Revoir le globe
Top


Un si doux parfum florentin
(Florence, Région de Toscane, Italie)
Heure locale

 

Mardi 10 mars 2020

 

J'étais loin d'imaginer franchir un jour le pas de la plus ancienne parfumerie au monde. C'est pourtant chose faite, puisque la vénérable maison « Officina Profumo-Farmaceutica di Santa Maria Novella » m'ouvre aujourd'hui ses portes à Florence. Plus actuel, le parfumeur Lorenzo Villoresi a choisi l'anticonformisme et la création de nouvelles fragrances, mais aussi d'offrir au public un musée hors du commun. C'est donc à un voyage dans le temps que je vous convie cette fois dans un monde en odeur de sainteté.

 

C'est mon amie Soraya qui me confia un jour qu'elle avait regardé un reportage télévisé sur cet endroit. Après quelques recherches, il ne me fut pas difficile de trouver l'adresse en suivant mes amis japonais qui, eux, ont le nez pour ce genre d'établissement. Ancienne maison d'apothicaire italienne, la Officina Profumo-Farmaceutica di Santa Maria Novella devint plus tard parfumerie, installée à l'intérieur de l'ensemble conventuel de la basilique toute proche. Au moment de franchir le seuil de cette maison, j'ai davantage l'impression de pénétrer dans un musée qu'à l'intérieur d'une boutique, et pourtant...

Besogneux, les Frères dominicains ne tarderont pas à fonder l'entreprise peu après leur arrivée à Florence en 1221. Et de se lancer dans la culture d'herbes médicinales qui serviront ensuite aux pères pour préparer les médicaments, les baumes et les pommades destinés à la petite infirmerie de leur couvent. Ceux qu'on surnommait jadis jardins de simples (en référence aux plantes « simples » et basiques qui y sont cultivées pour leur vertus médicinales) se perpétuent encore de nos jours, sur une colline de Florence, et fournissent comme autrefois les ingrédients naturels des produits de la célèbre maison. Les archives florentines révèlent ainsi que les Dominicains vendaient déjà, en 1381, de l'eau de rose en guise d'antiseptique lors d'épidémie de peste.

 

Près de quatre siècles s'écouleront avant que la renommée des bienfaits des remèdes des Frères ne connaisse un retentissement à l'étranger et ne convainque la congrégation d'ouvrir leur pharmacie au public, en 1612, date à laquelle remonte d'ailleurs la parfumerie actuelle. Et Frère Angiolo Marchissi de prendre alors les rênes de cette échoppe et de se voir bientôt accorder l'honneur par le Grand-duc, de nommer son activité Fonderie de Son Altesse Royale. En 1659, Ferdinand II de Médicis en fera son fournisseur agréé alors que la notoriété de la pharmacie franchit les frontières pour se faire connaître jusqu'en Russie, aux Indes et en Chine, grâce au génie des nombreuses formules élaborées par les Frères apothicaires. Le poète Dante Alighieri en sera également le client, et Catherine de Médicis s'y fournira en Eau de la Reine, un parfum spécialement conçu pour elle et à base de bergamote. Parfum qu'elle emportera avec elle en France.

 

1866 marquera la confiscation des biens de l'Eglise par le gouvernement italien. L'activité de la pharmacie passera alors aux mains de l'Etat, lequel la confie à Cesare Augusto Stefani, le neveu du dernier frère directeur de la Officina. De là, Stefani rachètera le nom de l'entreprise et les biens mobiliers, permettant ainsi le redémarrage de l'activité, laquelle demeure dans la même famille depuis quatre générations.

Aujourd'hui, la Officina Profumo-Farmaceutica di Santa Maria Novela perpétue plus que jamais la tradition, sous la direction d'Eugenio Alphandery. Par l'utilisation de matières premières naturelles de haute qualité, et l'usage des méthodes artisanales des Pères dominicains, l'entreprise diffuse ses produits renommés à travers le monde. Un soin tout particulier est accordé à l'herboristerie qui a fait depuis toujours le succès de l'officine. Ainsi, toutes les préparations sont-elles faites à base d'herbes et de lipides d'origine naturelle et non testées sur les animaux. Ces préparations sont conçues à quelques kilomètres de là, au nord de Florence, à l'aide de machines spécialement mises au point pour cette activité.

 

Chaque produit de l'officine contient un morceau de l'histoire de la célèbre parfumerie. Comme par exemple « l'Acqua di Santa Maria Novella », parfum que Catherine de Médicis commanda aux Frères dominicains en 1533 et qu'elle porta en France durant ses noces avec Henri de Valois, futur roi Henri II. C'est l'unique fragrance identifiée en tant que parfum et non comme un eau de Cologne. D'autres vieilles recettes participent au trésor de l'enseigne comme Liquore Mediceo, Alkermes, Elisir di China, Aceto dei Sette Ladri et l'élixir d'Acqua di Santa Maria di Novella, à consommer à raison d'une cuillère à café dans un verre d'eau que l'on prendra en plusieurs fois pour profiter pleinement des propriétés digestives et rafraichissantes de la potion. Initialement appelée « eau anti-hystérique », cette spécialité est constituée d'un mélange de plantes aromatiques sélectionnées comme la balsamite, la menthe et la cannelle de Ceylan. C'est le Frère Angiolo Marchissi qui en développera la recette originale en 1614, à partir des herbes récoltées par les dominicains autour de leur couvent du 13è siècle. De nos jours, ces herbes poussent toujours dans le jardin Santa Maria di Novella et sont directement distillées sur leur site de production.

Eaux de Cologne, parfums, savons, crèmes, baumes, laits... et l'antique pot-pourri des Frères dominicains participent ainsi à la réputation de la maison. Un site internet en plusieurs langues permet de découvrir chacun de ces produits.

 

L'entreprise, dont les locaux ont été entièrement restaurés pour les 400 ans de l'enseigne, offre aux visiteurs de plonger dans l'histoire grâce au musée installé sur place. On peut ainsi découvrir l'Ancienne pharmacie, devenue herboristerie et consacrée à la vente et à la présentation des produits de 1612 à 1848, la reconstitution de la salle des ventes telle qu'elle existait en 1848 pour accueillir la clientèle, et la Salle Verte, salon de réception depuis 1700 et lieu de dégustation de liqueurs et du chocolat chaud. Vitraux précieux, céramiques anciennes et autres objets en cuivre et en bronze donnent ainsi toute la mesure à ce Musée de l'Officina Profumo-Farmaceutica di Santa Maria Novella.

 

L'art du parfum florentin, c'est aussi Lorenzo Villoresi qui, depuis 1991, a transformé sa passion en métier, en devenant un parfumeur renommé de la cité : Tout commença lors d'un voyage au Moyen-Orient en 1981, dont il rapportera épices, extraits et essences aromatiques, tant il sera séduit par l'atmosphère qui se dégageait alors des lieux visités. De retour en Italie, il se mit au travail jusqu'à mettre au point ses premières formules à partir d'huiles essentielles puis se lancer définitivement dans le monde de la parfumerie, à l'occasion d'une première commande passée par la Maison Fendi. L'enfant du pays, qui a déjà obtenu plusieurs récompenses internationales, a choisi de mettre en avant la valeur intrinsèque des matières employées pour créer le précieux sésame, que ce soit pour une clientèle privée ou un public plus large. En effet, Lorenzo Villoresi propose à tout un chacun de créer son parfum personnalisé, intime et unique, rien que pour soi. Tout comme du temps des Médicis, où cristal, albâtre de Volterra, marbre de Carrare, bois d'olivier ou cuir florentin...constituaient l'essence même de cette cité florentine qui séduit tant par son histoire et sa richesse patrimoniale, Lorenzo Villoresi a voulu à son tour tirer le meilleur des matériaux, fragrances et couleurs toscanes pour offrir plus q'un parfum, un voyage olfactif.

Installé dans l'ancien palais familial, à deux minutes du Ponte Vecchio, le maitre-parfumeur œuvre au quotidien pour la création d'un univers où se marient huiles essentielles et autres extraits du monde entier avec les plantes de sa Toscane natale (laurier, olivier, cyprès et racine d'iris). Point de production industrielle mais une fabrication entièrement artisanale, selon des méthodes traditionnelles qui ont fait leurs preuves. Et de concevoir le parfum comme on le ferait pour un enfant, avec amour, patience et soins répétés jusqu'à ce que la fragrance atteigne la maturité recherchée.

 

Le pot-pourri Piper Nigrum est le parfait exemple de ce savant mélange entre bois très aromatiques, poivres piquants, noix de muscade, résines et fragrances, lesquelles, une fois mélangées les unes aux autres créent cette alchimie de l'odorat inattendue, insolite et originale, qui séduit une clientèle internationale, à la fois fidèle, raffinée et exigeante. La démarche première de Lorenzo Villoresi n'est pas de s'enfermer dans le conventionnel mais de tracer sa propre voie en utilisant les évocations et les influences anciennes, et en prenant son temps, quitte à sillonner le monde actuel pour en rapporter les précieux extraits qui feront demain la différence. Et le parfum de devenir voyage en créant sensations, images et nouvelles émotions.

Chez Lorenzo Villoresi, l'imagination est au pouvoir et le contenant, aussi important que le contenu, doit être aisément reconnaissable. Au fil des ans, une petite bouteille de forme hexagonale est ainsi devenue l'emblème de la marque, en laissant néanmoins une place à des emballages plus luxueux et élaborés, disponibles à la demande. Le parfum doit aussi être facilement transportable et le parfumeur a donc conçu un flacon qui ne fuit pas, et même un astucieux parfum solide, contenu dans un élégant étui rappelant les montres de nos grands-mères, qui franchira à coup sûr les filtres de sûreté. De la même façon, Lorenzo Villoresi s'est entouré d'équipes polyglottes capables de s'adresser au plus grand nombre et a conçu un site internet traduisible en plusieurs langues.

 

Comble du raffinement, Lorenzo Villoresi a souhaité offrir au public un voyage de découverte multi-sensorielle au cœur d'un musée qu'il a dédié à l'art du parfum. On y apprend mythes et légendes de l'Ancien monde, tout en découvrant les essences et les substances aromatiques de base, la fabrication d'un parfum du point de vue scientifique et technique et l'art de créer de nouvelles formules en partant d'essences naturelles. Histoire de se mettre au parfum, celles et ceux qui ont du nez feront un tour du côté d'Osmorama, la bibliothèque des odeurs constituée de nombreux extraits aromatiques anciens et contemporains. Enfin, jardin et terrasse abritent une sélection de plantes aromatiques issues du monde entier. Les plus curieux pouvant compléter leur expérience grâce à ds films, des dispositifs olfactifs, une carte interactive et une base de données unique. Ce musée est un véritable outil pédagogique.


 

INFOS PRATIQUES :

  • Officina Profumo-Farmaceutica di Santa Maria Novella, Via della Scala, 16, à Florence. Tél : +39 055 216 276 . https://www.smnovella.com/it/
  • Maison Lorenzo Villoresi, Via de Bardi 12, à Florence . Tél : +39 055 234 11 87

    https://www.lorenzovilloresi.it

    . Un grand merci à Madame Villoresi et à son équipe pour leur chaleureux accueil.

  • Ces deux maisons autorisent la commande de leurs produits via leurs sites internet respectifs.

 

 








 



Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile