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Trouville-sur-Mer et son Histoire maritime
(Calvados, France)
Heure locale

 

Vendredi 4 septembre 2020

 

Jadis, Trouville-sur-Mer n'était qu'un petit port de pêche, devenu depuis cette station balnéaire si prisée par les Parisiens. Le village de pêcheurs se trouve à l'embouchure de la Touques, ce fleuve côtier normand né aux confins du Pays d'Ouches, du Pays d'Auge, du Perche et de la campagne d'Alençon. Un cours d'eau qui sépare Trouville et Deauville. C'est en effet du bord de la Touques que je pars tôt ce matin à la découverte de l'Histoire maritime de Trouville, muni de la brochure correspondante remise gracieusement par l'Office du tourisme. Une promenade fort agréable, ponctuée d'une dizaine de panneaux d'information placés sur le parcours.

 

Le quai et le pont sont ce que l'on voit en premier lorsqu'on descend du train à la gare ferroviaire située sur la commune de Deauville. Il y a fort longtemps, les bateaux s'échouaient dans le lit de la rivière, au pied des quais rudimentaires construits de manière discontinue. Il faudra attendre l'arrivée de la route départementale N°16, qui relie Saint-Pierre-sur-Dives à la mer via Pont-l'Evêque, pour que soit envisagée la construction d'un mur de soutènement en maçonnerie de 450 mètres, côté rivière. Celui-ci sera terminé en 1842 et offrira une largeur suffisante pour permettre une circulation à double flux. Entre temps, un premier quai a vu le jour, sur lequel s’élèvera bientôt une poissonnerie, un an seulement après son achèvement. Celui qu'on surnommera le quai de Trouville ne cessera d'être élargi par la suite, en gagnant du terrain sur la Touques. C'est ainsi qu'en 1880-81, puis en 1936, sera érigé un appontement en béton qui permettra de tracer une grande avenue à quatre voies indispensable au bon écoulement d'un flux automobile croissant.

Quant au pont, le premier du genre qui sera baptisé « pont de l'Union » sera jeté sur le fleuve côtier lors de la création de Deauville. Mis en service en octobre 1861, l'ouvrage ne sera achevé qu'en avril de l'année suivante par la pose d'une arche tournante côté Trouville qui permettait aux bateaux de remonter la rivière jusqu'à Touques, port séculaire du Pays d'Auge. Ce premier pont sera détruit par l'occupant allemand pour couvrir sa retraite du 22 août 1944. L'actuel « pont des Belges » (ainsi nommé en hommage à la brigade belge Piron qui libéra la Côte fleurie), lui, ne sera bâti qu'en 1952 pour offrir les quatre voies de circulation actuelles (depuis son élargissement de l'an 2000).

 

En remontant un peu plus la Touques, j 'arrive à l'ancien quartier du Quernet, situé au confluent du ruisseau de Callenville, cours d'eau naturel non navigable de près de deux kilomètres. Le Quernet autrefois petit village de pêcheurs dominé par le clocher de l'église ancestrale Saint-Jean-Baptiste datant des 11è-12è siècle, accueillera plus tard l'hôpital de Trouville, puis une usine à gaz, mais aussi (et surtout) les masures au toit de chaume de ce quartier cœur historique au cœur du vallon, ces chaumines si charmantes qui attirèrent bien des peintres, dont Charles Mozin qui immortalisera sur l'une de ses toiles le ruisseau de Callenville et la Touques au Quernet.

Côté Trouville, je me rends aux Ecores qui symbolise en réalité une falaise escarpée dégringolant dans les eaux de la Touques, entrainant de fréquents éboulements lors des grandes marées. L'endroit n'a pas que des inconvénients car c'est dans cette passe, véritable abri entre Ouistreham et Honfleur pour les navires en provenance d'Angleterre qu'on procédait au déchargement des cargaisons. C'est également à cet endroit que naitra l'actuelle Trouville, entre l'estuaire de la Touques et le débouché du ruisseau de Callenville, autour d'une communauté de gens de mer (marins, pêcheurs et...contrebandiers). Au retour de la pêche, les bateaux venaient s'échouer au pied de la falaise des Ecores pour permettre le déchargement du poisson à l'aide de paniers permettant « l'écorage » de la marée, terme venant de l'anglais to score (tenir les comptes, le « score » du bateau). Cette comptabilité était placée sous la surveillance des autorités municipales, à l'aide d'un registre appelé écore. Quant aux écores (au pluriel), ils désignent également les étais qui soutenaient les bateaux en cours de construction dans les chantiers navals. Ce mot-là possédait décidément de multiples usages.

Ce lieu prendra son essor vers 1600, sous Henri IV, avec la création d'un premier appontement. Les baraques des travailleurs de la mer s'accrochent sur les hauteurs et à flanc de falaise et l'on se rend aux quais grâce à des escaliers de granit (toujours existants). Les quais en dur prennent de l'ampleur jusque dans les années 1930, et servent de lieu d'observation de l'autre rive, où se dresse un espace sauvage constitué de dunes et de marais, à l'endroit même où s'élèvera la future « Deauville ».Du Second Empire aux débuts de la IIIè République, ce quartier prendra sa forme définitive en édifiant les logements modestes (mais fonctionnels) près du port et à destination des équipages. Et le quartier des Ecores d'apparaitre encore aujourd'hui dans notre pays comme l'un des derniers exemples homogènes d'un ensemble de logements de marins du 19e siècle, une cité de pêcheurs qui vit le jour sous la Monarchie de Juillet.

 

C'est en octobre 1921 qu'un certain Bernard Macario obtiendra par arrêté l'autorisation d'ériger un chantier naval sur un emplacement jadis repéré par l'ingénieur Tostain (dès 1855). A cette époque, on hésitait encore sur la nécessité de construire (ou pas) un barrage sur la Touques, mais on y renoncera définitivement à la fin de la guerre. Et Bernard Macario de flairer l'aubaine, car il était alors compliqué de faire réparer ou construire des barques à Trouville à prix raisonnables. Soutenu par le maire de Deauville et le syndicat des marins de Trouville, son chantier ne devait pas dépasser les quatre mètres de haut et ne servir qu'à remiser outils et bois de construction. Les riverains auront beau protester par voie de pétition (laquelle restera d'ailleurs sans suite), l'enjeu économique l'emportera sur le reste. Le chantier, qui connaitra des débuts modestes, prendra rapidement de l'ampleur grâce à l'habile direction de son propriétaire et au rajout d'une cale de radoub en 1928.

Sur le quai se dresse le marché aux poissons, intégré à un vaste chantier d'élargissement du quai. Succédant à la petite halle en bois édifiée en 1843, puis à la Halle en fer bâtie en 1881, l'actuel bâtiment fit l'objet d'un concours lancé en 1935, un concours dont le cahier des charges incluait une référence au style régional, avec pans de bois et couverture en tuiles. Le lauréat fut l'architecte trouvillais Maurice Vincent qui conçut le vaste bâtiment que l'on peut voir aujourd'hui avec sa large toiture à deux pans inspirée de la Lieutenance de Honfleur. Bâtie en un temps record (en six mois à peine, en 1936) cette nouvelle poissonnerie fit aussitôt l'unanimité. Et de figurer à l'inventaire des Monuments historiques depuis 1992. L'ensemble souffrit pourtant d'un incendie criminel en 2006 et c'est grâce à la résistance des poutres maitresses (faites en ciment armé) que l'ouvrage n'a pas complètement disparu dans le brasier. Reconstruite à l'identique, la poissonnerie reste un élément majeur du patrimoine architectural néo-normand du quai.

 

C'est que je me trouve ici dans le premier port de pêche normand au maquereau, qui débarque chaque année 1984 tonnes de produits de la mer ramenées par une flotte de 22 bateaux de pêche. Géré et entretenu par le département du Calvados, le domaine portuaire s'étend le long des 216 mètres de la jetée Jean-Claude Brize. C'est en 1846 que les deux premières jetées en bois seront réalisées, à l'initiative de la commune trouvillaise, afin de faciliter l'accès à son port d'échouage. A l'origine, la Touques allait se jeter quelque trois kilomètres plus à l'ouest, sous le Mont Canisy, mais les vents dominants de l'hiver empêchaient la sortie des barques trouvillaises, contraignant alors les pêcheurs à s'expatrier à Dieppe, au Tréport ou au Havre pour vendre leurs poissons durant la mauvaise saison. C'est entre 1846 et 1849 que sera entrepris le détournement du cours originel de la rivière par le creusement d'un chenal, fixé par la construction de deux estacades de bois qui permettaient de haler les voiliers vers le large en cas de vent défavorable. Et l'accès au port de devenir possible quelque soit l'orientation des vents. Rallongées par la suite, ces jetées seront bombardées durant la Seconde guerre mondiale, puis reconstruites en 1952 (jetée Ouest surnommée jetée de Deauville) et 1963 (jetée Est, appelée jetée de Trouville). Cette jetée trouvillaise perpétue, depuis 2012, la mémoire de Jean-Claude Brize, qui occupera en même temps les fonctions de maire-adjoint de la commune, marin-pêcheur, et de président du syndicat des marins et de la station de sauvetage en mer.

 

Sur ce même quai, Trouville eut autrefois une gare maritime, son bas et sa passerelle : avant qu'un premier pont ne soit jeté sur la Touques, un passeur proposait ses services à la hauteur de l'actuelle Impasse du Bac. Un canot n'était d'ailleurs pas toujours nécessaire puisqu'on pouvait traverser la rivière à gué à marée basse. Après la construction du pont en 1862, la guérite du bac fut déplacée de 300 mètres vers l'aval (à l'endroit où elle se trouve actuellement). Cet endroit était le point de départ du petit canot qui faisait la navette, à bord duquel on embarquait grâce à un escalier édifié en 1875 dans le quai de briques qui le soutient. Désormais transformée en magasin de vêtements, l'ancienne gare maritime, qui fut construite en 1921, témoigne encore de l'important trafic de bateaux à vapeur, « les Bateaux du Havre » qui relièrent quotidiennement Trouville à la Porte Océane jusqu'au début de la dernière guerre.

 

Le parcours qui s'étire jusqu'aux Roches Noires (en direction du sémaphore) mentionne Notre-Dame de Pitié. Cette petite chapelle, qui fut construite au début du 17e siècle, aurait été entièrement rebâtie en 1902 par la famille qui en était propriétaire, et avec le concours des pêcheurs qui avaient échappé au désastre maritime de la tempête destructrice. Cette église témoignerait de la mésalliance entre Guillaume Croix (modeste pêcheur) et la noble dame Marie de Surtainville. C'est en signe de reconnaissance envers la Vierge que l'homme aurait fait ériger cette chapelle, à la suite de son union avec une fille de la haute noblesse d'Honfleur.

La promenade en bord de mer qui passe par les planches de Trouville et mène aux Roches Noires est fort agréable en ce début de matinée. Mais qu'entend t-on exactement par Roches noires ? Il s'agit en fait de quatre kilomètres de falaises argileuses s'étendant de Trouville sur Mer à Villerville et alternant entre pentes douces et parois verticales, à une hauteur moyenne de soixante mètres d'altitude. Ces formations géologiques doivent leur nom aux gros blocs sombres éparpillés sur la plage provenant de couches calcaire de la fameuse falaise. Cet espace de 135 hectares est aujourd'hui classé « Espace naturel sensible » par de département du Calvados tout en étant aussi répertorié comme site paléontologique où l'on peut trouver des fossiles datant d'il y a plusieurs millions d'années.

Plus proche de moi, se dressent fièrement les villas trouvillaises du bord de mer : toutes furent érigées à la même époque (entre 1865 et 1880), dans un style différent, chacun faisant montre d'originalité dans la construction de sa demeure. Parmi ces villas (aujourd'hui souvent divisées en appartements), se trouve l'Hôtel des Roches Noires, perle hôtelière de la côte normande durant la seconde moitié du 19e siècle. L'établissement, bâti en 1865 par Mr Cordier, agent de change à Paris, allait profiter de l'installation d'une jetée promenade (ci-dessous) construite en 1889, véritable avancée de 400 mètres sur la mer. Celle-ci, composée de 22 arches métalliques et d'un bar-restaurant à son extrémité, permettait aux bateaux à vapeur d'accoster à Trouville même à marée basse, et de jour comme de nuit. Malheureusement, l'envahisseur allemand démontera l'ensemble en 1943. Quant à l'hôtel des Roches Noires, il fera l'objet de toutes les attentions : Claude Monet l'immortalisera en 1870 sur l'une de ses toiles (que l'on peut admirer au Musée d'Orsay de Paris) et Marguerite Duras y élira domicile une fois l'établissement transformé en résidence privée (dès 1949).

 

Terminons cette balade historique avec le sémaphore de Villerville (situé géographiquement sur la commune de Trouville-sur-Mer), véritable guetteur de la flotte. Il fait partie de la chaine d'alerte formée par les 59 sémaphores jalonnant le littoral français, culmine à 136 mètres au-dessus du niveau de la mer et domine la baie de Seine. Dix militaires y sont affectés et y effectuent 24 heures sur 24 une surveillance continue dans le cadre de la défense du territoire maritime, aérien et terrestre. On n'est jamais trop prudent...

 

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