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Exposition "L'Amour au Moyen âge", à la Tour Jean sans Peur
(Paris, France)
Heure locale


Samedi 14 juin 2014

 

Le musée de la Tour Jean sans Peur nous a maintenant habitué à de nombreuses expositions sur le Moyen-Age. Celle qui se tient actuellement jusqu'au 9 novembre 2014 est consacrée à l'amour au Moyen-age et dévoile l'univers amoureux de l'homme médiéval à travers des modèles antiques, religieux et animaliers. On découvre ainsi que les roses du plaisir feront à l'époque rougir les joues des dames, tandis que lettres d'amour, cadeaux et rendez-vous seront le prélude à l'acte amoureux dont la finalité sera la procréation pour une église qui condamne l'homosexualité, le viol ou l'adultère. La notion d'amour, durant cette période, se réfère à de nombreux modèles, dont le religieux, qui domine.L'homosexualité entraine quant à elle la peine de mort dans la plupart des Etats européens. Au VI è siècle, de crime contre la dignité, l'acte homosexuel devient un crime contre l'ordre naturel, proscrit par Dieu et pouvant mener jusqu'au bûcher. Durant tout le Moyen-Age, celle-ci est combattue par l'Inquisition, sous le nom de « bougrerie » (venant de Bulgare, pour désigner les bogomilles de Bulgarie où se pratiquait alors cette « hérésie »).La torture est infligée aux coupables d'actes homosexuels ou de sodomie (délit de l'épine du dos). Lorsque le sodomite est accusé pour la première fois, il doit « perdre ses couilles ». La deuxième fois, il doit perdre son « membre. La troisième fois, il est brûlé et tous ses biens reviennent au roi. Vous l'avez compris, durant le Moyen-Age, qu'il soit profane ou religieux, le sentiment amoureux s'exprime effectivement sous des formes aussi diverses que surprenantes : il est mystique chez les femmes laïques ou béguines, qui adorent le Christ de façon charnelle. Il est aussi savant chez les clercs d'Eglise qui enseignent l'art d'aimer d'Ovide. Transgressif parmi l'aristocratie qui se plait à jouer à des jeux dangereux fondés sur la relation adultère chantée par les troubadours et les trouvères. Prosaïque, car l'amour n'intervient pas dans le choix du conjoint même si mari et femme se doivent mutuellement une amitié fidèle. Il est enfin naturel, comparé au règne animal.

 

Le mariage d'amour existait-il à cette époque ? Romans historiques et contes de fées nous ont longtemps renvoyé une image de romantisme. Mais l'histoire du mariage au Moyen Age était bien différente. Cette union était en effet étroitement liée aux rôles sociaux que jouaient l'homme et la femme, ce qui n'avait rien à voir avec l'amour. Imprégnée de la religion chrétienne, on considère alors les femmes comme des « occasions de péché » et ce, depuis Eve. L'homme a donc pour devoir de sauver celle-ci des flammes de l'Enfer en en faisant une mère. Et la procréation ne peut, à cette époque, avoir lieu que dans le cadre des liens sacrés du mariage. Devenue épouse, la femme doit procurer un héritier à son mari, sous peine de possible répudiation. Les Nobles appliquent alors le code de l'amour courtois, plus précisément dans le sud de la France. Ces règles définissaient la façon d'aimer et de conserver la passion des êtres. Or, la règle la plus importante est...que l'amour est toujours adultère. Adultère chantée par les troubadours et les trouvères, et qui consiste, pour un époux, à violer son serment de fidélité et de partage, et d'avoir des relations sexuelles avec une personne autre que son conjoint. Il devient alors amant. Cette notion d'adultère est condamnée dans le Nouveau Testament, tout en affirmant le pardon de Dieu en cas de repentance. Pour les Nobles, amour et mariage sont inconciliables puisque l'hymen est toujours organisé pour des raisons politiques ou monétaires. Ces principes gomment une fois pour toutes l'idée de l'amour dans le mariage et le romantisme. L'organisation religieuse et sociale qui prévaut à l'époque exige une vie de couple. La famille y était pour beaucoup dans le choix de l'époux et le fin'amor n'encourageait pas l’idée de l'amour dans le mariage. Quant à la notion d'amour courtois, elle fut florissante dans l'Europe médiévale, notamment en Occitanie et dans le nord de notre pays à partir du XI è siècle grâce à l'influence de protectrices comme Aliénor d'Aquitaine et Marie de France, comtesse de Champagne et mécène de Chrétien de Troyes. Cet amour trouverait ses origines au Levant et dans la littérature arabo-andalouse. L'un de ses précurseurs fut Guillaume IX de Poitiers, duc d'Aquitaine (1071-1127) et grand-père d'Aliénor. Il fut le premier troubadour et premier poète à écrire en langue d'oc la poésie lyrique inspirée aussi des poètes arabo-andalous. Plusieurs écoles existent quant à l'interprétation de cet amour courtois : celui-ci désigne l'amour profond et véritable que l'on retrouve entre un prétendant et sa dame. Au Moyen-Age, l'homme doit être au service de cette dernière, à l'affût de ses moindres désirs et lui rester inébranlable de fidélité. L'amoureux, dévoué à sa dame, était en général d'un rang social inférieur, noble de première génération en passe de conquérir ses titres de chevalerie. Le sentiment de l'amant est censé s'amplifier, son désir grandir et rester en partie inassouvi. Il s'adresse souvent à une femme inaccessible, lointaine et d'un niveau social différent de celui du chevalier.

 

Le langage de l'amour avait aussi son importance durant le Moyen-Age : l'amour médiéval aimait ainsi employer des métaphores puisées dans le répertoire de la Nature, de la guerre, de la chasse, des tournois et de la cuisine. On relève par exemple le mouvement du pilon dans le mortier ou du bâton dans la baratte comme le reflet d'un acte sexuel. D'autres métaphores plus poétiques existent aussi, parmi lesquelles on retrouve le cœur, icône des sentiments amoureux. Si l'on relève des termes poétiques, associée à la nature, c'est pour mieux dissimuler des actes crus. Les règles deviennent des roses, le sexe masculin apparaît sous la forme d'un fruit, tandis qu'on imagine des jeunes femmes allant au marché pour s'acheter des phallus. Et les métaphores d'ordre culinaire ne manquent pas pour désigner l'acte sexuel... En ce qui concerne le langage amoureux, c'est surtout l'homme qui prend l'initiative en utilisant des expressions imagées extraites du répertoire de la Guerre, de la Chasse et des Tournois (on joute, on chevauche) et même du monde agraire (il faut labourer pour restaurer son lignage).

 

Vient ensuite le jeu de la séduction. Plus que ses qualités intellectuelles, c'est la beauté physique de la femme qui rend l'homme heureux jusqu'à provoquer une addiction (pour ne pas dire une érection!). L'idéal féminin est une jeune fille de quinze ans environ avec de longs cheveux blonds, à la peau d'un blancheur de lys, à la taille et aux seins menus. L'idéal masculin s'affiche moins clairement (par crainte de l'homosexualité) mais apparaît surtout dans la mode vestimentaire. On met en valeur le torse, ainsi que la virilité (port d'une braguette artificiellement gonflée à l'entrejambe). Cette séduction connait un succès d'autant plus grand qu'elle est accompagnée de chansons, de musiques, mais aussi de lettres et de cadeaux qui flattent la beauté de l'élue. On offre ainsi peignes, ceintures, bijoux, miroirs, ou couronnes de fleurs notamment pour le 1er mai qui célèbre le renouveau de la nature et les amours juvéniles. Mai est en effet un mois propice aux approches. Et le fait de voir le jeune homme s'aventurer jusqu'au baiser final prouve sa promesse d'aide et de fidélité à la jeune fille convoitée, jusqu'à combattre pour elle.

 

Les scientifiques distinguent l'homme de la bête tant par l'usage de la parole que par sa pratique de l'amour charnel. Parmi les positions sexuelles, la seule qui vaille pour l'Eglise est celle qui est dite « naturelle » de l'époux au-dessus de la femme. Pour les Cléricaux, la position de l'acte doit être celle la plus favorable à la reproduction. Les positions déviantes peuvent, elles, provoquer la colère de Dieu. Mais l'Eglise sera moins regardante à partir du XII è siècle, l'essentiel restant que la semence soit transmise dans le bon orifice...Une exception existe toutefois : la position du cheval érotique, c'est à dire la femme dessus et l'homme dessous. Position qui sera toujours réprimée car considérée comme dangereuse par les médecins et répréhensible pour les théologiens. Les menaces étaient-elles pour autant dissuasives ? Pas sûr, lorsqu'on lit fabliaux et farces qui relatent des postures pornographiques, dont les auteurs font hurler le corps en une multitude de postures, auteurs qui taburent, mateculent, catènent, creponnent, prennent à la turquoise...on laboure à brachet, à « pisse-chien », à « entrepons ». Côté contraception, il existe un nombre impressionnant de plantes contraceptives (décoction de laitue, de saule ou de peuplier...) mais d'autres techniques plus artisanales étaient aussi de mise, comme les accroupissements, les génuflexions après les parties de jambes en l'air, les éternuements, les amulettes données par le curé ou bien des injections d'eau glacée « pour refroidir la semence ». Ces pratiques sont davantage présentes chez les citadins que chez les ruraux, et plutôt dans les classes moyennes que dans la haute. A défaut de réussite, on pratique alors l'avortement (étouffement du fœtus dans le ventre de la mère par compression des vêtements ou par coups...). Les rapports sexuels sont aussi réglementés : il est conseillé de ne pas dépasser deux rapports par semaine car c'est nuisible pour la santé. Cela réduit le cerveau, détruit les yeux et assèche le corps. Avant 1200, ces périodes interdites et déconseillées peuvent atteindre jusqu'à 250 jours de ceinture par an. Les choses s'assouplissent à partir du XIII è siècle. Mais il est toujours interdit de pratiquer le sexe à Noël, à Pâques, à la Pentecôte et à l'Assomption. On doit également éviter l'acte sexuel lorsqu'on est « plein de vin et d'autres viandes », d'après Platine, humaniste et bibliothécaire du Pape au XV è siècle. Et la femme dans tout cela ? Elle est revêtue d'une longue chemise tombant jusqu'à la cheville. Certaines d'entre elles serrent la poitrine à l'aide d'un voile de mousseline (l'ancêtre du soutien-gorge) épinglé dans le dos. Les femmes utilisent leurs seins lors des rapports sexuels comme objets de caresses lors des attouchements préliminaires. L'homme baise tout particulièrement les mamelons.

 

Les jeux interdits sont nombreux au Moyen-Age : Nous l'avons vu plus haut, l'homosexualité est fortement réprimée. L'Eglise ne voit en effet dans le sexe qu'un acte de procréation au cours duquel on ne doit éprouver aucun plaisir. Or l'homosexualité n'est pas un acte procréateur et ne procure que du plaisir. Il doit donc être défendu. Fellation, sodomie et masturbation sont donc prohibées. Toutefois, la masturbation n'est pas punie de la même manière selon qu'elle soit pratiquée seule ou avec un compère, manuellement ou à l'aide d'un instrument. On relève toutefois la présence d'homosexualité masculine dans les monastères, les universités ou les écoles. Si cette même église médiévale acceptait ou pardonnait aussi la prostitution, elle condamnait fortement le viol et d'autres péchés sexuels, et, de manière générale tout procédé contrariant la Nature. Il existe par conséquent de nombreux bordels, considérés comme un moindre mal et même, comme des endroits de salubrité publique. Mieux valait en effet que les hommes se satisfassent avec une prostituée plutôt que de corrompre leur propre femme, ou de risquer de prendre les filles des autres, ou pire, de se satisfaire eux-mêmes. Ces prostituées officient dans des bordels, ou dans des maisons de tolérance, des bains ou même des établissements publics. Autant d'endroits servant également de lieux d'éducation sexuelle pour les jeunes garçons qui viennent apprendre à « chevaucher » afin de se préparer à une saine conjugalité. L'Eglise ne dit mot à propos de ces pratiques car les ecclésiastiques ne sont pas les derniers à fréquenter ces lieux, formant, au XV è siècle, 20% de la clientèle des étuves et des bordels privés. On tolère enfin l'adultère chez les hommes mais les femmes, elles, doivent faire preuve de discrétion : elles choisissent souvent des clercs, mieux éduqués et galants (certains d'entre eux n'hésitent d'ailleurs pas à s'installer en concubinage). La fin du Moyen âge encouragera l'acte sexuel suite aux pestes et aux famines. Se multiplieront aussi, dans les églises et les cathédrales, les images de l'enfer associées au péché de luxure, alors, qu'au même moment, prospèrent les arts d'aimer, ouvrages comptant parmi les meilleures ventes de cette époque médiévale.

 

 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Exposition « L'amour au Moyen-Age », du 9 avril au 9 novembre 2014, de 13h30 à 18h00 du mercredi au dimanche, à la Tour Jean Sans Peur, 20 rue Etienne Marcel à Paris 2è. Tel : 01 40 26 20 28. Accès : Métro Etienne Marcel. Entrée : 5€. Site internet : http://www.tourjeansanspeur.com

  • Conférences le mercredi 18 juin, à 19h00 (D'Abelard à Yseult: lectures amoureuses et entremets musicaux), le mercredi 24 septembre, à 19h00 (l'amour vu par les médecins au Moyen Age), le mercredi 1er octobre, à 19h00 (l'église fut-elle vraiment l'ennemie de l'amour charnel?), et le mercredi 15 octobre, à 19h00 (les couleurs de l'amour du XIIè au XVè siècles). Pour ces conférences ainsi que pour le concert, il faut obligatoirement réserver à l'avance, par téléphone ( 01 40 26 20 28) ou par mail (tjsp@wanadoo.fr)

  • Merci à La Tour Jean sans Peur pour sa collaboration et son sympathique accueil.

     









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