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Chambéry et son centre historique
(Savoie, France)
Heure locale

 

Vendredi 20 septembre 2019

 

Une nouvelle belle journée s'annonce et je pars ce matin pour une promenade découverte concoctée par l'office de tourisme de Chambéry. Je parcourrai ainsi ses allées (l'équivalent des traboules lyonnaises) et ses rues piétonnes, traverserai plusieurs places et admirerai au passage les monuments de la ville. Armé de mon plan-guide, il me suffira de suivre les petits éléphants (ci-dessous) jalonnant les pavés du cœur historique pour accéder aux trésors chambériens.

 

D'entrée de jeu, je débouche de l'avenue du comte vert, un surnom donné au comte Amédée VI de Savoie à cause d'une armure et d'une livrée de couleur verte que l'homme portera en 1348 lors d'un tournoi à Chambéry. Amédée VI aurait adopté cette couleur en signe d'errance tant que la compagnie des chevaliers aurait été inaccomplie. Il se trouve que le vert est alors la couleur des chevaliers errants, au même titre que cet anneau de fer que le même comte porta autour de la cuisse toujours au nom de cette même tradition. Du vert, j'en découvrirai en traversant le Jardin du Verney, plus ancien espace vert de la ville, qui fut offert aux habitants par Amédée VI en 1381. Et une véritable mosaïque d'arbres, de plantes et de compositions florales d'offrir encore de belles couleurs en cette fin d'été. Autrefois, le Verney ne s'étendait que sous la forme d'une promenade de 340 mètres de long et de 40 mètres de large. C'est d'ailleurs à cet endroit que se déroulaient les tournois de chevalerie, de tir à l'arc ou d'arbalètes. En 1860, Napoléon fera réaménager l'espace par le paysagiste parisien Laval, lequel avait déjà travaillé sur la transformation des bois de Boulogne et de Vincennes. Ainsi le nouveau tracé du Verney fera t-il disparaître les alignements du Moyen-Âge pour laisser la place à un jardin à l'anglaise, plus approprié au romantisme d'alors. Cette fidèle représentation de dame nature incorporera fleurs exotiques et essences rares, plantes favorites de Monsieur Laval. Quant au temps, il n'a que très peu déteint sur ce jardin qui n'a pratiquement pas changé depuis 150 ans.

 

A quelques pas de là s'élève le majestueux et imposant Palais de justice (en photo ci-dessous), dessiné par Pierre-Louis Besson et Pierre Spurgazzi, dans le style néo-classique sarde. C'est aussi l'une des dernières constructions imprégnées d'italianisme dans cette ville. Bâti entre 1850 et 1860, l'édifice sera alors conçu pour abriter le Sénat de Savoie. Et d'accueillir désormais le tribunal de grande instance et la cour d'appel depuis l'annexion de la Savoie à notre pays. La façade du bâtiment présente un avant-corps de sept travées, agrémentées de colonnes ioniques engagées, surmontées d'un fronton triangulaire sobre. Quant à la cour intérieure, elle est bordée de portiques et reflète l'influence du style d'Antonio da Sangallo et d'Andrea Palladio.

Au centre de la place se dresse la statue d'Antoine Favre, œuvre du sculpteur Guméry, réalisée en 1865. Antoine Favre sera le plus illustre des jurisconsultes savoyards et deviendra Premier Président du Sénat de Savoie à Chambéry. Sa statue est entourée de deux allégories, la science et la jurisprudence.


 

Autre place, celle de Genève, connaitra tour à tour le couvent des Dominicains, les prisons, la chapelle des pénitents et un marché couvert, les Halles. Celles-ci seront conçues par les architectes français Pierre et Raymond Bourdeix en 1939, puis par Virgil en 2011. En 1418, s'élevait au même endroit un couvent et une église dominicains, jumelés plus tard par la petite chapelle des pénitents noirs et par des prisons. La révolution française chassera les Dominicains et fera de l'ancien couvent un tribunal civil et militaire, jusqu'à ce que l'édifice ne soit détruit en 1847 pour bâtir à la place des halles métalliques, sur le modèle de celles de Paris édifiées par l'architecte Baltard en 1854.

La Place Saint-Léger, elle, ressemble plus à une large avenue qu'à une place : traversée piétonne historique de la vieille ville, celle-ci était jadis constituée de deux quais le long du canal de l'Albanne sur lequel était bâtie l'église Saint-Léger (détruite au 18è siècle). C'est qu'à cet endroit, s'étendait au tout départ un marais avec plusieurs bras de la rivière Albanne. Seul l'assèchement de celui-ci durant le Moyen-Âge permettra de construire le nouveau château des seigneurs de Chambéry. Autrefois, des boutiques en bois appelées « carbones » se dressaient sur la Place Saint-Léger et y formaient une sorte de rue couverte, avant qu'elles ne soient elles aussi démolies au 19è siècle lors de la construction de la rue de Boigne. Sur cette même place donne l'îlot de l'horloge (deuxième photo), un pâté d'habitations en partie restructuré dans les années 1980. A cet endroit, un incendie avait déjà ravagé plusieurs maisons à la fin du 19è siècle, ce qui convainquit la ville de procéder à la rénovation de ces rue et place Porte Reine. Au final, les travaux laisseront un grand pignon aveugle, vite repeint en trompe l'oeil du groupe Miami.


 

Depuis cette place partent plusieurs ruelles : la rue basse du château (ci-dessous), qui était la rue principale d'accès au château offrait de nombreuses boutiques dont certaines ont encore conservées leur aspect moyenâgeux, avec de grands bancs en pierre qui servaient d'étals. Un passage aérien relie les deux côtés de cette rue. Ce passage appelé « pontet » est l'unique du genre restant à Chambéry. Tous les autres ont en effet été depuis démolis car on les accusait de favoriser la propagation des incendies d'un îlot à l'autre.

Une rue minuscule, la rue Saint Apollonie (qui porta aussi le nom de rue du four) débouche sur la rue basse du château. Et abritait il y a fort longtemps le four Visingrin qui avait le monopole de la cuisson du pain. On y trouvait enfin une chapelle et des bains publics. Le patrimoine de Chambéry ne comportera ni écoles, ni Maison de ville, ni de halles jusqu'au 15è siècle. On se réunissait alors dans l'église Saint-Léger, puis chez les Franciscains dès le 15è siècle. Plusieurs fondations hospitalières existeront aux côtés d'autres hôpitaux créés par des particuliers. Durant le 14è siècle, la Porte de Maché (ou Porte des Juifs) sera l'une des trois grandes portes de la cité et ouvrait sur le quartier du même nom, quartier populeux où abondaient les auberges.


 

Dans un autre article, je rappelais que les comtes de Savoie achetèrent le château aux anciens seigneurs de Chambéry, au 13è siècle. Ce château remplira dès lors les fonctions de résidence, de quartier défensif, de centre religieux et administratif. Au 16è siècle, les ducs de Savoie installeront leur capitale à Turin mais Chambéry restera un centre administratif important. Face au château se trouve la Place du château d'où l'on peut entrevoir la tour Yolande qui abrite un grand carillon depuis 1993. Un instrument d'exception comprenant 70 cloches, l'un des plus grands au monde et en tous cas le plus important de France, qui égrène ses notes les premier et troisième samedis du mois à 17h30. Réglez vos montres !

Je m'engage maintenant dans la rue Croix d'or qui fut autrefois très active et qui conduisait à la porte Montmélian. Là se trouvaient des commerces et plusieurs hôtels particuliers, demeures de riches familles nobles. L'hôtel Costa est de ceux-ci et fut bâti par la famille Costa de Beauregard, dont les membres occupaient autrefois d'importantes fonctions à la cour de Savoie. Quelques numéros plus loin, se dresse l'hôtel de Castagnery de Chateauneuf, un hôtel particulier érigé au 17è siècle par la famille du même nom. A cette époque, les grilles de la cour isolaient la cour de l'hôtel du couvent des Franciscains et jouaient également un rôle décoratif, tout en mettant en avant l'aisance de cette famille qui possédait d'importantes mines de fer en Savoie. En face, l'hôtel des Marches de Bellegarde (ci-dessous) offre sa façade refaite à la fin du 18è.

Fin 15ème, les familles nobles entreprirent de démolir leurs vieilles maisons de bois et de torchis pour en bâtir de plus solides, en pierre. Ces demeures (hôtels) des 15è et 16è siècle constituent encore de nos jours l'essentiel de la ville ancienne, même si leurs façades ont souvent été redessinées à partir du 18è. Les premiers hôtels s'organiseront autour d'une cour fermée dans laquelle se trouve une tourelle hors-oeuvre comprenant un escalier à vis. Et des galeries ou loggias de relier les différents corps de bâtiment tandis que des arcades bordent parfois la cour. Cette noblesse reste cependant modeste, ce qui explique la discrète décoration extérieure de ces hôtels et l'utilisation de matériaux de qualité moindre (qui explique la dégradation anticipée des constructions). Quant au style architectural, il se calquera sur l'art italien, en référence à Turin.


 

Au bout de la rue Croix d'or, se dresse le théâtre Charles Dullin (ci-dessous), un théâtre dont la construction fut financée dans les années 1820 par le général comte de Boigne, bienfaiteur de Chambéry. Malheureusement, un incendie ravagea l'édifice en 1864 et il ne reste que peu de choses du théâtre d'origine. L'édifice actuel, qui fut inauguré deux ans plus tard, a tout de même conservé la partie inférieure de sa façade principale, mais aussi le rideau de scène peint par Louis Vacca, un des seuls rideaux de ce type encore existant dans le monde.

Abordée lors d'un précédent article, la fontaine des Eléphants est surnommée « les quatre sans culs » par les Chambériens. Et reste le monument le plus emblématique de la ville. De là, je marcherai jusqu'à l'hôtel de Cordon, construit au 16è siècle et seul hôtel particulier appartenant à la ville. L'endroit abrite le Centre d'interprétation de l'architecture et du patrimoine et offre de découvrir des décors du 19è siècle et des expositions temporaires. C'est de cet hôtel que partent les visites guidées. Je passe ensuite devant la cathédrale, et m'y arrête quelques minutes pour admirer les magnifiques fresques en trompe l'oeil qui ornent murs et voûtes.

 

Le philosophe Jean-Jacques Rousseau vivra quelques temps à Chambéry, dans l'une des maisons situées à l'arrière de la cour de l'hôtel de Cordon. Une plaque évoque d'ailleurs sa présence, sous la protection de Madame de Warens, qui louait également la maison des Charmettes aux abords de la ville. Ce secteur resté moyenâgeux est bien sûr protégé. A deux pas de là, je rejoins la rue de Boigne (première photo ci-dessous), aussi surnommée « les portiques » par les habitants. Percée à travers des immeubles du centre historique, son tracé rectiligne, ses arcades et ses commerces en feront très vite un lieu de promenade privilégié pour les Chambériens.

Anciennement Place de Lans, la Place de l'Hôtel de Ville était utilisée comme place pour le marché aux herbes durant le 17è siècle. L'Hôtel de Ville a quant à lui été construit peu de temps après le rattachement de la Savoie à la France et servit ainsi à marquer les changements politiques advenus dans l'espace public.


 

Dernière partie de cette promenade, l'église Notre-Dame (ci-dessous), autrefois chapelle de l'ancien couvent des jésuites, qui fut érigée au 17è siècle. L'édifice fut achevé en 1646, lors de la période la plus brillante de l'Ordre des jésuites. La façade, bien que de style baroque, reste sobre. Quant au blason visible au-dessus de la porte d'entrée, il porte les armes du duc Charles-Emmanuel 1er, qui posa la première pierre de l'église en 1599. Là encore, la sobriété extérieure cache la magnificence intérieure avec une riche décoration faite notamment de peintures et de stucs ornant la voute, œuvres refaites en 1845 par Vicario, le tout étant rehaussé par une coupole richement ornée (deuxième photo ci-dessous). Au fond du choeur trône le retable en marbre et bois doré tandis que plusieurs œuvres décorent les chapelles latérales, dont une Vierge en cire, habillée par le couturier chambérien Lombardo.


 

Puisqu'il vaut mieux faire envie que pitié, je terminerai sur une note généreuse : la Sasson, statue exécutée par le sculpteur Alexandre Falguière, et installée en 1892 sur une place de Chambéry afin de célébrer le Centenaire du rattachement de la Savoie à notre pays. Ici, on appelle « Sasson » une grosse femme, à la corpulence forte. Ou, par extension, une jeune fille ou une femme un peu nigaude et plus développée de corps que d'esprit. Ainsi la statue (ci-dessous) représente t-elle une Savoyarde aux formes lourdes serrant contre elle un drapeau. L'oeuvre, qui mesure cinq mètres de haut (drapeau inclus) fut inaugurée par le président de la République Sadi Carnot lors des cérémonies commémoratives du centenaire du rattachement de la Savoir à la France.

 

INFOS PRATIQUES :

  • Jardin du Verney, Allée d'Ouahogouya, Chambéry. Accessible toute l'année et gratuitement.
  • Place du Palais de Justice , à Chambéry. Tél : 04 79 70 15 94. Le Palais peut être visité lors des journées du patrimoine, chaque année en septembre.

  • Hôtels particuliers : rares sont ceux en accès libre et la visite guidée reste la meilleure façon de découvrir ce patrimoine. S'adresser au 04 79 33 42 47 pour plus de renseignements.

  • Eglise Notre-Dame, rue Saint Antoine, Chambéry. Tél : 04 79 68 96 50 ou 04 79 33 42 47. Ouverte du mardi au samedi de 15h00 à 19h00. Entrée gratuite. Visite libre ou guidée.

  • Réservez vos visites guidées à l'avance, et en ligne, sur http://www.chambery-tourisme.com

    . Tarif : 6€

  • Service Ville d'art et d'histoire, 71 rue Saint-Réal, Chambéry.

  • Demandez le plan guide « En suivant les éléphants » (ci-dessous) à l'office de tourisme, téléchargez l'application Eskapades (https://www.lesbauges.com/eskapades.html) et suivez le parcours virtuellement.












 



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