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L'école au Moyen-âge, à la Tour Jean sans Peur
(Paris, France)
Heure locale

Samedi 16 novembre 2013

 

Le système éducatif français a connu d'importantes évolutions à travers la longue histoire de notre pays. Jadis réservé à l'élite, l'accès à l'éducation s'est démocratisé depuis l'Ancien Régime. Les responsables de ce changement seront les familles, les citoyens, l'Etat et les institutions qu'elles soient religieuses ou économiques car ces entités constitueront des groupes de pression conduisant à terme à la démocratisation de l'éducation.

Au Moyen âge, Charlemagne, qui n'inventa pas l 'école (contrairement aux idées reçues) reste pourtant, pour bon nombre d'entre nous, à l'origine de l'invention de cette institution dans notre pays. Notker le Bègue , un moine de l'abbaye bénédictine de Saint-Gall était à la fois musicien, poète et écrivain. Connu pour ses travaux musicaux, il est aussi connu pour son recueil d'anecdotes sur la vie de Charlemagne. Ce moine, issu d'une riche famille de Suisse, acquiert une renommée en tant que professeur et est aussi cité comme bibliothécaire en 890. Parmi ses œuvres, ses écrits concernant Charlemagne reflètent une vision idéalisée de celui qu'on appelait Charles le Grand : le premier ouvrage rassemble 22 anecdotes portant sur la piété de Charlemagne, le deuxième livre, dix anecdotes sur des opérations militaires. Un troisième livre aurait existé mais on n'en a à ce jour aucune trace. Sacré Charlemagne !

 

La Tour Jean sans Peur consacre son exposition à l'école au Moyen âge, à travers plus de quatre-vingt documents. On y découvrira la scolarité des enfants à cette époque, depuis la petite école jusqu'à l'université. On y abordera également l'apprentissage professionnel et l'éducation des jeunes nobles.

Tout commence par l' alphabétisation : En 529, le Concile de Vaison ordonne à chaque prêtre de prendre en charge un ou plusieurs garçonnets pour leur apprendre le latin et leur inculquer une culture biblique. Ce Concile est le dernier d'une série de trois et était présidé par l'archevêque d'Arles, Césaire, dans la cité épiscopale de Vaison, en Provence. C'est le concile qui décidera de la création d'écoles monastiques, mais aussi d'une école par évêché. Il donnera enfin aux simple prêtres l'autorisation de prêcher en milieu rural. Au VIII ème siècle l'instruction va se développer grâce à l'admonito generalis du roi Charlemagne cité plus haut. Celui-ci impose la création d'écoles pour apprendre à lire aux enfants. Monastères et évêchés s'attellent alors à enseigner psaumes, notes, chants d'église, calcul et grammaire...mais ces lieux d'enseignement ne sont encore réservés qu'aux clercs, c'est à dire aux membres du clergé. Les premières écoles sont des écoles monastiques qui dépendent des cathédrales de Paris, Laon, Chartes et Reims. Au XI ème siècle, on mentionne déjà l'existence de cent petites écoles, rien que dans la capitale. On y utilise alors le livre manuscrit, ouvrage de référence réservé à une élite et à partir duquel les élèves apprennent à lire et à compter avec des objets comme des abécédaires sur des ceintures de cuir ou sur des broderies. Plus tard, l'université offrira aux étudiants des ouvrages de bibliothèques, livres qui resteront parfois enchainés au pupitre. L'élève dispose donc d'un matériel rudimentaire : Un petit cartable, ou « poche de cuir », un cahier, qui consiste en une tablette de bois recouverte de cire ou de chaux, voire d'une écorce de bouleau. Les élèves sont assis sur de la paille et suivent les cours face au maître d'école qui est juché sur une chaire.

 

Mis au fait, à quoi les établissements scolaires ressemblent-ils à cette époque ? Nous l'avons vu, au Moyen âge, l'enseignement est le plus souvent détenu par le clergé. Les enfants débutent leur apprentissage à l'âge de 6 ou 7 ans mais ils ne sont pas tous logés à la même enseigne. Les enfants les plus modestes sont « offerts à Dieu », c'est à dire au monastère et sont pris en charge par l'école du cloitre. Ce don permet permet leur salut ainsi que celui de leur famille. On pratique ainsi l'oblation, ou « oblat : Cette pratique, qui fut abolie en 1430 par le Pape Martin V, désignait autrefois le don que les parents pouvaient faire de leurs enfants au monastère. Ces derniers étaient ensuite pris en charge pour leur éducation par l'ensemble des frères (et jamais par un seul prêtre) et l'oblature représentait pour eux une importante occasion d'ascension sociale. Plus tard, ceux qui ne se seront pas enfuis entre temps, accédaient à de hautes charges dans le clergé. En effet, durant le Haut Moyen âge, les petits oblats n'ont théoriquement pas la possibilité de retourner dans le monde laïc, mais à partir du XI ème siècle, on assiste à un assouplissement des règles et certains jeunes moines pourront reprendre leur liberté. Les petits aristocrates, ou enfants de classes aisées, sont quant à eux pris en charge par des établissements religieux à partir de 7 ans et jusqu'à quinze ans, car leurs parents pensent que c'est le meilleur moyen de leur assurer une bonne éducation. A la ville, les enfants qui sont destinés à la prêtrise sont accueillis dans les écoles cathédrales. Chaque école reçoit alors une douzaine d'enfants, sans compter les enfants de la manécanterie (choeur).

Hormis ces écoles du cloitre, les enfants pouvaient aussi être éduqués dans des petites écoles par des maitres ou des maitresses laïques, ou bien au château par le chapelain, ou bien par un pédagogue privé. Tout dépendait des moyens dont disposait la famille des enfants. La petite école est installée dans une maison ordinaire, qui est généralement celle du maitre. Celle-ci est pourvue de latrines et d'une cuisine. La salle de classe, elle, est située au rez-de-chaussée ou en demi sous-sol, tandis que le dortoir se trouve au premier étage. La maison dispose parfois d'une cour et même d'un potager dont le maitre peut tirer quelques ressources.

 

En 1380, on dénombre à Paris quarante et un maitres et vingt et une maitresses. Il faut être détenteur d'une licence pour pouvoir devenir maitre (ou maitresse) d'école. Celle-ci est obtenue après trois années d'études à l'université. L'enseignement dispensé est gratuit et le salaire , modeste, mais l'enseignant dispose de compensations comme des dons en nature, en plus d'une prime de bienvenue. Plus il reçoit d'élèves et plus il reçoit de primes ! Aussi fait-il de la publicité sous la forme d'affichettes calligraphiées qui sont clouées à sa porte...La violence fait malheureusement partie du paysage scolaire médiéval et le maitre utilise parfois la férule (palette de bois ou de cuir)(en photo ci-dessous) ou même le fouet après avoir tenté de faire peur à l'enfant récalcitrant à l'aide d'un masque d'ogre dévorateur ou de croquemitaine. Si le maitre est trop laxiste, il arrive que les parents signent une pétition pour demander son remplacement. Ces enseignants ne restent en fonction que durant une ou deux années maximum. Puis repartent à l'université pour poursuivre leurs études ou bien choisissent d'ouvrir une autre école.

Suivant la catégorie, les classes accueillent de dix...à cent élèves ! L'école est généralement ouverte à tous les milieux mais privilégie cependant les petits garçons. Les filles, elles, apprennent auprès de leur mère les principales prières, la couture et la broderie. Dès les XIII ème et XIV ème siècles, elles peuvent fréquenter les cours des petites écoles qui sont tenues par des maîtresses. Les élèves ont droit à des vacances en juillet et en août afin d'aider les parents pour les moissons. Ils disposent également d'une semaine de vacances à la Pentecôte et de deux semaines à Noël et à Pâques. Soit plus de 150 jours de congés chaque année ! Deux grandes fêtes sont destinées aux écoliers : Le jour de la Saint Nicolas, le saint patron des écoliers, jour durant lequel les enfants peuvent défiler dans les rues et jouer aux dés (jeu illicite à cette époque). Le 28 décembre est le jour des Saints Innocents et correspond au «  jour des fous ». Les enfants e choeur nomment alors un évêque des fous, qui aura même le droit de danser dans l'église.

 

Le programme scolaire de l'époque comporte surtout des rudiments : Lire, écrire, compter et chanter. La main est l'instrument fondamental de cet enseignement car elle sert à la fois à connaître son alphabet, à mémoriser les prières, à compter ( à l'aide d'un comput digital, c'est à dire l'utilisation de moyens mnémotechniques à l'aide des doigts des deux mains pour le calcul des fêtes mobiles chrétiennes, puis, par extension, toutes sortes de calculs effectués à l'aide des mains), à chanter et pour connaitre les fêtes du calendrier.

On apprend d'abord l'alphabet, à l'âge de trois à cinq ans, pendant une semaine, et à raison de trois à quatre lettres chaque jour. Le dernier jour d'apprentissage est réservé à la récitation complète de l'alphabet. L'apprentissage fait référence à la Bible et l'enfant apprend les lettres comme Dieu créa le Monde. Cet alphabet est présent partout, sur les broderies des tissus, sur la ceinture de l'élève, ou à table sous la forme d’abécédaires comestibles (morceaux de fruits ou pâtes abécédaires...) Certains alphabets sont présentés sur une seule page, avec, pour chaque lettre, une vertu chrétienne sur laquelle le maitre peut s'exprimer. Les pages sont parfois doublées de proverbes moraux écrits. Une fois que l'alphabet est maitrisé par l'enfant, celui-ci assimile les syllabes puis peut bientôt commencer à lire. Cette école de lecture dure environ quatre mois. Le psautier est le principal support d'apprentissage et consiste en un recueil de psaumes souvent associé à d'autres textes religieux comme par exemple un calendrier liturgique ou la litanie des saints. Au Moyen âge, il était souvent enluminé et rédigé en latin. Ce psautier sera concurrencé au XIII ème siècle, du moins dans les milieux aisés par le livre d'heures qui permet à la mère d'enseigner les prières majeures à ses enfants. Ces premiers livres liturgiques destinés aux laïcs apparaissent pour la première fois dans le courant du XIII ème siècle en France mais aussi au sud des Pays-Bas. Dans sa forme initiale, l'ouvrage ne rassemblait que des textes appropriés aux heures canoniales issues du bréviaire du clergé, puis s'enrichit peu à peu de nouveaux textes. Outre les versets du psautier, les enfants lisent les fables antiques de Phèdre et d'Esope, les bestiaires où chaque animal sert d'exemple mais aussi des histoires des rois et des reines et des traités de bonne manière. L'enfant est aussi supposé connaître les prières majeures comme le Credo ou le Pater puis, dès le XIII ème siècle, l'Ave Maria.

 

L'apprentissage de l'écriture s'effectue sur des tablettes en métal ou en bois où sont déjà gravées les lettres. Le stylet en métal permet aux élèves d'écrire les lettres sur les tablettes recouvertes de cire, puis d'effacer les caractères à l'aide de son extrémité ronde. La plume succédait ensuite au stylet et permettait de recopier des textes saints, des proverbes ou des moralités...

Savoir calculer est considéré au XIII ème siècle comme indispensable. L'école de calcul dure de deux à quatre mois. Les élèves se servent de leurs doigts en utilisant le comput digital qui leur permet de compter jusqu'à un million. Pour ses leçons de calcul, le maitre utilise différents objets : billes, anneaux, jetons et dés à jouer, cailloux...Les tables de multiplications qui existent déjà à cette époque présentent les chiffres sous la forme de deux lignes : l'abscisse et l'ordonnée. Le résultat se lit à la croisée de ces deux lignes. Les élèves apprennent aussi à compter sur l'abaque (table de bois fait d'un tableau gravé avec les unités, les dizaines, et les centaines sur lequel sont disposés des jetons), sorte de calculatrice du Moyen âge.

Le chant fait aussi partie de l'apprentissage et est considéré comme aussi important que la lecture. En ville, les enfants de choeur apprennent à chanter dans les manécanteries organisées en psalettes et maitrises sous la direction d'un chantre. A l'époque, la maitrise de Notre Dame était l'une des plus réputées. Les règles de vie strictes qui régnaient dans ces manécanteries s'apparentaient à celles des monastères : dès leur arrivée, les enfants recevaient la tonsure et il leur était interdit de quitter le cloitre , de parler une autre langue que le latin, ou de jouer aux dés ou aux cartes. Cet apprentissage du chant pouvait durer jusqu'à la puberté (jusqu'à l'âge de dix ans).

 

Au Moyen âge, l'apprentissage professionnel tient aussi sa place. Il est possible de devenir apprenti chez un artisan dès l'âge de douze ans ou encore chez ses parents. Dans d'autres métiers, on commence même plus tôt : A dix ans chez les potiers ou à huit ans chez les agriculteurs. L'apprentissage dure en moyenne de trois à six années après signature d'un contrat devant le notaire entre les parents et le maitre de formation. L'enfant est nourri, logé, soigné mais ne doit pas s'enfuir. En échange, il devra fournir entre 9 et 13 heures de labeur chaque semaine, des heures non payées la première année d'apprentissage.

La formation au métier de noble débutait à sept ans : Les enfants commençaient par être pages aux alentours de 8 ou 9 ans et étaient élevés avec les enfants royaux. On leur enseignait la lecture de « Miroirs ». Ce genre littéraire était né au Moyen âge et désignait des ouvrages destinés à conseiller le lecteur sur des questions morales. On leur faisait aussi lire des traités de bonne conduite, le commentaire des « châteaux de sagesse » (chaque pierre du château comportait une vertu morale), les textes antiques, les romans de chevalerie. Le jeu d'échecs permettait à la fois d'étudier les mathématiques, l'instruction civique et la stratégie militaire. Les futurs nobles recevaient également une éducation physique qui commençait par la maitrise de l'équitation. Tous petits, ils disposaient d'un cheval bâton (jouet traditionnel qui se présentait sous la forme d'une tête de cheval stylisée au bout d'un bâton) pour s'amuser, puis, devenus plus grands, montaient sur un vrai cheval en compagnie de leur instructeur. Cette discipline, incontournable, leur servait pour pratiquer la chasse, les tournois et les batailles. Les enfants pouvaient ainsi se familiariser avec les animaux (cheval, chien, faucon) qui les accompagneraient une fois à l'âge adulte. Les armures étaient portées dès 7 ans, complétées par des armes d'abord en bois, puis en métal. D'autres exercices physiques étaient pratiqués comme la lutte, le course, le lancer de javelot, le saut, le lancer de poids, le tir à l'arc et la chasse.

 

Collèges et universités complétaient enfin l'éducation des enfants à cette époque. Au Moyen âge, les collèges étaient différents de ceux d'aujourd'hui. Il s'agissait de fondations pieuses, inspirées des modèles monastiques et destinées à préparer les enfants pauvres à se rendre à l'université. Les étudiants étaient logés, nourris, bénéficiaient d'un soutien scolaire et recevaient une bourse. On mettait aussi une bibliothèque à leur disposition. On comptait au moins 44 collèges à Paris sur la Rive gauche à la fin du XIV ème siècle. L'un d'entre eux fut fondé en 1257 par Robert de Sorbon, chanoine de Notre Dame et conseiller de Saint Louis. L'endroit était alors destiné aux étudiants désireux de poursuivre des études de théologie, était doté d'une très grande bibliothèque (1722 volumes en 1338) et prendra plus tard le nom de « Maison de Sorbonne », avant de devenir une faculté de théologie, puis « université de Paris ».

L'origine de l'université remonte à la fondation de l'abbaye de Saint-Victor en 1108 sur la Montagne Sainte Geneviève. L'établissement fut l'un des centres les plus importants de l'Occident médiéval au début du XIII ème siècle. Les maitres se regrouperont plus tard par facultés dirigées chacune par un doyen de médecine, de droit canon ou de théologie, tout en maitrisant à la fois leur propre recrutement et leur mode de travail. Les étudiants étaient alors admis à l'université dès 10 ans, bien que la plupart d'entre eux y rentrait à 16 ans. Au bout de trois ans d'études, ils obtenaient une licence qui leur permettait d'enseigner. Paris devint ainsi la capitale intellectuelle dans le domaine de la théologie car c'était le seul endroit où l'on enseignait le droit canon. Le droit civil y était d'ailleurs prohibé pour ne pas le concurrencer. La province voit naitre ses propres universités : la faculté de médecine à Montpellier, la faculté de droit civil à Orléans....Mais l'université ne dispose toujours pas de ses propres locaux. On donne alors les cours dans des petits établissements ou dans des églises. Des rues de Paris évoquent encore aujourd'hui le monde universitaire médiéval comme la rue au Fouarre ( à cause des bottes de paille sur lesquelles s'asseyaient les étudiants) ou le Pré aux Clercs (terrain de jeux et de promenade des étudiants et unique possession foncière de l'université).

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Exposition L'école au Moyen-âge, du 16 novembre 2013 au 30 mars 2014 , de 13h30 à 18h00 du mercredi au dimanche, à la Tour Jean Sans Peur, 20 rue Etienne Marcel à Paris 2è. Tel : 01 40 26 20 28. Accès : Métro Etienne Marcel. Entrée : 5€.

    Site internet : http://www.tourjeansanspeur.com

  • Merci à La Tour Jean sans Peur pour sa collaboration et son sympathique accueil

     



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