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"Les Colbert, ministres et collectionneurs"
(Musée du Domaine de Sceaux, Château de Sceaux, Hauts-de-Seine, France)
Heure locale

Mardi 24 mars 2020

 

Confiné chez moi, je n'ai d'autre choix que de travailler à distance afin de trouver un sujet intéressant à vous soumettre. Coronavirus ou pas, il n'est pas interdit, bien au contraire, de s'enrichir et de mettre ce temps confisqué à profit pour apprendre, découvrir et même parfois visiter à distance certaines expositions devenues inaccessibles physiquement. La famille Colbert, dont je vais vous parler aujourd'hui, fut précieuse pour notre pays, car elle fournit jadis à la nation des hommes de valeur. L'exposition « Les Colbert, ministres et collectionneurs » était jusqu'à récemment proposée aux visiteurs, au musée du Domaine départemental de Sceaux (92) et dans le cadre de la célébration du quatrième centenaire de la naissance de Jean-Baptiste Colbert.

 

Le musée en question n'en est pas à sa première tentative puisqu'une précédente exposition, présentée l'année dernière, avait permis au public d'admirer des estampes prêtées par Joseph de Colbert tout en montrant qu'au-delà de Jean-Baptiste Colbert (surnommé le Grand Colbert), nombreuses furent les personnes membres du clan Colbert à avoir occupé des postes de grands commis de l'Etat sous le règne de Louis XIV. On relève ainsi les branches des Seignelay, de Croissy, de Villacerf plus tard déclinées en Blainville, Ormoy, Lignières, Torcy ou Maulévrier, qui donnèrent à la France, soixante années durant, quantités de ministres, Secrétaires d'Etat, conseillers du roi, colonels, maréchaux de camp, membres de l'Académie française, abbés, évêques, archevêques.... Peu de familles peuvent se vanter d'avoir joué un rôle aussi influent dans le destin de notre pays à un moment aussi décisif. Si le népotisme connaissait son âge d'or à cette époque, le favoritisme se justifiait par une formation exigeante, une compétence avérée, un engagement total, une disponibilité permanente et une loyauté sans faille. Des contraintes existaient, certes, mais elles étaient récompensées en espèces sonnantes et trébuchantes. Les Colbert recevront ainsi une sorte de salaire indexé sur la prospérité du pays, juste retour des choses pour cette famille qui considérait être en grande partie responsable de la bonne santé de la France et qui avait pour devise « Pour le roi souvent, pour la patrie toujours ».

 

Le 17è siècle consacre une place prépondérante au collectionnisme en Europe : rois, princes, grands aristocrates et bourgeois fortunés rivalisent alors de curiosité envers ce que la Nature produit de plus rare et ce que les hommes créent de plus beau. Et cabinets de curiosités et galeries de constituer de véritables cavernes d'Ali Baba vite convoitées par les collectionneurs en herbe. Ces derniers dépêchent bientôt des représentants dans tout le pays chargés d'acquérir le tableau rare, la sculpture d'exception, les livres précieux et autres médailles, monnaies ou antiquités... C'est sous le règne de François 1er que les collections royales commencèrent de se constituer, jusqu'à ce que la curiosité de ses successeurs ne s'amenuise, sans doute à cause des guerres de Religion. L'élan nouveau viendra du cardinal Jules Mazarin, homme alors le plus riche d'Europe qui donnera au collectionnisme la place qu'il mérite en investissant des sommes colossales en œuvres d'art, meubles précieux, monnaies et médailles, livres et manuscrits, des objets qui représenteront à sa mort plus d'un tiers de son patrimoine et qui lui vaudront de passer pour le « plus grand collectionneur de l'âge classique ». Contraint de fuir la France au moment de la Fronde, le cardinal confiera la garde de ses biens à Jean-Baptiste Colbert qui en fera l'inventaire et contractera à son tour le goût de la collection. Mazarin ne possédait-il pas une bibliothèque de quelques 27000 ouvrages et de 2000 manuscrits inestimables ?

Colbert contribuera ainsi à l'éveil du monarque Louis XIV aux beaux-arts. D'abord Surintendant des bâtiments du roi (1664), puis contrôleur général des Finances (1665), l'homme se lancera dans un vaste programme d'enrichissement, de protection et d'inventaire des collections de son maitre. Et d'amasser dans son hôtel parisien de la rue Neuve-des-Petits-Champs et en son château de Sceaux (92) des trésors équivalents à ceux du Louvre ou du château de Versailles.


 

Ne nous fions pas à l'apparence de Colbert (ci-dessus), telle que décrite sur les portraits qui furent donnés de lui. On le dépeint vêtu de noir, à l'expression fermée et au geste étroit, froid, le faisant passer pour un technocrate carriériste noyé dans ses dossiers, alors que l'homme était tout autre. L'exposition « Les Colbert, ministres et collectionneurs » contribue justement à faire oublier cette image du Grand Colbert et met en exergue l'amoureux des arts. Le domaine de Sceaux, qu'il acquiert en 1670, en témoigne, avec ses trois coupoles peintes par Charles Lebrun, premier peintre du roi. Que dire du grand escalier du château (malheureusement disparu depuis) également peint par Le Brun ? Le parc de cette somptueuse résidence, véritable musée à ciel ouvert avec ses 160 statues, vases de pierre, de marbre ou de bronze, est aussi là pour nous rappeler, s'il en était besoin, le bon goût artistique de Colbert. L'homme se révèle en effet dans l'ardeur qu'il met à compléter et organiser sa bibliothèque et sa collection de monnaies et de médailles. Et de jouir de ses objets dans le silence et la méditation, en solitaire ou dans le partage, entouré d'un ou deux autres amateurs tout au plus.

Il y a d'abord Seignelay, l'enfant prodigue : époux de Marie Charron, Colbert aura neuf enfants dont l'ainé des garçons, lui aussi prénommé Jean-Baptiste, qui héritera des charges et des biens de son père. Se retrouvant à la tête de Sceaux en 1683, celui qu'on appelait marquis de Seignelay, agrandira le domaine, creusera un grand canal puis fera bâtir une somptueuse orangerie, avant de voyager en Europe et de s'initier aux choses de la Marine et aux subtilités de l'art, admirant alors les grands décors de la Renaissance et rencontrant les artistes et leurs mécènes. Devenu bientôt surintendant de la Marine de Louis XIV, l'homme ne cessera de collectionner des chefs-d'oeuvre qu'il répartira entre l'hôtel de famille et le château de Sceaux à l'exemple de cette peinture « Le Christ et la Samaritaine », œuvre d'Annibal Carrache. Tout comme son père, Seignelay appréciait beaucoup les sculptures, mais tout particulièrement les petites pièces, comme cette pièce de Michel Anguier « Amphitrite tranquille «  (ci-dessous). Malheureusement les collections rassemblées par Colbert et Seignelay seront dispersées au début du 18è siècle par leurs ayants droit. Ainsi une part considérable de la bibliothèque du Grand Colbert (que Seignelay avait continué d'enrichir) et la totalité des manuscrits seront-ils plus tard rachetés par Louis XV afin de compléter la bibliothèque royale (actuelle BNF). Quant aux œuvres d'art, elles seront vendues ici et là, pour finir aux mains de collectionneurs français (Philippe d'Orléans) ou anglaises.


 

Vinrent ensuite les Croissy, Torcy et Villacerf : Charles Colbert, marquis de Croissy (et frère du Grand Colbert), en photo ci-dessus, fera une remarquable carrière diplomatique et ministérielle. Il représentera ainsi Louis XIV en 1668, au congrès d'Aix-la-Chapelle, dont le traité mettra un terme à la guerre de Dévolution avec l'Espagne, puis en 1678, au congrès de Nimègue dont les traités multilatéraux mettront fin à la guerre de Hollande. Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères de 1679 à sa mort, commandeur et grand-trésorier des ordres du roi entre 1690 et 1696, Charles vivra à Paris dans l'hôtel Tubeuf, rue Vivienne, une résidence dont il fera l'acquisition en 1688. Son fils, Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torcy, sera également Secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, mais aussi chancelier, garde des sceaux, grand-trésorier des ordres du roi et membre de l'Académie royale des Sciences. Il sera enfin un fidèle participant aux fêtes données par la duchesse du Maine, à Sceaux, et sera même membre de l'ordre de la Mouche à miel créé par la princesse en 1703. Une parodie d'ordre de chevalerie conçue pour attacher à sa personne la cour qu'elle avait rassemblée au château de Sceaux.

Edouard Colbert, lui, était un cousin du Grand Colbert et marquis de Villacerf. Tour à tour premier commis du marquis de Louvois au département de la Guerre, puis surintendant des Bâtiments du roi de 1691 à 1699, l'homme, très fortuné, vivra à Paris dans un somptueux hôtel particulier sis au 23 de la rue de Turenne. Il possédera aussi un très beau château en Champagne (Seigneurie de Villacerf).

Très pieuse, la famille Colbert donnera aussi à notre pays quelques prélats : Jacques Nicolas, abbé du Bec-Hellouin, évêque coadjuteur et archevêque de Rouen, puis élu à l'Académie française en 1678. Michel Colbert, cousin du Grand Colbert, sera abbé général des Prémontrés. Nicolas Colbert (en photo ci-dessous), frère du ministre, sera évêque de Luçon, puis d'Auxerre. Charles Joaquim Colbert, fils du marquis de Croissy, officiera comme évêque de Montpellier entre 1697 et 1738. Enfin, Jean-Baptiste Michel Colbert, frère du marquis de Villacerf, sera évêque de Montauban, puis Archevêque de Toulouse. Quelle famille de haute destinée !


 

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