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L'amour du travail bien fait
(Bourg-Saint-Maurice, Savoie, France)
Heure locale

 

Mercredi 2 octobre 2019

 

Pur produit de Savoie, le Beaufort est traditionnellement fabriqué en haute montagne, sur un territoire allant de la vallée du Beaufortain, du val d'Arly à celle de la Maurienne, en passant par la Tarentaise. Soit une surface de 450000 hectares correspondant aux deux tiers du département. A l'origine de ce fromage d'exception, une nouvelle organisation collective appréhendée dès les années 1960 à travers la création des coopératives laitières par les agriculteurs dans le but de privilégier la qualité plutôt que la quantité. Et le lait d'être ainsi mis en commun pour fabriquer un fromage de garde, de grande taille et de longue conservation : le Beaufort. Je rends visite ce matin à la Coopérative laitière de Haute-Tarentaise de Bourg-Saint-Maurice afin d'en apprendre plus. Je pars ensuite chez un couple de torréfacteurs qui a créé un atelier-musée autour du café. Du bel ouvrage en perspective.

 

Cette histoire vaut bien un fromage. Je veux parler de celle qui consista à unir ses efforts dans une véritable aventure humaine, afin d'éviter l'exode rural tout en mettant en avant la qualité savoyarde, celle du travail bien fait. Jusque dans les années 1960, l'organisation pastorale traditionnelle nécessitait beaucoup de main d'oeuvre pour entretenir les parcelles, s'occuper du troupeau ou faire les foins. Une main d'oeuvre en voie de disparition à une époque où les jeunes partaient travailler en usine. Et une poignée d'hommes conduite par Maxime Viallet d'instaurer un jour une nouvelle organisation basée sur la nécessité de valoriser la lait comme produit de qualité, en donnant naissance à des coopératives laitières sur un large territoire pour collecter le lait des agriculteurs à partir duquel on va fabriquer, affiner et commercialiser le Beaufort. Le succès sera tel que, huit années plus tard, le célèbre fromage sera reconnu en AOC, avant la création du Syndicat de Défense du Beaufort en 1975, qui regroupera ateliers de production et producteurs de lait pour promouvoir cette fois le Beaufort AOP.

 

L'exposition que je visite à la Coopérative laitière de Bourg-Saint-Maurice se divise en deux parties : la première, située au sous-sol du bâtiment, aborde la fabrication puis l'affinage du Beaufort, tandis que la seconde partie (au 1er étage) traite des régions de production laitière, des races de vaches fournissant le lait entrant dans la fabrication du fromage en question et de la vie d'agriculteur et de son travail. Un rappel historique est aussi fait sur la création des coopératives laitières.

Connue comme le plus vaste domaine skiable des Alpes, la Haute-Tarentaise s'étend de Bourg-Saint-Maurice au Col de Petit-Saint-Bernard, à une altitude allant de 800 à...3779 mètres ! A elle seule, la vallée de la Tarentaise rassemble 150 producteurs de lait, six groupements pastoraux, 14 producteurs individuels, trois ateliers coopératifs et un acheteur de lait, le tout sur 1900 km2. La végétation s'étage quant à elle de la vallée (présence de pâturages) à l'alpage (pâturages d'altitude) en passant par la montagnette (forêts de conifères), afin d'offrir aux vaches le meilleur d'un alpage à l'autre.

Je découvre ainsi que rien n'est laissé au hasard. Le Beaufort est produit toute l'année mais n'a pas forcément le même goût, malgré sa qualité constante et sa saveur inégalée. Fabriqué de novembre à mai lorsque les vaches se trouvent dans la vallée ou en étable, et sont nourries de foin, le fromage n'offrira pas le même goût que lorsqu'il est fabriqué du 1er juin au 31 octobre, avec des vaches à la pâture en alpage, avec une alimentation et une exposition au soleil différente.

 

Le Beaufort n'est fabriqué qu'à partir de lait de vaches Tarine ou Abondance : race de Savoie, et originaire de la Tarentaise, la vache tarine (ou tarentaise) présente plutôt une faible corpulence, et pèse 550 kg. Elle a une tête courte, un front large et des yeux maquillés de noir, avec des cornes en forme de lyre, et des pointes rejetées vers l'arrière. Agile, endurante et résistante aux variations de température, elle possède une robe uniforme de couleur fauve, avec des extrémités noires. La vache Abondance, elle, nous vient de Haute-Savoie (dont le berceau d'origine est le Val d'Abondance), possède une taille moyenne, pèse 650 kg et constitue la quatrième race laitière française. Ses cornes, claires et longues, sont incurvées vers l'avant et remontent vers l'arrière. Infatigable marcheuse, également résistante aux variations de température, elle le pourtour des yeux et des oreilles acajou.

Dès sa naissance, chaque veau est baptisé par l'éleveur et possède un nom, une preuve de reconnaissance et d'affection envers l'animal. Chaque vache est également identifiée par deux boucles d'oreille en plastique, et possède même un passeport sur lequel figurent sa race, sa généalogie et son lieu de naissance...Et les cloches dans tout çà ? Je suis moi-même surpris d'observer que les vaches savoyardes portent de tels instruments au cou. En fait, le tintement de la cloche permet au berger de repérer où se trouve le troupeau par temps de brouillard ou la nuit. Les sonnailles (autre nom de cloches) aident aussi à retrouver les animaux égarés. D'anciennes croyances prêtaient même aux cloches la faculté de préserver les vaches des morsures de vipères (mais la vipère étant sourde, elle ne peut entendre le son d'une cloche!), de l'orage ou des voleurs. Ici, en Haute-Tarentaise, les vaches arborent des cloches fabriquées à Chamonix.

 

C'est bien connu, on est ce que l'on mange. C'est aussi vrai pour le bétail, et plus l'alimentation est riche, plus les vaches produisent de lait. L'hiver, une vache peut manger de 15 à 20 kg de foin par jour, tandis qu'en été, elle peut consommer de 50 à 80 kg d'herbe et boire 60 à 90 litres d'eau journellement. Elevée au grand air et nourrie sainement, l'animal pourra vivre jusqu'à vingt ans.

Ne nous étonnons pas qu'avec un lait aussi riche, le Beaufort fournisse huit fois plus de calcium qu'un yaourt ou qu'un verre de lait. Une seule portion de 60 grammes de ce fromage couvre en effet les deux tiers des besoins quotidiens en calcium et 30% des apports journaliers en protéines, l'équivalent de deux œufs ou de 100g de viande. Renfermant 32% de matière grasse, ce fromage riche présente une texture ferme à l'attaque, puis fondante. Et une pâte lisse au goût unique à la fois fruité et fleuri.

Si le Beaufort est reconnu AOP depuis plus de 50 ans, c'est au prix de règles strictes : le fromage doit être fabriqué au lait cru entier provenant exclusivement de vaches des races décrites plus haut, le bétail doit être nourri de fourrages et d'autres matières nobles (céréales) sans OGM. Il doit aussi s'écouler un délai très court entre la production de lait et la transformation fromagère. Quant à la production, elle est limitée à 5000 kg de lait par vache et par an. Malgré toutes ces normes, le Beaufort ne serait pas un fromage d'exception sans l'amour et la passion des hommes qui le fabriquent, depuis l'éleveur, le producteur en passant par l'alpagiste.

 

C'est le même souci du travail bien fait qui anime Nelly et Michel Spinneweber depuis une dizaine d'années au sein de leur atelier de torréfaction de café l'Or Vert. L'amour des voyages et la passion du café les ont poussé à ouvrir un atelier-musée ici, à Bourg-Saint-Maurice, histoire de faire vivre aux visiteurs la torréfaction du café, chaque samedi matin, à l'aide d'une machine à torréfier datant de 1935 et fonctionnant au bois et au charbon. Une expérience unique, car il n'existe plus en France que deux machines de ce type. Ainsi, chaque semaine, ce sont 15 kg de café qui sont torréfiés à l'ancienne pour pouvoir répondre une semaine durant à la demande de la clientèle. Comptez entre 11 et 14 mn de torréfaction pour dix kilos de grain vert, le temps que le café brunisse à 220-230°C. Le nez est alors primordial afin de stopper l'opération au moment opportun. Les grains brulants refroidissent alors dans une cuve, avant de reposer quelques jours dans des boites en fer pour leur donner tout leur arôme.

 

Notre jeune couple de torréfacteurs expose plusieurs objets liés au café : cafetières, moulins muraux, moulins à café...dont la Pavoni (en photo ci-dessous) idéale pour « servir instantanément le café en boisson ». Et si vous souhaitez en apprendre plus sur les moulins à café, penchez-vous sur les panneaux d’information affichés à l'entrée de l'établissement. J'apprendrai entre autres que c'est en Turquie que le premier moulin à café vit le jour vers le 17è siècle. Que les premiers moulins français étaient des modèles de luxe réservés à la grande noblesse, fabriqués à la demande et dans un seul morceau de bois, d'où leur qualification de « monoxyle ». Suivront ensuite le moulin entonnoir, le moulin sablier, des moulins en cuivre, en bois, en acier, muraux ou non....Vous serez surpris de découvrir tout ce que contient une tasse de café. Vous avez dit Or Vert ?

 

INFOS PRATIQUES :

  • Coopérative laitière de Haute-Tarentaise, 494, rue des Colombières, Bourg-Saint-Maurice. Tél : 04 79 07 08 28. http://www.fromagebeaufort.fr/ . Exposition gratuite sur le fromage de Beaufort. Achat de produits possible par internet.
  • Atelier de torréfaction Les Cafés l'Or Vert, 273, avenue Antoine Borrel, Bourg-Saint-Maurice. Tél : 0610 50 83 55 et 09 51 23 24 87. Vente aux particuliers et aux professionnels. http://www.lorvert.net/





 



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