Revoir le globe
Top


Bordeaux et les mascarons
(Bordeaux, Gironde, France)
Heure locale

 

Mercredi 2 mars 2011


 

Bordeaux est une ville grandiose du point de vue architectural. Lorsqu'on s'y promène, il faut impérativement lever la tête pour admirer notamment les nombreux mascarons (on en compte 3000 sur Bordeaux) qui ornent les façades et les fontaines de la ville.

Un mascaron est un ornement dont les inspirations sont multiples: Personnages , animaux fantastiques, visages de carnaval, visages de femmes, d'anges et de fauves... les mascarons reflètent l'histoire de la ville en reproduisant par exemple des visages africains, témoignant ainsi de la période des traites négrières , ainsi que des symboles maçonniques, juifs et chrétiens.

 


 

Déjà, sous l'Antiquité, on représentait des visages afin de chasser le mauvais œil. Mais on restait alors dans le domaine du mascaron grossièrement réalisé. A l'époque de l'antiquité gréco-latine, les artistes de la Renaissance créent des mascarons décoratifs.

Au XVII ème siècle, on distingue aussi le mascaron du masque. Un masque est une tête d'homme ou de femme sculptée à la clef d'une arcade. Il peut représenter une divinité, une saison, un élément...le mascaron est par contre une tête sculptée au style chargé ou ridicule (certains visages font des grimaces) que l'on place aux portes, aux grottes ou sur les fontaines. Le mascaron est une bouffonnerie, une caricature réservée à des ouvrages de second ordre. Mais pour le commun des mortels, masque et mascaron se confondent souvent et on ne parle plus que de tête.


 

C'est aux XVI et XVII èmes siècles que le mascaron apparaît timidement à Bordeaux. Avant d'envahir les lieux au XVIII ème siècle. On compare alors la ville à « un théâtre chimérique ».

Le Maitre Henri Roche utilise le mascaron pour décorer les hôtels particuliers comme l'hôtel Laubardemont ou l'hôtel Martin. A la façade de ce dernier hôtel, on trouve, en 1605 des satyres, des gorgones, des figures de faunes et de sylvains. Henri Roche est alors architecte et surintendant des œuvres publiques de Bordeaux. Il utilise les mascarons aux angles des fenêtres des hôtels qu'il conçoit. A l'hôtel Lecomte , rue du Mirail, les mascarons représentent des visages humains ou grotesques. Un de ces mascarons aurait été réalisé à l'image de Marie de Médicis qui séjourna à l'hôtel Martin. Les maisons dites « flamandes » des quais des Chartrons construites vers 1680, représentent des mufles d'animaux .


 

Le XVIII ème siècle est un siècle d'opulence pour Bordeaux et les mascarons sont omniprésents. Le commerce est omniprésent grâce au port de la lune, tout proche, et qui devient l'un des premiers ports du pays. On l'appelle familièrement ainsi à cause du large méandre en forme de croissant tracé par la Garonne à cet endroit. Ce croissant de lune figure au bas du blason de la ville. Bordeaux commerce vin, sucre colonial et esclaves à cette époque. Louis XV envoie alors des intendants de renom comme Claude Boucher, le Marquis de Tourny, Charles-Robert Boutin, ou Nicolas Dupré de Saint Maur. Des architectes interviennent à leur demande, comme Jacques Gabriel et son fils Ange-Jacques, Etienne Laclotte, André Portier, Victor Louis, Nicolas François Lhote ou encore Louis Combes.

Ces architectes font à leur tour venir des sculpteurs qui décoreront par exemple la Place Royale ( actuelle Place de la Bourse avec des mascarons mais aussi des vases de balcons...


 

Après la Révolution française, on découvre un style d'architecture néo-classique et un certain retour à l'austérité après le style rococo de la période précédente. On limite l'utilisation du mascaron. Puis apparaît le style néo-gothique avec l'architecte Louis Garros qui réalise en 1865 la fontaine du Parlement. Cette fontaine du Second Empire possèdent des mascarons qui délivrent l'eau dans le bassin.


 

Au milieu du XIX ème sicle, les mascarons refont une apparition conséquente, lors des grands travaux des années 1860. Le Cours d'Alsace et Lorraine nouvellement créé offre de nombreux exemples. Ou encore rue d'Aviau avec les maisons particulières qui ressuscitent le style Louis XV grâce à l'architecte Charles Burguet qui place des mascarons sur les arcs des portes fenêtres des jardins. Ce goût Louis XV persiste jusqu'au début des années 1900. La Bourse Maritime en est un bel exemple. Construite entre 1921 et 1925, le sculpteur Gaston Veuvenot Leroux reproduit un des frontons de Francinet des mascarons de la Place de la Bourse.

Dans les années 1930 apparaît le style art-déco. On retrouve ainsi le masque antique aux lignes épurées. Après la seconde Guerre mondiale , les mascarons s'effaceront du paysage urbain, même si de jeunes sculpteurs essayent de faire revivre ce type d'ornement.


 

Ces mascarons reflètent les mœurs et les goûts d'une époque passée. On y retrouve aussi les symboles maçonniques. La première loge anglaise s'installe à Bordeaux en 1732. Dès le XVIII ème siècle, plusieurs mascarons bordelais laissent apparaître des symboles maçonniques sous forme de médaillons , un compas ou des équerres. Ou encore un visage une main sur le cou les doigts à l'horizontale et le pouce levé à l'équerre.

Le commerce triangulaire occupa une grande place dans le développement économique de Bordeaux. Certains mascarons gardent en mémoire ce commerce. On trouve un visage africain portant des boucles d'oreilles sculpté sur une façade d'immeuble. Un autre représente une femme de race noire sur une façade du pavillon central de la Bourse, rue Fernand Phillippart.

Les mascarons permettent aussi de voyager . Certains représentent un visage turc, des visages de « sauvages » ou encore une tête de marin.

Les empreintes du christianisme sont également inscrite à l'intérieur des mascarons. Un visage du Christ portant une couronne d'épines peut être aperçu dans la rue Sainte Catherine. D'autres mascarons représentent les vertus chrétiennes comme la foi avec une croix et un calice ou la Justice avec une balance.

La présence juive est enfin inscrite sur les mascarons. Au 54 de la rue du Mirail, on relève un mascaron au visage d'un enfant surmonté d'une étoile de David à six branches.


 


 













 



Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile