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La Fête au Moyen-âge à la Tour Jean sans Peur
(Paris, France)
Heure locale

 

Lundi 26 août 2013

 

La Tour Jean Sans Peur (Paris) propose régulièrement des expositions passionnantes concernant le Moyen-âge. Celle qui se tient actuellement nous propose de plonger dans le monde du divertissement lié à cette époque, et vous serez surpris d'apprendre qu'on aimait alors (sans doute plus qu'aujourd'hui!) « faire la fête ». Le Moyen-âge est cette époque de l'histoire européenne qui se situe entre l'Antiquité et l'époque moderne. Et s'étend sur près de mille ans (du Vè au XVème siècle). Cette période n'est pas du tout homogène puisqu'elle alterne des moments difficiles (guerres, épidémies) et d'autres moments plus heureux comme par exemple ces périodes de renouveau souvent consécutives à des réformes religieuses. C'est sans doute à cause de cela qu'on faisait souvent la fête à cette époque : Un jour sur trois est alors chômé. La place de la religion est prépondérante et les célébrations religieuses rythment le calendrier mais il existe également d'autres festivités profanes comme les fêtes personnelles, communautaires et politiques. Celles-ci sont souvent prétexte à processions, joutes, tournois ou festins... La première conséquence de ces moments de réjouissances est le renforcement des liens sociaux.


 

A elles seules, les fêtes religieuses mobilisent chaque année une quarantaine de jours fériés : Noël reste sans doute l'une des fêtes les plus importantes. On va à la messe, puis on brûle la bûche de Noël. Chacun revêt pour l'occasion des vêtements neufs, aide à la décoration de la maison et joue à de nombreux jeux comme le jeu de dés ou la soule (jeu ancien, ancêtre du football et du rugby). Le cycle de Noël se poursuit pendant les douze jours qui suivent cette fête, jusqu'à l'Epiphanie (où l'on tire la fève pour désigner un roi). L'épiphanie est la grande et unique fête chrétienne de la manifestation du Christ dans le monde. C'est le « Jour des Rois » en référence à la venue des rois mages. L’autre grand cycle est celui de Pâques, organisé autour de Carnaval et Carême (ci-dessous, en photo, un vitrail offert par la confrérie des bouchers en 1522 qui représente le défilé du Boeuf gras). Jusqu'au XIX è siècle, le mot « carême-prenant » fut utilisé en français à égalité avec « carnaval ». A partir du mot « carême-prenant » apparaissent deux expressions : « Tout est de carême-prenant » (qui évoque certaines libertés, notamment dans le domaine des mœurs, qui se prennent ou se prenaient traditionnellement durant le carnaval). L'autre expression suggère une personne costumée en carnaval, ou quelqu'un qui est habillé de façon ridicule. On entend alors crier « Au secours, au secours, votre fille on l'emporte, des carêmes-prenants lui font passer la porte » ou bien « Vous voulez donner votre fille à un carême-prenant »...Le carnaval débute à l'Epiphanie (6 janvier), date qui marque la fin des fêtes de Noël, puis s'arrête à Mardi-Gras, veille du début de la période de carême. Le carnaval avec Mardi Gras est l'occasion de faire bombance pendant trois jours avant d'entrer dans le carême qui démarre le mercredi des Cendres et durera quarante jours. Les fidèles n'ont alors pas le droit de faire la guerre, ou de manger de la viande lors du seul repas quotidien, et doivent pratiquer l'abstinence sexuelle. Lors de la semaine sainte ou « semaine peineuse » qui précède Pâques, sont célébrés les Rameaux, puis le Jeudi saint où rois et grands seigneurs sont invités à servir les pauvres souvent au nombre de douze, puis Vendredi et Samedi saints, consacrés aux offices nocturnes (ou Ténèbres) et enfin le Dimanche de Pâques, lors duquel les cloches sonnent après trois jours de silence. On partage alors en famille les tartes et les flaons, tandis que les enfants jouent à la roulée des œufs.

 

Quarante jours après Pâques, on fête l'Ascension du fils de Dieu, puis dix jours plus tard, la Pentecôte. L'Ascension tombe toujours un jeudi, et marque l'élévation au ciel de Jésus Christ après sa résurrection et la fin de sa présence sur terre. La Pentecôte (cinquantième jour) est inspirée de la fête juive de Chavouot (ou Fête des semaines). Sa célébration est attestée depuis le IV è siècle et est célébrée au terme d'une période de cinquante jours après Pâques. Elle commémore la venue du Saint-Esprit sur les apôtres de Jésus de Nazareth et les personnes présentes avec eux. Durant cette période, l'église organise processions, pèlerinages et même croisades.

Les Saints sont fêtés toute l'année et on allume des feux réputés pour leurs vertus purificatrices à la Saint Jean-Baptiste. On tue aussi le cochon ou l'oie grasse à la Saint Martin. On fête enfin les amoureux à la Saint Valentin...La multiplication des saints est telle qu'une fête est instaurée dès le VII è siècle pour les honorer globalement. Il s'agit de la Toussaint : Celle-ci est célébrée le 1er novembre et précède d'une journée la commémoration des fidèles défunts. Son origine est par contre difficile à déterminer puisque cette célébration est apparue à des dates variées selon les lieux.

Les célébrations religieuses contiennent des messages qui sont souvent transmis par le théâtre de rue, et surtout, à la fin du Moyen Âge par les mystères. Certains peuvent durer très longtemps comme à Arras, en 1420, avec ce mystère qui relatait l'histoire de l'humanité, d'Adam et Eve à la résurrection du Christ et durait quatre jours en employant pas moins de 224 personnes ! Les acteurs lisaient leurs textes sur des rôles (rouleaux) dans un décor parfois spectaculaire où se mêlent flammes infernales, coups de tonnerre, tremblements de terre ou lâchés de colombes..

Au Moyen Âge, il existe aussi les Mascarades : Le travestissement fait partie intégrante de la fête. La nature inspire souvent de nombreux costumes comme le vêtement vert du premier mai ou bien encore celui de l'homme sauvage, en vogue dans les cours princières comme au « Bal des ardents » en 1393 durant lequel les costumes du Roi Charles VI et de ses amis prirent feu. Parfois, les rôles sont inversés : Les écoliers se déguisent en professeurs, les hommes en femmes... Dans le cours, les fous voient leur vêtement évoluer. Il peut s'agir d'une simple tenue munie d'une capuche à grelot, qui devient un costume dépareillé, multicolore, complété par une coiffe en forme d'oreilles d'âne. Son accessoire d'origine, massue ou fléau, devient ensuite marotte à sa propre effigie. Ci-dessous, une représentation de la procession de la Chandeleur.

 

On compte aussi durant cette période un certain nombre de fêtes personnelles. Le Baptême et la communion font partie de celles-ci. Par crainte d'un décès qui les emmènerait en enfer ou dans les limbes des enfants, on baptisait en effet rapidement les nouveaux-nés, portés sur les fonds baptismaux par leur parrain. Dans les milieux aisés, on pouvait compter jusqu'à...une vingtaine de parrains et marraines. Pour l'église catholique, le baptême est le premier des trois sacrements de l'initiation chrétienne, avec l'eucharistie (communion) et la confirmation. A l'âge de sept ans, l'enfant reçoit sa première communion puis ira ensuite communier chaque année à Pâques.

On fête ensuite le mariage, qui est à l'origine un contrat civil entre deux familles et se déroulait à la maison. Il devient un sacrement à partir du XII è siècle. Il apparaît pour la première fois comme l'un des sacrements dans un décret du Pape Lucien III contre les hérétiques en 1184. Le Pape Innocent III, lui, autorise le mariage des sourds et muets qui peuvent donner leur consentement par signes, au XII è siècle. C'est au IV ème concile du Latran, en 1215, que le mariage est mis en exergue comme l'un des sept sacrements. Cela signifie que celui-ci ne peut être dissout que par la mort. Il y a publication obligatoire des bans et le mariage doit être célébré à l'église. Durant les quarante jours qui précèdent le mariage, l'église enquête notamment sur les liens de parenté. Le mariage est consommé lors de la nuit de noces, dans la chambre bénie par le prêtre. Au petit matin, les invités servent aux jeunes mariés le chaudeau, un bouillon réparateur servi tiède et composé d'un mélange d'oeuf, lait, vanille,citron vert, et muscade (ce breuvage est aussi une spécialité de la Guadeloupe). On l'accompagne d'un gâteau comme le pain doux ou le mont-blanc. Mais tout ne se passe pas toujours bien et c'est pour cette raison qu'au début du XIVè siècle, apparaissent les charivaris (ci-dessous) : Ces derniers sont supposés signaler à tous un mariage mal assorti. Ils se déroulent de manière bruyante, et sont orchestrés par des groupes de jeunes gens aux costumes effrayants. Pour faire cesser ces humiliations, les couples déviants n'ont d'autre choix que d'offrir aux trublions de quoi se payer une tournée à la taverne.

Les funérailles (la deuxième photo  ci-dessous représente les funérailles de Charles VI en 1422) ont de leur côté lieu le lendemain du décès, par mesure d'hygiène. Après l'enterrement, les familles puisent dans l'héritage pour servir un grand repas non seulement à leurs proches mais aussi aux pauvres de la paroisse et aux pèlerins en échange de prières pour le défunt. Une nouvelle cérémonie, l'anniversaire des morts, est organisée un mois après puis chaque année. En tous milieux et en toutes occasions, les festins sont indissociables de la fête. Dans la noblesse, ils sont entrecoupés d'entremets qui tendent à valoriser le maitre des lieux : entremets théâtraux avec la reconstitution d'une croisade, pâtés géants d'où s'envolent des colombes, paon cuit et revêtu de ses plumes, spectacle de bateleurs, de danses.

 

Les fêtes communautaires sont aussi nombreuses : On trouve entre autres les fêtes rurales,citadines et les fêtes de confréries. Le moi de mai inaugure par exemple les fêtes liées au renouveau de la nature (comme ci-dessous, la ronde autour de l'arbre) : La fête des rogations est destinée à obtenir la protection divine sur les récoltes, et se déroule avec des cortèges dirigés par un feuillu pour quémander des dons en nature. La fête du mai voit de jeunes hommes planter une branche devant la maison des jeunes filles. Les fêtes de confrérie, elles, ont lieu dans les villes et villages et donnent lieu à des agapes suite à une messe à la gloire du Saint patron.

Les fêtes des jeunes et des fous existent depuis le XIIIè siècle : La jeunesse se met alors en scène en organisant des festivités comme l'élection du roi des coqs durant la semaine sainte ou encore l'élection du roi des braies juste avant le carnaval. Les plus jeunes ne sont pas en reste : A l'époque de Noël, ils participent à la fête des fous (le 26 décembre), la fête de la Saint Jean l'évangéliste (le 27 décembre) et à la fête des Saints-Innocents (le 28) en jouant des rôles de grandes personnes (en se déguisant par exemple en évêque le temps d'une journée). Dans certaines villes, on célèbre même le 25 décembre, un office de l'âne (l'animal est alors déguisé en...prêtre!).

Adoubements, joutes et tournois font aussi la fête : L'adoubement se déroule dans la noblesse, lors de la Pentecôte. On reçoit alors épées ou éperons et le futur chevalier, une paumée, embrassade, et colée (coup donné du plat de l'épée par l'adoubeur). Ce frais chevalier devra ensuite démontrer son courage lors des joutes et tournois. Au XIIIè siècle, le tournoi devient un spectacle : Le champ clos est agrandi, les armes neutralisées, émoussées, et la priorité est donnée aux parures des cavaliers et à leurs montures. Durant les XIIIè et XIVè siècles, les danses occupent une place prépondérante lors des fêtes. La danse la plus répandue est la carole : Un groupe d'hommes et de femmes forment une chaine ouverte ou fermée dans laquelle ce sont les femmes qui dirigent les pas. Dans les milieux aristocratiques, à la fin du Moyen Âge, les danses de groupes laissent place aux danses de couples comme la basse danse à la chorégraphie précise,lente et majestueuse. On observe enfin l'apparition des danses de spectacle comme les moresques, au rythme vif, dont les costumes évoquent les pays exotiques.

 

Cette exposition nous dévoile enfin les dessous des fêtes politiques. Parmi elles, on relève les festivités urbaines. Durant le XIIIè siècle, joutes et tournois (ci-dessous, les trophées du tournoi) sont organisés dans les villes et la grand place fait office de lieu de bataille. On note aussi des concours sportifs ou encore des courses de chevaux et des défilés d'élites urbaines (hauts dignitaires,ecclésiastiques,militaires rejoints par les musiciens, danseurs et chars tournent en cercles concentriques devant la cathédrale ou le palais public). Ces chars, originellement simples charrettes avec acteurs masqués, se transforment peu à peu à la fin du Moyen Âge en machines plus complexes : Ils prennent la forme de bateaux, licornes, éléphants ou cygnes... qui sont manipulés par des animateurs portant des costumes régis par un thème (un meunier pour le moulin, ou bien, un équipage de marins pour une nef, ou une garnison complète pour un château). Lors de ces fêtes, les premiers pétards font leur apparition. Et des débordements (voire émeutes!) surviennent parfois. Le baptême royal est un grand moment de réjouissance : Parrains et marraines défilent par les rues de la ville et exhibent l'enfant royal, qui est accompagné par 200 porteurs de torches, lumières symbolisant la vie nouvelle et la lumière divine. Le défilé est suivi des hauts dignitaires et des princes et princesses. Le sacre est un autre événement de taille : Lors du Sacre de Reims, on assiste à l'adoubement du futur roi depuis le XI ème siècle. On lui remet des éperons d'or puis l'archevêque l'oint du Saint Chrême et le revêt du manteau royal. Depuis Charles VI, il fait faire son entrée pour se présenter à son peuple. A Paris, le parcours idyllique pour l'occasion (route jonchée de fleurs, tapisseries suspendues, tableaux vivants, spectacles à automates, fontaines versant à volonté eau, lait, vin, hypocras...) démarre à la Porte Saint Denis et va jusqu'au Palais de la Cité. Ce genre de manifestation est un savant mélange de propagande politique et de parade . Lors des funérailles du roi, le chariot mortuaire est richement décoré et porte l’effigie du défunt. Il est mené par un cortège qui prendra le même chemin que pour le joyeux avènement (l'évènement précédent) mais en sens inverse, du Palais de la Cité à la basilique Saint-Denis. Le chariot est suivi par l'héritier à cheval et par les pleurants endeuillés, qui portent cierges et pots à encens.

 

 

 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Exposition La Fête au Moyen-âge, jusqu'au 10 novembre 2013 , de 13h30 à 18h00 du mercredi au dimanche, à la Tour Jean Sans Peur, 20 rue Etienne Marcel à Paris 2è. Tel : 01 40 26 20 28. Accès : Métro Etienne Marcel. Entrée : 5€.

    Site internet : http://www.tourjeansanspeur.com

     

    Parcours-jeu offert aux enfants de 7 à 12 ans. Parcours de visite disponible en langue anglaise. Groupes (de 10 à 20 personnes) : Réservation nécessaire.

  • Conférences le mercredi 18 septembre 2013 à 19h00 (Musiques & Fêtes à la cour de Bourgogne), le mercredi 2 octobre à 19h00 (Fêtes agraires au Moyen-âge) et le mercredi 16 octobre à 19h00 (La fête en couleurs:Tournois, joutes et rituels chevaleresques).






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