette illustration de Benjamin Roubaud publiée le 10 décembre 1841 dans Le Charivari (en photo ci-dessous). Hugo peut alors tenir une plume, ou même des papiers, tandis que Notre-Dame devient son bâtiment fétiche parfois porté en mitre. On retrouve ces traits saillants chez tous les auteurs et jusqu'au départ de Victor Hugo en exil. La carrière dramatique de notre homme, qui a débuté en 1827 avec Amy Robsart se poursuit durant les années 1830, alternant interdictions, succès publics et succès d'estime. La première représentation des Burgraves se tient le 7 mars 1843 à la Comédie-Française et les caricaturistes traitent de la pièce avec une férocité toute particulière, laissant entendre dans un premier temps que celle-ci est un échec alors qu'elle sera jouée consécutivement à trente-trois reprises.


 

La seconde salle nous transporte dans la détestation générale, avec les caricatures d'opposition. Le député Hugo conserve son front immense et continue de se pousser du col, comme sur cette illustration d'Honoré Daumier du 20 juillet 1849 (ci-dessous). Une manière pour la presse de dénoncer les alliances réelles ou soupçonnées et les revirements d'un ex-monarchiste devenu entre temps conservateur modéré. Hugo est à la fois jugé versatile, opportuniste, et ses discours sont plus moqués qu'admirés. Cette détestation persiste tout au long des années 1848 et 1849 et même le glissement de Victor Hugo dans l'opposition à partir de 1850 n'apaise pas complètement la méfiance des républicains. En effet, notre homme s'attirera alors les foudres du parti clérical et des légitimistes. Réduits au silence à partir de cette année 1850 , les journaux ne pourront plus rendre compte de ce virage définitif de Hugo qui va s'opposer de plus en plus à Louis Napoléon Bonaparte jusqu'au coup d'Etat du 2 décembre 1851.

Petit retour en arrière avec l'insurrection de février 1848 qui donnera naissance à la Seconde république. Victor Hugo se porte alors candidat aux élections complémentaires à l'Assemblée constituante et mobilise contre lui la presse satirique qui s'insurge contre l'entrée en politique de notre homme, ancien pair de France, réputé proche de Louis-Philippe et dont les convictions républicaines ne sont pas très affirmées. Si les journaux n'ont commenté ni le rôle de Hugo lors des journées insurrectionnelles du mois de juin 1848, ni ses premiers discours à la tribune des assemblées, la fondation, le 31 juillet de cette même année, par ses deux fils, du journal « L'évènement » suscitera des réactions très vives dans la presse, cette dernière attribuant à Hugo la paternité et la ligne politique de ce nouveau journal. Dès l'automne 1848, Victor Hugo et L'évènement se rallient à la candidature de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République. L'ensemble de la presse française interprète ce ralliement comme un signe de versatilité politique de Hugo et notre homme est même soupçonné d'avoir monnayé son soutien en échange de quelque poste ministériel.

Président du Congrès de la Paix qui se réunit en août 1849 (deuxième photo ci-dessous), Victor Hugo saisit l'occasion pour exposer son programme de politique internationale, annonçant au passage le remplacement des champs de bataille par des marchés ouverts. Autre posture, l'opposition de notre homme au gouvernement, déjà amorcée par les discours contre la misère (juillet 1849), la question italienne (octobre 1849) et l'opposition à la loi Falloux (janvier 1850), va s'amplifier durant l'année 1851 à travers ses discours sur la liberté de la presse et sur les institutions. Et Hugo d'apparaitre comme l'un des opposants les plus marqués du président de la République qui s'accroche au pouvoir.

 

Me voici maintenant dans la troisième salle, qui rassemble les caricatures d'hommage. N'oublions pas qu'il est dangereux d'évoquer le nom de Hugo dans les premières années du Second Empire. Et il est encore plus risqué d'en dessiner le personnage. L'opposition active mais inutile de Victor Hugo au coup d'Etat du 2 décembre 1851, mais également son départ en exil le 11 décembre, et la répression violente accompagnant la fin de cette deuxième République et le début du Second Empire interdisent toute évocation. Notre homme est officiellement proscrit le 9 janvier 1852, même si quelques (rares) dessinateurs comme Nadar osent braver les interdits. Ces derniers rendront hommage au personnage politique et au poète pour son courage et ses actes. Et les dessinateurs de prendre prétexte de la publication de ses œuvres pour parler de Hugo à partir des années 1860. Cela commence avec La Légende des siècles, puis Les Misérables et Les Travailleurs de la mer. La reprise d'Hernani en 1867 puis l'assouplissement du contrôle sur la presse faciliteront sensiblement ce type d'hommage, alors que l'exilé a refusé l'amnistie de 1859 et devient un exemple de droiture politique et morale. La notoriété et la popularité de Hugo repartent à la hausse et l'image du poète, de changer du tout au tout sur le fond comme sur la forme.

C'est lors de la sortie de La Légende des siècles, en 1859, que certains dessinateurs saluent ouvertement le poète et son œuvre. Et de se montrer moins ironiques et plus distanciés. En 1862, avec la parution des Misérables et quatre années plus tard avec Les Travailleurs de la mer, les mêmes caricaturistes accompagneront le succès populaire des romans et exprimeront ouvertement leur admiration pour cet exilé qui n'a jamais abdiqué. Autorisée par le pouvoir, la reprise d'Hernani au Théâtre-Français en juin 1867 suscitera un fort enthousiasme de la part du public. La loi de mai 1868, elle, va bientôt desserrer l'étau répressif sur la presse et de nouvelles parutions vont se faire jour. Quant à la série impressionnante de portraits réalisés en 1867, elle confirme le changement de ton radical. Hugo, désormais barbu, est maintenant clairement célébré. Deux ans plus tard, paraît L'Homme qui rit.

 

Dans la dernière salle de l'exposition, j'assiste à l'apothéose et aux caricatures de consécration. A la chute du Second Empire, Victor Hugo rentre à Paris le 5 septembre 1870, auréolé d'un prestige moral. Toutefois, ce consensus ne résistera pas à son retour en politique dès 1871 et à son soutien immodéré aux communards pour lesquels il ne cessera de réclamer l'amnistie une fois devenu sénateur en 1876. La droite bourgeoise, monarchiste, catholique et bien-pensante lui est hostile. Peu à peu, une nouvelle image plus consensuelle s'impose, celle du « Père Hugo » qui se confond avec l'écrivain et la conscience morale. De plus en plus de dessins sont consacrés à l'homme mais ceux-ci sont de moins en moins caricaturaux. Ces illustrations le dépeignent sous les traits d'un patriarche barbu et vieillissant, une sorte de génie s'élevant au-dessus de la mêlée. On le dote même d'attributs divins: le lion, la couronne et la lyre. Et c'est ce Hugo-là que trois millions de Français viendront célébrer lors de ses funérailles.

Septembre 1870 coïncide presque avec la première parution dans notre pays des Châtiments. On fête alors le résistant à l'Empire, celui qui est resté fidèle à ses convictions vingt ans durant alors qu'il était exilé. Et Victor Hugo d'être élu député de Paris dès février 1871, rare homme de gauche dans une assemblée presque entièrement de droite. Mais son aura va se ternir au moment de la Commune de Paris. En effet, Hugo ne soutiendra que mollement Le Rappel, prenant en revanche fait et cause depuis Bruxelles pour ces communards pourchassés par le gouvernement de Thiers. Cette compassion envers ceux que les Français considéraient alors comme assassins vaudra à Hugo un regain de violentes caricatures. Et les dessinateurs de croquer malicieusement l'échec de Hugo lors de l'élection partielle de janvier 1872.


 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition « Caricatures, Hugo à la Une », du 13 septembre 2018 au 6 janvier 2019, à la Maison de Victor Hugo, 6 Place des Vosges, à Paris (4è). Tél : 01 42 72 10 16. Métro: Saint-Paul, Chemin-Vert, Bastille. Site internet : http://www.maisonsvictorhugo.paris.fr
  • Merci à l'agence Pierre Laporte Communication pour son aide précieuse.









 



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