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Exposition "Il était une Fois l'Orient-Express"
(Institut du Monde Arabe, Paris, France)
Heure locale

Mercredi 4 juin 2014

 

Le train a ceci de magique qu'il permet d'admirer les paysages et qu'il berce les voyageurs. L'Orient Express a en plus pour lui la légende : ses voitures historiques qui furent décorées par les plus grands maitres des Années Folles parmi lesquels René Prou ou le cristallier René Lalique mais aussi les célèbres récits qu'en firent Agatha Christie ou Ian Flemming témoignent de l'art du voyage à la française, avec des hôtes aussi prestigieux que Marlène Dietrich, Lawrence d'Arabie ou encore Mata Hari. Nostalgie, quand tu nous tiens...

Créé par la Compagnie Internationale des Wagons-Lits, ce train de luxe assurera à partir de 1883 la liaison entre Paris, Vienne (et Venise dès 1919) puis Istanbul. Il atteindra son apogée dans les années 1920, mais devra bientôt changer son itinéraire, traverser deux guerres mondiales et subir l'abaissement de son prestige durant la guerre froide. Le service quotidien Direct-Orient-Express vers Istanbul et Athènes, cessera en 1977, à cause de sa trop faible vitesse commerciale, des trop nombreux arrêts douaniers dans les pays communistes traversés, de l'état obsolète de son réseau, et de la concurrence grandissante de l'aviation. A l'origine de ce pari fou, on retrouve Georges Nagelmackers, un homme d'affaires belge hors normes. Originaire d'une famille de banquiers, il devient d'abord ingénieur civil, puis industriel, avant de fonder la Compagnie des Wagons-Lits et de la Compagnie Internationale des Grands Hôtels. C'est lui qui créa les grands trains de luxe européens et notamment l'Orient Express. Traverser frontières et continents, à bord d'un palace sur bogies, avec ses voitures lits et son wagon restaurant (photo ci-dessous), voilà la révolution. L'Orient Express est un chef d'oeuvre en soi : plafonds en cuir repoussé de Cordoue, bas-reliefs en cristal Lalique, tapisseries des Gobelins, rideaux en velours de Gênes, argenterie, nappes précieuses et verres fins en cristal.


 

L'exposition «Il était une fois l'Orient Express », qui se tient à l'Institut du monde arabe , à Paris, jusqu'au 31 août prochain, est surtout une invitation au voyage. Le visiteur a le rare privilège de débuter son parcours sur un quai de gare reconstitué, avant de monter à bord. Il découvre ainsi la locomotive, les trois voitures et le wagon-restaurant installés sur le parvis de l'Institut du monde arabe. On s'imagine à la place des voyageurs d'antan, qui empruntèrent ce train durant des décennies. Le premier train, qui s'appelait Express Orient, fut inauguré le 5 juin 1883, et circula deux fois par semaine, entre Paris (Gare de l'Est) et Constantinople (l'actuelle Istanbul) en passant par Strasbourg, Munich, Vienne, Budapest et Bucarest. Le train n'était pas direct et s'arrêtait alors à Giurgiu (Roumanie), tandis que la traversée du Danube se faisait sur un bac pour se rendre jusqu'à Roussé (Bulgarie). Un second train assurait quant à lui, le trajet jusqu'à Varna, port bulgare sur la mer Noire. Puis un vapeur poursuivait le parcours en quatorze heures jusqu'à Istanbul. Le service deviendra quotidien jusqu'à Vienne deux ans plus tard. Avant de devenir direct en 1889, après l'achèvement de la ligne jusqu'à Istanbul.


 

Après l'expérience dans la rame du train de luxe, l'exposition invite le visiteur à découvrir de grosses malles géantes évocatrices de ce périple fascinant, sur plus de 800 m2 et deux niveaux d'espace. Images documentaires, bandes d'actualité et extraits de films évoquent le riche patrimoine littéraire et cinématographique inspiré par l'Orient Express. On admirera objets, documents et pièces d'époque (affiches, menus, vaisselle, couverts, valises, vitraux, meubles) témoignant d'un luxe désormais révolu mais résumant l'histoire du célèbre train. Les malles-vitrines abordent également les thématiques sociales, culturelles ou techniques liées à l'aventure de l'Orient Express. Et reviennent sur l'histoire de son inventeur, Georges Nagelmackers. Dès 1867, ce monsieur rencontre Samuel Cunard (fondateur de la Cunard Line) lors d'une traversée maritime, et échange avec lui sur les caractéristiques de l'accueil et du service aux clients sur les paquebots transatlantiques. Il va plus tard sillonner le territoire en touriste pendant plusieurs mois en s'intéressant notamment aux trains de nuit mis en service par George Pullman (Pullman Company), mais aussi aux doléances des clients (des femmes en particulier, qui reprochent alors un manque d'intimité dans ces trains). Perfectionniste, il prendra des notes et réalisera des croquis, persuadé qu'il y a là une base pour améliorer le confort du transport ferroviaire des riches clients sur le vieux continent. Tenace, Georges Nagelmackers poursuivra son projet de train malgré les réticences familiales et publiera même, en 1870, la revue Projet d'installation de wagons-lits. C'est la première fois qu'est utilisé ce terme « wagons-lits ». La première guerre mondiale contrarie certes momentanément le projet de notre homme d'affaires, mais n'entamera aucunement sa volonté de parvenir à créer le fameux train. Avec le soutien de Léopold II, il obtiendra bientôt l'autorisation de faire circuler un premier wagon-lit, mis au point et payé par lui, sur la ligne Paris-Vienne en novembre 1872. Le succès est immédiat. Il crée alors une première compagnie qui comprendra cinq voitures à deux essieux qui seront attachées sur les relations Ostende-Cologne et Ostende-Berlin. Le 19 février 1873, il signera une nouvelle convention pour la desserte Paris-Berlin. De nouvelles voitures sont donc construites en Autriche-Hongrie, mais les recettes s'avèrent insuffisantes et Georges Nagelmackers a un cruel besoin d'argent. Il se rend alors à Londres, où il rencontre William D'Alton Mann, colonel américain qui a fait fortune en brevetant son sac à dos pour fantassin, mais a aussi déposé un brevet pour une voiture-lit (brevet qui va séduire l'homme d'affaires belge). Le 4 janvier 1873, une association nait entre les deux hommes, qui voit la création de la Mann's Sleeping Carriage Company et donne naissance à une voiture avec des compartiments et des portes ouvrant sur un couloir central conduisant aux toilettes. Trois ans plus tard, le parc contient 53 voitures qui circulent alors sur 23 compagnies différentes. Le 4 décembre 1876, nos deux associés fondent en Belgique la Compagnie Internationale des Wagons-Lits et des Grands Express Européens.

Les malles-vitrines évoquent bien sûr les escales placées sur le parcours de l'Orient Express, comme Londres, Paris, Venise, Istanbul, Alep, Damas, Beurouth, Bagdad, Le Caire, Louxor et Assouan. Y sont évoquées également les relations géopolitiques de l'Europe et du Proche-Orient et le contexte de l'époque.


 

Une autre section de cette exposition est consacrée au désir d'Orient et à l'abolition des frontières. L'Orient Express permet ainsi à de nombreux notables d'Orient de se rendre en Europe. Plusieurs textes, œuvres d'art et films évoquent tour à tour les correspondances qui naitront entre Orient et Occident. Une façon de rapprocher les peuples. On pourra ainsi voir un film tourné au Liban, dans la gare de Rayak, par Gilles Gauthier et Eric Darmon. L'attraction phare de l'exposition reste, selon moi, le train lui-même, sa locomotive et ses voitures. Parlons d'abord de cette locomotive à vapeur 230 G 353 type Ten Wheel de 1922 (ci-dessous): construite par la Société de Construction des Batignolles, elle est affectée au cours de sa carrière à plusieurs dépôts de cette région ferroviaire. On compte au total 170 exemplaires de cette locomotive, laquelle est alors capable de tracter des convois de voyageurs de 400 tonnes sur des lignes au profil parfois difficile, des trains omnibus de voyageurs avec arrêts fréquents ou des trains de marchandises assez lourds. Cette machine terminera son service en 1970 mais sera préservée par la SNCF. Elle sert désormais à des tournages de films, au tractage de trains spéciaux ou à divers autres évènements. On la retrouvera aussi dans le film Le crime de l'Orient Express (en 1974). La fameuse locomotive intégrera la collection des matériels et objets du patrimoine SNCF en 2004. 2500 heures de travail de 6 bénévoles furent nécessaires pour la remettre en état.


 

Le visiteur peut aussi admirer sur place plusieurs wagons : voiture-lit type Ytb N° 3927 fut construite en 1949 par la S.A.Les Ateliers Métallurgiques de Nivelles, en Belgique pour la Compagnie Internationale des Wagons-Lits et des Grands Express Européens. 270 voitures de ce type seront construites entre 1930 et 1950. Elles seront équipées de onze compartiments (8 de deux lits et trois de trois lits) pouvant accueillir 25 voyageurs. Un office, à disposition du conducteur, permet le service de boissons et de petits déjeuners. Deux toilettes équipent enfin les extrémités de chaque voiture. La livrée extérieure du wagon est de couleur bleu Wagons-Lits et filets jaunes. La décoration intérieure comporte des panneaux et des cloisons en boiserie placage d'acajou verni. Les poignées et ferrures sont en laiton chromé et chaque compartiment possède son lavabo et son armoire de toilette intégrée dans la boiserie. On retrouve cette voiture non seulement sur l'Orient Express mais aussi sur le Train Bleu, ou d'autres trains de nuit européens. Sa carrière se termina dans les années 1985, et est depuis sauvegardée et intégrée à la collection du Patrimoine-SNCF.


 

La voiture Bar Pullman Flèche d'Or ou Train Bleu N°4160 (en photo ci-dessus), fut, quant à elle construite en 1929 par les Ateliers de l'entreprise Industrielle Charentaise d'Aytré, d'après les plan des Wagons-Lits. Il s'agit d'une voiture salon-Pullman qui fut d'abord transformée en voiture bar-restaurant avant de redevenir voiture salon avant une nouvelle transformation en salon-bar. Celle-ci est équipée d'une salle de restaurant de huit tables, 22 fauteuils bridge et deux places sur banquette, avec également un salon avec tables et petits fauteuils et un bar avec office. La livrée extérieure de cette voiture est de couleur crème au niveau des fenêtres et bleu Wagons-Lits avec au centre le monogramme des Wagons-Lits en bronze.La luxueuse décoration intérieure de la voiture « Train Bleu » est composée de parois lambrissées en platane avec incrustation de bouquets de fleurs en pâte de verre de René Lalique. Quant au bar, il est en acajou.Cette voiture circula sur le Train Bleu et le Côte d'Azur Express entre Paris, Marseille, Nice et Menton.Elle fut sauvegardée par les ateliers de la Compagnie des Wagons-Lits à Ostende en 2007.


 

Découvrons maintenant la voiture Restaurant-Anatolie N°2869 (ci-dessus) : Construite en 1925 par les Ateliers Smethwick de Birmingham en Grande Bretagne, elle est composée d'une salle pouvant accueillir 42 personnes avec 14 tables, 38 fauteuils bridge et 4 places sur banquette. A un bout de la voiture, on trouve un office et une cuisine dont le four fonctionnait au charbon de bois. La livrée extérieure est de couleur bleu Wagons-Lits et filets jaunes avec au centre le monogramme des Wagons-Lits en bronze. Intérieurement, la décoration fut réalisée d'après les dessins d'Albert Dunn, grand ébéniste britannique. Elle est composée de parois lambrissées en marqueterie loupe et ronces d'acajou avec des guirlandes de fleurs en bois de violette, de rose, de platane, de citronnier et d'ébène de Macassar. Cette voiture circula jusqu'en 1940 sur l'Orient Express, le Simplon Orient Express, l'Arlberg Express, le Riviera Express, le Rome Express puis le Palatino (jusqu'à sa fin de carrière, en 1985). Elle fut restaurée à Ostende en 1987.


 

Terminons notre visite avec la voiture Salon Pullman Flèche d'Or N°4159 (en photo ci-dessus). Celle-ci fut construite en 1929 par les Ateliers de l'Entreprise Industrielle Charentaise d'Aytré. Elle comporte une salle centrale de 20 places avec 10 tables équipées de lampe en bronze poli.. Et encadrée de deux compartiments-salons de quatre places. Les 28 fauteuils sont de type Pullman Côte d'Azur. Sa livrée extérieure est de couleur crème au niveau des fenêtres et bleu Wagons-Lits avec au centre le monogramme des Wagons-Lits en bronze.. Réalisée par René Lalique, le grand maître joailler et verrier, elle est composée de panneaux de pâte de verre aux motifs de naïades incrustés dans des parois lambrissées en acajou de Cuba. Cette voiture circula jusqu'en 1940 sur le train Côte d'Azur Express entre Paris et Menton, mais aussi sur l'Edelweiss, l'Etoile du Nord et l'Oiseau Bleu, sans oublier le Sud-Express entre Paris, Bordeaux, Lisbonne et Madrid jusqu'à la fin de sa carrière en 1971. Elle participa à des trains croisières à travers l'Europe jusqu'en 1986, avant de prendre une retraite bien méritée après avoir été restaurée à Ostende en 1987.


 

L'exposition suggère qu'elle symboliserait une première étape dans, pourquoi pas, la construction d'un nouvel itinéraire visant à remettre l'Orient Express sur les rails. Train des rois et roi des trains, celui-ci aura vu son trafic divisé par deux après la deuxième guerre mondiale. Les dessertes sont arrêtées peu à peu dans les années cinquante, puis parfois reprises partiellement dans les années quatre-vingt. La Compagnie, elle-même rachetée par le groupe Accor en 1991, abandonnera ses dernières voitures à la SNCF. Des rames seront vendues ou...perdues. Le mythe, lui, résiste car il est un élément majeur du patrimoine français. La marque « Orient Express » représente quant à elle l'art du voyage à la française. Et les ambitions de la SNCF pourrait bien permettre la renaissance de ce mythe dans le futur. Qui sait ?

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Exposition « Il était une fois l'Orient Express », jusqu'au 31 août 2014, à l'Institut du monde Arabe, 1 rue des Fossés-Saint-Bernard, à Paris (5è). Tel : 01 40 51 38 38. Ouvert du mardi au jeudi de 9h30 à 19h00 , le vendredi de 9h30 à 21h30, et les samedi et dimanche de 9h30 à 20h00. Tarif : 10€. Site internet : http://www.imarabe.org/

  • Merci à Pauline Merveille (Service Presse) pour son aide précieuse

  • Site Orient Express : http://www.orient-express.eu/

  • Site internet créé par les étudiants de l'école e-artsp : http://www.journaldeborddunconducteur.fr/?step0

 

 




 



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