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Promenade dans le Nebbio
(Haute-Corse, France)
Heure locale

 

Lundi 24 septembre 2018

 

La visite d'aujourd'hui est consacrée au patrimoine militaire et religieux autour de Bastia, dans la région naturelle du Nebbio qui s'étend autour de Saint-Florent, à l'ouest du Cap Corse et à l'est de la Balagne. En Corse, nebbia signifie la brume, ce qui correspond au caractère nébuleux du climat local. Il fait un temps clair et ensoleillé et nous nous arrêtons au col de Teghime (en photo ci-dessous), ou col des Ardoises, sur notre route pour Patrimonio. Ce col, qui est l'un des plus importants de Corse, relie les régions de la Bagnaja et du Nebbio et offre un vue superbe sur deux côtes de l'île, avec Bastia et la mer Tyrrhénéenne d'un côté et Saint Florent et le désert des Agriates de l'autre. Perché à 536 mètres d'altitude, l'endroit peut être inhospitalier l'hiver ou subir les assauts violents du vent comme ce matin. Là s'est aussi déroulée une des batailles corses pour libérer l'île du joug allemand en octobre 1943, avec la prise du col par les goumiers marocains. Cet épisode militaire qui fut crucial dans la libération de Bastia laissera 25 combattants sur le carreau. Un monument leur rend hommage et un canon de la Reichsfuhrer SS est aussi exposé.


 

Notre première halte a lieu à Patrimonio, petit village situé dans la partie basse du Nebbio. Depuis l'Antiquité, on la surnomme « Conque riche », sans doute grâce aux nombreux vignobles présents sur ses terres. Le vin est pour Patrimonio une vieille histoire puisque celui-ci était fort apprécié sous l'Antiquité. Et l'on compte aujourd'hui plus d'une dizaine de viticulteurs sur place. La qualité du vin AOC est réputée, d'autant plus que la région de Patrimonio fut la première région corse à obtenir la fameuse appellation en 1968, sans parler de l'AOC Muscat du Cap Corse qui récompense le vin muscat produit à cet endroit.

Côté patrimoine, nous passons devant la chapelle romane Santa Maria Assunta (ci-dessous). Celle-ci, de construction simple, est dotée d'une nef unique sans abside et de façades dépouillées. Comme dans la majorité des cas en Corse, il nous sera impossible de pénétrer à l'intérieur, tout comme à l'église Saint-Martin (deuxième photo) où nous nous rendrons quelques instants plus tard. Classée pourtant Monument historique depuis 1939, cette église de style baroque renferme un tableau d'autel Vierge à l'Enfant entre Saint Jean-Baptiste et Saint Laurent, une œuvre de Giuseppe Badarocco. On trouve également sur place le tableau des Apôtres autour du sarcophage de la Vierge, une œuvre de Lanfranco datant du 17è siècle. Ici comme ailleurs, les Patrimoniens ont déjà subi plusieurs vols.


 

Que d'activité quelques kilomètres plus loin, à Saint Florent, petite ville de 1600 âmes. On y circule difficilement et il est difficile d'y stationner. Thérèse et moi trouveront pourtant une place à proximité de l'office de tourisme. L'ancienne cité génoise, qui se trouve à une dizaine de minutes de marche à pied de là est bâtie dans le golfe de Saint-Florent et dispose d'un important port de plaisance. Et la ville d'être originellement érigée sur un rocher de mollasse calcaire. C'est sur ce rocher qu'a été construite la citadelle génoise (en photo ci-dessous) dès 1440 afin de lutter contre les attaques des Aragonais, Français et Ottomans. Là aussi, le patrimoine n'est pas mis en valeur et aucun panneau d'information n'indique l'histoire de l'endroit. Quant à la citadelle, elle est fermée, même si à l'intérieur, se dresse un monument unique en Corse, composé de deux tours emboitées. La plus haute d'entre elles mesure 11 mètres de haut. Cette grosse tour primitive date du 15è siècle. L'autre tour, plus ventrue, date du siècle suivant. Par ailleurs, des dizaines de graffitis sont creusés sur les murs de cette citadelle bien à l'abandon. L'édifice eut pourtant la rude mission de surveiller le golfe qu'elle domine tout en restant une place forte pour protéger Bastia. La place forte sera tour à tour génoise, aragonaise, française, anglo-corse et italienne avant de devenir corse, et servira longtemps de siège au Gouverneur du Nebbio (dont Saint Florent reste aujourd'hui la capitale).

A l'autre bout de la ville, nous découvrons la cathédrale de Nebbio (deuxième photo) : cette construction sans clocher, qui sera cathédrale à partir de 1138 malgré sa dimension modeste, servira tout de même de diocèse de Nebbio jusqu'en 1789, date de sa suppression et de son rattachement au diocèse d'Ajaccio. Depuis, l'édifice reste une simple église romane appelée Santa Maria Assunta, qui semble se dresser à l'endroit même où s'éleva la ville antique de Cersunum. Autrefois, la région du Nebbio s'avérait parfois extrêmement inhospitalière entre l'insécurité régnant sur les côtes et les épidémies de malaria dues aux marécages voisins, et ladite cathédrale fut un temps abandonnée par les évêques. Il ne nous sera pas possible de visiter l'intérieur bien que l'endroit renferme les reliques de Saint Flor, soldat romain martyrisé au 3è siècle de notre ère. Le saint est toutefois encore honoré chaque année le temps d'un week end .


 

Oletta (ci-dessous), notre prochaine étape, dispose d'un riche patrimoine religieux : le village est ainsi niché sur un flanc de la montagne de la Serra. On y accède en voiture par une route en sens unique car les rues n'étaient pas prévues pour supporter un tel trafic. Pourtant, au Moyen-Âge, Oletta était le centre du pieve (canton), un village devenu puissant et prospère grâce à l'exploitation de mines d'argent. Il reste encore de nos jours de jolies maisons de caractère et plusieurs édifices religieux. L'église Sant'Andria offre un clocher triangulaire rare en Corse (deuxième photo). L'intérieur, de style baroque, offre des fresques au plafond et dans le choeur. Un peu plus bas, se dresse la chapelle Santa Croce qui possède un fronton orné de motifs colorés. Un musée d'art sacré existe bien mais était fermé au moment de notre passage. Il renferme pourtant des centaines de pièces du patrimoine sacré de la Corse du nord. Plus loin, sous le village, s'élève encore l'ancien couvent Saint François (troisième photo), l'un des plus anciens couvents du Nebbio, qui fut érigé en 1390, mais ne se visite pas. La bâtisse servira d'imprimerie nationale sous l'ère Paoli.


 

Terminons ce tour d'horizon, avec Murato, qui a fait de sa farine de châtaigne sa spécialité. Localité située sur les hauteurs du Nebbio, ce village, qui prendra, tout comme Oletta, une part active dans le combat en faveur de l'indépendance de l'île nous gratifie d'une église unique dont Mérimée dira en 1839 qu'il s'agit de « la plus élégante et plus jolie église que j'ai vue en Corse ». L'église Saint Michel (ci-dessous) dont il s'agit, est en effet un édifice roman de style pisan daté du 12è siècle qui fut, d'après la légende, construit par les anges en une seule nuit. Le choix des pierres, le calcaire de Saint-Florent et la chloritite ou serpentine du Bevinco (la rivière locale) permirent aux maçons et aux sculpteurs de laisser libre cours à leur imagination. L'ensemble dispose d'un étonnant clocher-porche rebâti trop haut au 18è siècle, de modillons sculptés et de chapiteaux gravés, qui ont très certainement contribué au classement de cette église aux Monuments historiques en 1875.

Un peu d'histoire s'impose cependant : au 12è siècle, après avoir chassé les Sarrasins, Pise décidera de doter l'île de vraies structures institutionnelles, religieuses, administratives et judiciaires. C'est à cette époque que la Corse sera divisée en pieve (cantons). Et l'île de connaître deux siècles durant la Pax Pisana, avec des ports ouverts, une liberté de commerce, un littoral sécurisé et une mise en valeur de l'agriculture. Une époque qui correspond à la construction de cette magnifique église.

Au village de Murato, on trouve également le Palais de la Monnaie, nom actuel de ce qui fut jadis un couvent bâti en 1615 par les moines Récollets. Ce couvent deviendra le quartier général de Pascal Paoli entre 1755 et 1769, époque qui correspond à la période d'indépendance et d’existence de la nation corse, une nation à part entière avec sa constitution, son armée et...sa monnaie. C'est précisément au couvent de Murato que sera frappée la première monnaie corse. Et l'officialisation de l'hôtel des monnaies de la Corse d'intervenir le 26 février 1763. La nouvelle monnaie, le soldi, sera bien sûr considérée comme fausse et falsifiée par le gouvernement génois. Une monnaie qui arborait côté pile sa valeur et côté face une tête de maure, tournée à droite, les yeux ouverts, avec une boucle d'oreille, un collier de perles et un bandeau sur la nuque.

 

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