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Le Grand Doyenné d'Avranches
(Manche, France)
Heure locale

 

 

Mercredi 11 mai 2011


 

Je vous l'ai dit, je n'ai pas trouvé à Avranches les mêmes quartiers entiers de vieilles maisons que j'ai pu voir à Quimper par exemple autour de la cathédrale. Une exception toutefois: Le Grand Doyenné , que Madame et Monsieur Collet, les actuels propriétaires, m'ont gentiment fait visiter.

A notre arrivée à Avranches par le nord, c'est à dire par la route de Granville, Caen ou Coutances, on découvre une ville perchée sur un escarpement rocheux qui domine les alentours. Au pied de cet escarpement, on identifie clairement les fortifications qui enserrent la cité haute médiévale. En arrière du rempart, on devine facilement une haute et longue bâtisse qui domine ses voisines: Le Grand Doyenné.

Ce manoir est situé à deux pas de l'ancien Palais épiscopal. Il possède au sud un jardin auquel on accède depuis la rue de l'Auditoire ( appelée ainsi car à cet endroit se trouvait l'auditoire qui était la salle de justice du baillage d'Avranches).Sa façade septentrionale, elle, est bordée par le rue de Lille.

Jusqu'à la Révolution française, l'édifice fut le siège du doyenné d'Avranches. Mais qu'est-ce qu'un doyenné? Le doyen était celui qui présidait le chapitre , l'assemblée des chanoines de la cathédrale. Souvent, il était élu par les chanoines à la mort de l'évêque. Et occupait donc la deuxième place de l'évêché.

Cette demeure ne fut pas toujours la résidence des doyens. Une charte de 1274 précise que ce manoir «était auparavant une résidence seigneuriale laïque appartenant à un chevalier, Jean Paisnel, seigneur de Marcey. C'est à cette date que l'évêque Raoul de Thiéville fit l'acquisition de l'édifice afin d'y loger son doyen Guillaume Roaut.

Le Grand Doyenné est un manoir urbain du XII ème siècle et on retrouve beaucoup d'éléments datant de la phase de construction initiale car son volume et son emprise au sol n'ont pas évolué depuis cette époque. A l'origine, l'édifice consistait en une grande salle d'apparat, un hall (photo ci-dessous), le tout accessible de plain-pied depuis la cour. Au soul-sol, on construisit un vaste cellier voûté d'arêtes et adossé au rocher présent de la colline. Accessible depuis la rue de Lille par une porte monumentale romane, il mesure près de 23 mètres de long sur 10 mètres de large et 4,20 mètres de hauteur sous voûte. On y trouve même une source d'eau naturelle (et potable) à ciel ouvert. La construction possède des murs d'une épaisseur de 2,28 mètres. Ce cellier était éclairé par des baies qui ont aujourd'hui disparu mais dont on trouve encore trace dans le pignon oriental.

Le Grand Doyenné rappelait, par son architecture, les édifices romans de l'Avranchin ( églises de Saint-Loup ou Pontorson, ou abbayes du Mont Saint Michel). Au-dessus du cellier se trouvait la grande salle d'apparat d'un seul tenant et d'une superficie de 230 m². On y accédait par une porte sud devenue invisible de nos jours suite aux travaux effectués en 1762. Un escalier à vis (qui devrait être prochainement restauré) assurait le lien entre le cellier et cette grande salle , puis se prolongeait jusqu'au sommet du mur nord du bâtiment pour permettre l'accès à un chemin de ronde. De là haut, on bénéficiait d'une vue imprenable sur l'Avranchin (du nord d'Avranches jusqu'à l'estuaire de la Sée).

Un second édifice aujourd'hui disparu( seule la façade septentrionale subsiste encore côté rue de Lille) constituait le véritable espace résidentiel du maitre des lieux. Il s'agissait d'un logis sur deux niveaux, avec, au premier étage la chambre du maitre.

En 1274, de nombreux travaux seront effectués: nouvelle charpente,nouvelles baies ogivales, mais on conserve la grande salle qui deviendra la salle capitulaire, lieu où étaient présidées les assemblées du chapitre.

ON bâtira ensuite un nouveau bâtiment, le Petit Doyenné. Cette demeure servit très probablement de logis au doyen tandis que le manoir que nous voyons aujourd'hui était utilisé la salle commune de son chapitre. Le logis, lui, sera affecté avec sa chambre seigneuriale, aux instances judiciaires civiles.

Aux XVè et XVIè siècles, on divisa en deux le volume de la grande salle en construisant un plancher. Puis un comble. On remplace alors les baies ogivales par des fenêtres à meneaux et de modestes ouvertures au deuxième niveau. On crée une cuisine avec une cheminée (photo ci-dessous) caractéristique du XVIè siècle dont les conduits modifieront franchement le pignon médiéval.

 

Revenons en arrière afin de découvrir comment il fut décidé de bâtir ce Grand Doyenné. Au milieu du XIIè siècle, l'ancêtre de Jean Paisnel (notre chevalier) se nomme Hasculf de Subligny , homme fort d'alors. En 1120, un dramatique naufrage, celui de la Blanche-Nef, a lieu au large de Barfleur et causant la disparition d'une grande partie de l'aristocratie normande. Hasculf hérite donc de son père (disparu dans ce naufrage) et se retrouve avec d'importants fiefs. En 1142, le frère d'Hasculf, Richard de Subligny, devient évêque d'Avranches, et encourage Hasculf à favoriser l'installation d'une petite communauté de chanoines sur une partie du domaine familial. Hasculf s'exécute et recevra, en échange, l'agrément de Richard pour l'édification du Grand Doyenné dans la ville haute. Cet édifice illustre les prétentions seigneuriales de la famille de Subligny. En plus, la situation politique d'alors leur est favorable car, depuis le naufrage de la Blanche-Nef, le vicomté d'Avranches est détenu par un cousin, Ranulf, vicomte de Bayeux, qui délaisse la cité d'Avranches, préférant séjourner dans ses innombrables fiefs anglais ou normands. L'accession de la famille de Subligny au pouvoir correspond au désir de ceux qui détenaient d'importants pouvoirs dans les domaines ruraux de se lancer à la conquête des villes.

Au XIIè siècle, faute d'héritier mâle, les possessions des ducs-rois normands sont passées aux comtes d'Anjou, les Plantagenêt. Henri II devient alors duc de Normandie, puis duc d'Aquitaine ( suite à son mariage avec la duchesse Aliénor) puis roi d'Angleterre en 1154.

En 1162, Henri II nomme Thomas Becket ( un ami proche) chancelier d'Angleterre et archevêque de Canterbury. Mais une violente querelle éclate entre les deux hommes à propos de l'autorité de l'église et Thomas Becket choisit de s'exiler. Il revient en Angleterre sur la promesse d'une réconciliation mais est finalement assassiné par quatre chevaliers normands dans sa cathédrale le 29 décembre 1170. Le roi Henri II est immédiatement discrédité par le Pape Alexandre III.

Les prélats normands interviennent alors afin de régler la crise. Richard de Coutances , promu évêque d'Avranches en 1170, organise ainsi la repentance publique du roi. Celle-ci a lieu le 21 mai 1172 sur le seuil de la Cathédrale située alors à deux pas du Grand Doyenné ( l'emplacement du porche nord de cette cathédrale aujourd'hui disparue est matérialisé par un petit monument aménagé en 1843 par la Société d'Archéologie d'Avranches) (photo ci-dessous). Faisant amende honorable, Henri II de Plantagenêt obtint le pardon pontifical. En septembre, la repentance se prolongea , un nouveau concile eut lieu dans la cathédrale et des évêques normands et bretons mais aussi des émissaires du Pape seront venus entendre à nouveau la demande de pardon d'Henri II. On imagine qu'à l'époque, une escorte importante accompagnait le roi et que le Grand Doyenné était tout à fait adapté pour accueillir tout ce monde, avec sa grande salle d'apparat. De plus, la cathédrale, tout proche du manoir, facilita certainement la discrétion du roi.


 

INFOS PRATIQUES:


  • Le Grand Doyenné, 26 rue de l'Auditoire à Avranches. Classé Monument historique. Visite possible ( s'adresse à l'Office de Tourisme d'Avranches)

  • Office de tourisme d'Avranches: http://www.ot-avranches.com

  • Le commentaire ci-dessus s'inspire de la brochure «  Le Grand Doyenné à Avranches » qui ma été gracieusement remise par Monsieur Collet et qui a été réalisé par Monsieur David Nicolas-Méry, de la Société d'Archéologie d'Avranches, Mortain et Granville.


 









 



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