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Le Beaufortain
(Savoie, France)
Heure locale

 

Dimanche 29 septembre 2019

 

Partons aujourd'hui dans le Beaufortain, un pays situé près d'Albertville et qui offre ses petits villages typiques de montagne, ses vallées, ses cols et ses somptueux panoramas. Je visiterai tour à tour Hauteluce, Beauford, Arêches, Boudin, le col du Pré et le barrage de Roselend. Un périple de quelques heures sous un soleil radieux et à l'air pur. J'observerai ici et là le sommet du Mont-Blanc au loin, en arrière-plan des alpages et de ses vaches à cloche, dont le lait est transformé en d'incomparables fromages. En voiture !

 

Le Beaufortain est un pays paradoxal car il est à la fois fermé (par ses gorges profondes inhospitalières au sud) et ouvert (avec les cols permettant de communiquer avec la Tarentaise, le Val d'Arly et le Faucigny à l'est et à l'ouest) aux influences extérieures. Il est traversé par trois cours d'eau principaux, le Dorinet, le Doron et l'Argentine, qui se rejoignent à Beaufort, le chef-lieu de canton. L'implantation humaine qui en résulte fut déterminée par les conditions climatiques et par le relief. Le Mont-Blanc et sa fraicheur sont favorables à l'exploitation forestière et à l'élevage. J'y croiserai d'ailleurs de nombreux troupeaux de vaches paissant en toute quiétude. La véritable histoire de l'endroit, elle, débute au Moyen-Âge dans un site privilégié, le col de la Forclaz (passage le plus aisé vers la Combe de Savoie) merveilleux belvédère permettant de contrôler les passages venant de Faucigny et de Tarentaise.

Deux suzerainetés revendiquaient alors le pouvoir sur le Beaufortain : l'Archevêque-comte de Moutiers et les Sires de Faucigny. Après tout, l'évangélisation locale aurait débuté au 5è siècle par un compagnon de Saint-Jacques l'Assyrien et Saint-Maxime. Ces deux moines, tous deux originaires de Lérins, avaient été envoyés par leurs supérieurs de cette province des Alpes afin de transmettre la bonne parole. Cela ne pouvait laisser entrevoir l'aboutissement des tiraillement existant au sommet du pouvoir local, qui finiront par l'évincement de l'archevêque, d'autant plus que le pays passera dans le giron de la Maison de Savoie lors du traité de Paris de 1355. Les habitants disposaient quant à eux d'une certaine liberté dans l'aménagement de leur quotidien, notamment à travers l'existence de franchises, malgré une dispersion de l'habitat du au relief, excepté dans la Tarentaise où l'habitat est concentré en plus gros villages, ou encore à Arêches et Boudin. Les maisons à toit à double pan sont légion du côté de Hauteluce et sont faites en bois, matériau de construction par excellence. On retrouve celui-ci partout, y compris dans les soubassement de pierre souvent masqués par l'empilement de bûches, prêtes à être glissées dans l'âtre au cœur de l'hiver.

 

Le patrimoine religieux est ici omniprésent et les églises, nombreuses, marquent l'enracinement du christianisme dans le Beaufortain. Celles-ci sont pour la plupart de construction datant des 17è et 18è siècle, de conception extérieure peu originale avec une grande façade à pignon ornée d'un portail. Les clochers élançaient jadis leur flèche au-dessus d'un escalier de bulbes jusqu'à ce que la Révolution française ne les rase en 1794, au niveau du toit de l'église. Les Beaufortains firent alors le dos rond, laissèrent passer la tempête puis rebâtirent leurs clochers à l'identique, ne serait-ce que pour rendre leur demeure aux cloches, l'âme du pays, que certains aimeraient bien pouvoir faire taire lorsqu'elles troublent leur sommeil matinal. En Savoie, la cloche a heureusement droit de cité, dans les églises comme au cou des vaches. Et c'est très bien ainsi.

 

Je débute ma visite par Hauteluce, village de montagne perché à 1150 mètres et désert à l'heure de midi. L'endroit possède une station de sports d'hiver qui entraine une forte affluence dès le mois de décembre. L'écomusée du bourg, habituellement fermé à cette époque de l'année a rouvert exceptionnellement ses portes pour moi grâce à gentillesse d'Anne-Cécile. Je découvrirai ainsi plusieurs salles représentant des scènes de la vie locale, avec présentation d'objets anciens, ou de vieilles machines qui témoignent de l'ingéniosité des habitants de jadis. Ce musée est un témoignage direct du patrimoine et de la culture de Hauteluce mais également de tout une vallée où l'on élevait la race ovine rustique de Thônes et Marthod pour la qualité de sa laine, à la couleur naturelle écrue ou beige. Une laine qui deviendra maille (ci-dessous), ce gilet porté par les hommes dans le Val d'Arly, à Megève et dans une partie du Beaufortain. Cette maille (gilet) proviendrait de Suisse, notamment des Fribourgeois et des Valaisans. Et ce vêtement d'avoir été importé par les fromagers suisses nombreux autrefois dans les alpages alentours.

 

A Hauteluce, l'église vaut le détour. Venant tout juste d'être restaurée, celle-ci offre une façade ornée d'un superbe décor peint en trompe-l'oeil du 19è siècle (ci-dessous). Déjà existante au 12è siècle, cette paroisse dédia cette église à Saint-Jacques d'Assyrie, premier évêque de Tarentaise. L'édifice est par ailleurs doté d'un clocher à bulbe haut de 55 mètres et qui présente, lui aussi, un décor en trompe-l'oeil et abrite cinq cloches, dont la plus grosse pèse 2200 kg. A l'intérieur, on admire le retable majeur à baldaquins de style baroque et la chaire en bois sculpté, ornée des statues de Saint Paul, Saint Grégoire le Grand, Saint Jérôme et Saint Augustin, et classée elle aussi aux Monuments historiques.

A côté de l'église, s'élève toujours la Maison Ducis, qui appartint à la famille du poète Jean-François Ducis, qui succéda à Voltaire à l'Académie française. Un tilleul de 200 ans orne quant à lui le centre du petit village.

 

Beaufort sera ma prochaine étape : principale localité du Beaufortain, ce village, dont le nom signifie « endroit fortifié », est situé au cœur du massif du même nom et est connu pour sa coopérative laitière, née dans les années 1950 afin de sauver le territoire de l'exode rural. Et l'entreprise de fabriquer le Beaufort, un fromage au lait cru et entier à pâte pressée cuite (ci-dessous), dont chaque meule pèse environ 40 kg et offre une pâte lisse de couleur ivoire. Ce fromage est fait exclusivement à partir du lait de vaches Tarine et Abondance et peut être acheté à la boutique sur place. Structure collective, la coopérative regroupe 184 agriculteurs qui confient leur lait pour le transformer en fromage et gèrent eux-mêmes la structure. Des visites libres et gratuites sont disponibles toute l'année.

Perchée sur un éperon rocheux, l'église Saint-Maxime fut reconstruite au 17è siècle avec la base romane de son clocher d'origine. On peut distinguer la statue du saint en évêque dans une niche de la façade de l'édifice qui est dédié à l'évangélisateur de la Tarentaise. L'intérieur offre un retable majeur réalisé par François Cuenot en 1656 dont il ne reste malheureusement que la partie centrale, les volets latéraux, le second niveau et le tabernacle (qui date du 18ème). Autre curiosité, la chaire, œuvre de Jacques Clérant (1722), réalisée en noyer, et présentant Saint Ambroise, Saint Grégoire, Saint Augustin et Saint Jérôme.


 

A quelques minutes en voiture, se trouve Arêches, autre petit village de montagne situé à 1080 mètres d'altitude. Le nom de cette localité proviendrait semble t-il de l'ancien propriétaire du domaine. Quoiqu'il en soit, l'endroit reste l'une des premières stations de ski françaises, avec des premières remontées mécaniques installées en 1947. On skie d'ailleurs beaucoup dans cette région, sur ces reliefs perchés entre 1000 et 2700 mètres. La localité est d'ailleurs surnommée « Petit Tyrol » en raison du nombre important de chalets qu'on y trouve et des troupeaux de vaches de races tarine et abondance.

Après m'être arrêté quelques minutes dans la petite église dédiée à Saint Jean-Baptiste, je reprends mon véhicule et poursuis ma route en direction de Boudin, minuscule village, et hameau le plus élevé de la commune de Beaufort. Classé site protégé par les Beaux-Arts depuis...1943, certains de ses chalets figurent aussi à l'inventaire du patrimoine. Installé sur une pente à forte déclivité, ces chalets sont regroupés et étagés en espaliers horizontaux pour profiter à la fois du soleil et d'une belle vue sur la vallée (deuxième photo). Je ne la verrai pas cette fois mais la Chapelle Saint-Jacques de Boudin fut érigée en 1630 avec la participation des habitants qui fournirent argent, matériaux et force de travail.


On m'avait prévenu, la route menant au Col du Pré ressemble davantage à un chemin de chèvre qu'à un nationale. Elle est d'ailleurs interdite aux camping-cars. En effet, je me retrouve très vite sur une route tout juste plus large que ma voiture. Y croiser un autre véhicule risque d'être problématique sachant que d'un côté il y a la montagne, et de l'autre, le vide. Comme en Haute-Corse, je repère les rares aires de dégagement savamment aménagées par endroits par les ponts et chaussées et roule au pas pour pouvoir m'arrêter de suite si un autre déboule au sortir d'un virage. Et ce qui devait arriver arriva, je me retrouvais bientôt avec, en face de moi,...six véhicules désirant passer en sens inverse. Peu hardi à la manœuvre, je tentais toutefois une marche arrière prudente pour dégager au mieux l'étroite chaussée sous le regard patient des autres conducteurs qui ne klaxonnèrent à aucun moment. Merci à eux !

J'atteignais très vite le col du pré qui culmine à 1703 mètres et admirais la beauté du paysage avec, au premier plan, les braves vaches savoyardes puis, au loin, le célèbre Mont-Blanc. Ce col, qui fut emprunté pour la première fois par le Tour de France en 2018, a laissé un souvenir impérissable aux coureurs. Je comprends mieux pourquoi maintenant. Je croiserai aussi de courageux randonneurs qui effectueront cette montée avec leur sac sur le dos, soit 12,2 km de grimpette au départ de Beaufort et jusqu'au barrage de Roselend.


 

Ce barrage sera ma dernière étape de ce périple dans le Beaufortain. Sachant que les montagnes des alentours approchent les 2800 mètres, on peut comprendre qu'EDF ait trouvé ici un endroit idéal pour construire une retenue d'eau et produire ainsi de l'énergie hydroélectrique. Le complexe de Roselend La Bâthie (c'est son nom) comprend en fait le barrage de Roselend (ci-dessous) et deux barrages satellites, La Gittaz et Saint-Guérin. Celui de Roselend, réputé pour être le plus esthétique des barrages savoyards, nécessita 940 000 m3 de béton pour sa construction. Les travaux débuteront en 1955 pour une mise en eau cinq ans plus tard, engloutissant ainsi le village alpin de Roselend et donnant lieu au versement par EDF d'indemnités conséquentes aux habitants lésés, des subsides qui contribueront d'ailleurs à la naissance de la coopérative laitière de Beaufort. Avec l'achèvement des travaux en 1962, la nouvelle chapelle de Roselend fut édifiée près du site du barrage. La chapelle d'origine, dédiée à Sainte Marie-Madeleine, fut, elle, engloutie lors de la mise en eau du barrage.


 

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