Revoir le globe
Top


L'Indochine Française
(Musée de l'Armée, Paris, France)
Heure locale

Vendredi 8 novembre 2013

 

Cette époque ne fut pas la mienne, mais celle de mon père, qui, comme on dit, fit « l'Indochine ». Une guerre qui fut lourde à porter pour la France et ses soldats, pour le Vietnam et ses habitants. Un conflit que je connais mal, mais qui m'intéresse. L'exposition du Musée de l'Armée, « Indochine, des territoires et des hommes » a donc retenu mon attention et c'est la raison pour laquelle je vais m'employer à expliquer en quoi elle consiste. C'est la première fois que le musée de l'Armée présente une telle exposition traitant de la présence militaire française en Indochine. Et propose aux visiteurs d'aborder ce conflit sous le double regard français et indochinois, en évoquant la conquête, la guerre, la répression, l’aménagement et l'exploitation de l'Indochine. Pour ce faire, un parcours chronologique et thématique a été mis sur pied : Les premiers pas de la France en Asie du Sud-Est et la constitution du territoire de l'Indochine française entre 1859 et 1907, la vie coloniale indochinoise et les mouvements nationaux dans l'entre-deux-guerres, et la fin de l'Empire français en Extrême-Orient. L'exposition s'appuie non seulement sur le témoignage de personnalités intellectuelles, politiques et militaires des deux camps, des cartes, des croquis, des photographies mais aussi sur des documents filmés de l'époque. Au total, 380 pièces réunies dans ce musée pour la première fois, qui retracent les objets de la vie quotidienne, les uniformes, des extraits de journaux...permettant de comprendre les premiers pas de notre pays au-delà de la route des Indes avant 1856, puis la formation de l'Indochine française de 1856 à 1907, le cœur de la vie coloniale de 1907 à 1939, jusqu'au déclin et la fin de l'Empire français en Extrême-Orient, après la bataille de Dien Bien Phu en 1954 et le départ des derniers soldats deux ans plus tard.

 

Pour comprendre cette exposition, il faut déjà savoir ce qu'était et ce qu'est l'Indochine. Cette péninsule est située au sud de la Chine et à l'est de l'Inde, entourée à l'ouest par le Golfe du Bengale, la mer d'Andaman et le détroit de Malacca, et à l'est par la Mer de Chine méridionale. Elle comprend la Birmanie, le Cambodge, le Laos, Singapour, la Thaïlande, le Vietnam et la Malaisie péninsulaire. On désigne par « ancienne colonie Indochinoise » les pays qui la constituent aujourd'hui, c'est à dire le Vietnam, le Cambodge et le Laos. Dès le XVIè siècle, le positionnement de la péninsule indochinoise (au carrefour de l'Inde et de la Chine) attire l'attention des Européens : Jésuites et missionnaires des Missions étrangères sont bientôt chargés par le pape d'évangéliser les populations locales et on assiste à la formation d'un clergé autochtone. Les premières relations commerciales avec l'Europe sont inaugurées par les Portugais, puis, un siècle plus tard, par les Hollandais et les Anglais. La France, elle, n'intervient qu'au XVIIè siècle, d'abord sur le plan religieux. Puis cherche à établir des points de ravitaillement entre l'Inde et la Chine pour les navires de la Compagnie des Indes Orientales. Un événement majeur va faciliter la signature d'un traité d'assistance (qui ne sera d'ailleurs jamais appliqué) entre la France et l'héritier de la dynastie des Nguyen, le futur empereur Gia Long (1802 à 1820) : La guerre civile entre les seigneuries vietnamiennes du Nord et du Sud, de 1775 à 1802. Gia Long entreprend alors de moderniser son armée et sa flotte et élève des forteresses à la Vauban avec l'aide d'officiers français de la Marine et du Génie. Mais ses successeurs, Minh Mang et Tu Duc, prendront plus de distance avec les pays occidentaux. Alors que notre pays s’apprête à intervenir militairement, les états de la péninsule indochinoise sont très diversifiés sur les plans ethnique et culturels, tout en entretenant des relations inégales entre eux. Les royaumes du Cambodge et du Laos, sous influence culturelle indienne, étiolés et affaiblis sont sous la dominance du Siam, alors que le Vietnam demeure dans le giron de la Chine. Une myriade d'ethnies, de minorités des montagnes et des peuples des plaines ne facilitent pas l'unité.

 

Il faudra plus de quarante ans à notre pays pour se constituer un empire colonial en Extrême-Orient. Après la première guerre de l'Opium (de 1839 à 1841), la présence maritime française se renforcera en mer de Chine, et la Marine identifie à Saigon dès le milieu du siècle un point d'appui dans le but de consolider sa position dans cette partie du monde. Les enjeux sont nombreux : La rivalité franco-britannique d'abord (les Anglais nous ont largement précédé sur place), l'attractivité économique de la Chine ensuite et enfin, les tensions religieuses locales. Les persécutions des Chrétiens sous le règne de Tu Duc suscita un vif émoi chez nous et le manque d'unité de son empire facilitera la conquête française, souhaitée par certains Chrétiens ainsi que par certaines minorités ethniques et des Mandarins en cours de déclassement social. La France agira donc en deux temps : De 1858 à 1867, la Marine napoléonienne conquiert le sud du Vietnam, appelé Conchinchine , avant d'étendre son influence sur le royaume du Cambodge, pour contrôler à terme le bassin inférieur du Mékong. Puis, entre 1873 et 1897, la IIIè République envoie un corps expéditionnaire pour conquérir et pacifier l'Annam et le Tonkin (c'est à dire le reste du Vietnam) où elle doit affronter la Chine sur terre et sur mer. Ce nouvel espace recevra le nom d' »Union indochinoise » dès 1887, et sera composé d'une colonie, la Cochinchine, ainsi que de trois protectorats, le Cambodge, l'Annam et le Tonkin. Cet espace sera officiellement achevé avec la mise sous protectorat des principautés laotiennes en 1893 puis la rétrocession de plusieurs territoires par le Siam au Cambodge et au Laos en 1907. Cette région sera définitivement pacifiée à la fin de la première guerre mondiale et pourra enfin s'adonner au commerce.

 

La colonie indochinoise, qu'on appelle alors la « Perle de l'Empire » fait rêver les Français par l'exotisme qu'elle inspire et par l'abondance qu'elle procure, entre l'entre-deux-guerres. Sa mise en valeur économique est alors initiée à la fin du XIXè siècle sous l'impulsion de la Banque d'Indochine et sous le contrôle de l’État colonial : On dote le territoire d'un réseau ferré, de routes et d'autres infrastructures. Des industries s'implantent, les surfaces agricoles cultivées s'agrandissent et on assiste au développement de l'exploitation des ressources minières. Les pouvoirs sont concentrés entre les seules mains de la France et les anciennes structures royales ne deviennent plus qu'un décor du pouvoir colonial. On invoque la mission civilisatrice de notre pays pour légitimer la domination française et justifier les inégalités entre Européens et indigènes. En 1910, l'Indochine ne compte que 20000 Français (les trois-quarts d'entre eux vivent dans les centres urbains de Saigon-Cholon et de Hanoi). Les administrations et l'armée sont donc largement composées d'indigènes mais les postes d'encadrement restent aux mains des Français d'Indochine. Des troubles (en 1911-1913 et 1916-1919) seront réprimés par l'armée et la police et verra l'émergence d'une nouvelle politique d'association des élites au pouvoir colonial, politique qui restera trop timide. Les institutions sont réformées et l'instruction publique, développée. Parallèlement, l'Indochine change après la première guerre mondiale : On assiste à la disparition des anciennes élites mandarinales et une nouvelle bourgeoisie vietnamienne et chinoise composée de négociants et de propriétaires fonciers émerge sans compter sur l'apparition d'une nouvelle intelligentsia formée en France dans les écoles de l'Union. Cette jeunesse intellectuelle embrasse la nationalisme radical avant de tomber dans le communisme (durant les années trente), en se servant du mécontentement des paysans et sur le malaise ouvrier suite à la grande dépression de 1929.

 

Suite à la défaite de la France en 1940, l'Indochine prend le parti de Vichy et s'engage dans la collaboration avec le Japon. Le pays du soleil levant garantit à son administration la souveraineté en échange de l'installation de bases militaires. Le 9 mars 1945, le Japon prend le contrôle de la péninsule indochinoise, avant de capituler quelques mois plus tard. L'empereur Bao Dai capitule et le Vietminh prend le pouvoir, puis proclame l'indépendance du Vietnam le 2 septembre 1945. Notre pays envoie alors un corps expéditionnaire afin de rétablir sa souveraineté tout en menant des négociations avec Ho Chi Minh jusqu'en 1946. Malheureusement ces négociations échouent et la guerre coloniale est déclenchée. L'avènement de la République populaire de Chine, en octobre 1949, redistribue les cartes des forces en présence car le Vietnam reçoit une importante aide matérielle lui permettant de reprendre l'initiative et de contraindre la France à se retirer des régions frontalières avec la Chine , suite à sa défaite de Cao-Bang au mois d'octobre 1950. Notre pays se repliera alors autour du delta du Tonkin. Le conflit s'internationalise bientôt et la IVè République reçoit une importante aide militaire de la part des Etats-Unis, qui lui permet de mettre en place les Etats associés du Vietnam, du Cambodge et du Laos, face à la République démocratique du Vietnam. L'armée populaire du Vietnam, elle, est soutenue par une population acquise à sa cause et possède désormais les moyens de mener d'importantes opérations. En France, l'opinion publique est partagée entre indifférence et hostilité à la poursuite de la guerre. Les dirigeants français recherchent une sortie honorable à ce conflit. Il faudra attendre la défaite de Dien Bien Phu, en mai 1954, alors que que s'ouvre à Genève, une conférence internationale sur les questions coréenne et indochinoise. C'est à ce moment-là que Pierre Mendès-France signe les accords établissant un cessez-le-feu mettant fin à la guerre en établissant une nouvelle partition nord-sud du pays.C'est la fin de la présence française en Indochine.

 

 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Musée de l'Armée, Hôtel des Invalides, 129 rue de Grenelle à Paris (7è). Tel : 0810 11 33 99 et 01 44 42 38 77. Ouvert tous les jours de 10h à 17h00. Entrée : 8,50€ ( ou billet couplé exposition + musée à 12€). Accès : Entrée Nord (de préférence) sous le Dôme des Invalides. Métro ligne 8, station La Tour Maubourg.

     

    Le musée est ouvert jusqu'au 31 octobre, tous les jours de 10h00 à 18h00 et à partir du 1er novembre de 10h à 17h00.

     

    Catalogue de l'exposition disponible au musée, ainsi qu'une sélection d'ouvrages autour de l'exposition.

  • Parcours jeune public dès la cour d'honneur. Livret-jeu disponible ( à partir de 8 ans)

  • 6 concerts prévus jusqu'au 17 décembre 2013, dans le cadre du cycle Indochine (détails sur le site)

  • Cinéma : Cycle Indochine Now, séances jusqu'au 4 décembre 2013.

  • Conférences : Jusqu'au 27 novembre 2013. Informations : histoire@musee-armee.fr

     

    Possibilité d'écouter les conférences sur le site internet de l'exposition Indochine.

  • Rencontre avec l'illustrateur, peintre et auteur Marcelino Truong, le samedi 7 décembre 2013 à 14h00, à l'auditorium Austerlitz.

  • Site internet de l'exposition : http://www.musee-armee.fr/ExpoIndochine/

 





Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile