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La Presqu'île de Rhuys
(Golfe du Morbihan, Morbihan, France)
Heure locale

Mardi 8 juillet 2014

 

Les beaux jours sont revenus et je m'en vais me promener du côté de la presqu'île de Rhuys (Bretagne). Cette avancée de terre rattachée au littoral de la Bretagne sud forme le golfe du Morbihan, et est située en face des îles de Houat et d'Hoëdic et de la presqu'île de Quiberon. Son territoire fait penser à un rectangle massif d'Est en Ouest qui se resserre à Arzon. Lionel et moi prenons la route de Sarzeau et nous arrêtons sur notre chemin pour découvrir Le Hézo. Ce village est un ancien démembrement de la paroisse de Surzur. Il fut autrefois offert à l'abbaye de Saint-Gildas-de-Rhuys, avec d'autres terres, par le Duc Jean 1er, vers 1247, en échange semble t-il de certains droits dans la forêt de Rhuys. La paroisse du Hézo doit son origine à la création, au milieu du XIII è siècle, du Prieuré Saint-Vincent par les moines de l'abbaye bénédictine de Saint-Gildas-de-Rhuys. Le prieur possèdait à cette époque une cour de justice avec un sénéchal, un procureur fiscal, un greffier et des notaires. Le Hézo dépendra plus tard, à partir de 1689, du grand séminaire de Vannes, moyennant une redevance annuelle de dix « perrées » de seigle de la réserve de la juridiction du prieuré. Terre religieuse, la petite commune, aujourd'hui devenue zone résidentielle, ne renie pas son passé et je peux encore croiser ici et là quelques fontaines, mais aussi un ancien moulin à marée restauré (en photo ci-dessous).

 

A quelques kilomètres seulement se trouve Sarzeau, qui s'étend sur la moitié de la presqu'île de Rhuys. C'est l'une des communes françaises qui dispose du plus long littoral avec 65 kilomètres de côtes. Plusieurs îles lui sont rattachées administrativement, toutes situées dans le golfe du Morbihan, comme l'île des Oeufs, qui abrite une longère et située au large de la Pointe du Ruault, au sud de l'île Iluric. Ou bien l'île Godec, île basse entourée de parcs à huitres. L'île Stibiden qui s'étend sur 8 hectares et qui fut la propriété de Danielle Darrieux. L'île Govihan, la plus vaste, située au large du port du Logeo. Ou encore l'île Brannec, face à l'île aux Moines. Toutes ces îles sont des propriétés privées. L'origine du nom de la commune de Sarzeau (Sarzhav, en breton) est étroitement lié à l'enseignement de la langue bretonne puisque le canton de Sarzeau constitue la limite sud de la partie bretonnante du diocèse de Vannes. La pratique de la langue bretonne déclinera tout au long du XX è siècle et le breton n'est désormais parlé que par des personnes âgées de quelques communes (Penvins, Banastère, ou Suscinio). Les raisons de cette disparition est la pénétration du français par les marins mais aussi la vague touristique des années 1950.

Nous déjeunons dans une crêperie du centre-ville, la Rose des Vents, et passons, pour nous y rendre, devant la maison où naquit Alain-René Lesage, le 8 mai 1668. Romancier, dramaturge et traducteur, Alain-René Lesage est très tôt mis en pension chez les Jésuites de Vannes pendant que son tuteur dissipe sa fortune. Il perd en effet son père à l'âge de 14 ans. Il écrira Turcaret, puis traduira d'abord du grec les Lettres Galantes d'Aristénète, sans obtenir le succès escompté, avant de découvrir la littérature espagnole grâce à son protecteur l'Abbé de Lyonne. Son roman Le Diable Boiteux lui portera davantage chance, en 1707, et le hissera enfin au rang des écrivains remarqués. Une petite promenade à quelques mètres de la maison de cet enfant célèbre de Sarzeau me permet de découvrir l'église (ci-dessous) de la ville. Le temps n'est pas très estival et je ne rencontre pas beaucoup de touristes. Il n'en sera pas de même au Château de Suscinio (deuxième photo). Construit à la fin du Moyen Age (XIIIè et seconde moitié du XIVè) entre forêt et marais et à proximité immédiate de l'océan, celui-ci servit de résidence des Ducs de Bretagne. Suscinio (qui signifie « lieu de repos pour les voyageurs, là où l'on descend ») servait effectivement de résidence d'été aux Ducs. Classé monument historique depuis 1840 grâce à Prosper Mérimée (alors inspecteur général des monuments historiques), il prit d'abord la forme d'un simple manoir de chasse érigé par Pierre de Dreux, alors Duc de Bretagne en 1218. Son fils, Jean 1er le Roux, poursuivra la construction du château en 1229. Il fera clôturer une bonne partie de la forêt de Rhuys, qui deviendra des parcs de chasse.

En effet, avant de devenir la résidence des Ducs de Bretagne, Suscinio fut un lieu d'implantation, vers 1200, d'un prieuré bénédictin. En 1259, Le Duc Jean 1er échangera le prieuré contre des droits de péage. Le prieuré côtoyant désormais le manoir ducal, est alors intégré à celui-ci et devient chapelle ducale. Agrandi à la fin du XIVè siècle, les héritiers du duché se battront à leur tout pour préserver leur patrimoine : A la mort de Jean III, sa succession sera revendiquée par deux camps qui s'affronteront de 1341 à 1364, affaiblissant le pouvoir ducal en Bretagne. Jean IV et Jean V de Montfort entreprendront ensuite des travaux des consolidation et la construction d'une nouvelle tour. Un nouveau logis ducal complète le logis nord, la nouvelle entrée avec son pont-levis et ses deux tours (troisième photo) symboliseront ce renouveau dynastique. Au XV è siècle, une casemate sera alors rajoutée afin d'abriter des pièces d'artillerie. Puis le château sera peu à peu laissé à l'abandon, avant de devenir propriété de la couronne de France sous le règne de François 1er, lequel l'offrira un temps à l'une de ses maitresses. La demeure accueillera ainsi de nombreux propriétaires : Françoise de Foix, Diane de Poitiers ou Catherine de Médicis... Le saviez-vous ? C'est une fontaine (dite de la Duchesse) située près du village de Folperdrix, qui alimentera en eau durant tout ce temps la forteresse, grâce à un réseau de conduits souterrains. En 1798, le château de Suscinio, fort dégradé, est cédé comme bien national à un marchand qui l'exploitera comme carrière de pierres à bâtir, pour la modique somme de 5000 francs. Il sera racheté en 1852 par le vicomte de Francheville, qui mettra toute son énergie dans sa restauration avant qu'il ne soit racheté par le Conseil général du Morbihan en 1965. On y découvrira, en 1975, une chapelle incendiée en 1370, possédant 300 m2 de pavage remarquable (soit 30000 pavés), démontée puis exposée depuis dans les salles du château. Les travaux se poursuivent encore de nos jours, même si la forteresse a retrouvé son apparence médiévale. De nombreux visiteurs se pressent pour visiter le château dont l'intérieur n'est malheureusement pas meublé, mais aussi des expositions. L'endroit fait partie des sites les plus visités de Bretagne avec ses 97000 visiteurs annuels. En 2013, le château de Suscinio proposa au public dix évènements couvrant sept disciplines, reçut 34 artistes, cinq compagnies ou orchestres et...près de 3500 spectateurs ! L'année 2014 est quant à elle placée sous le signe de l'évolution grâce à des fouilles archéologiques couplées à des recherches historiques. Un nouveau parcours patrimonial est progressivement mis en place avec espaces pédagogiques et interactifs pour tous publics. Les étages du logis Est sont réaménagés et l'objectif reste l'ouverture au public du logis Ouest. Les visiteurs pourront y découvrir les différentes phases historiques du château et du domaine, la vie ducale, et l'architecture et le décor médiéval. Vaste programme !


 

Non loin de Sarzeau, se trouve le menhir de Kermaillard (en photo ci-dessous), qui matérialise le plus important site mégalithique de l'endroit. Le Sud du Morbihan foisonne de trésors mégalithiques. De la rivière d'Etel à la presqu'île de Rhuys, on compte plus de 550 monuments mésolithiques et néolithiques. Le menhir de Kermaillard est visible de la route du Net, au rond-point des routes Port-Navalo /Saint-Gildas. Ce beau monolithe en granit est orné d'un décor bien conservé sur sa surface plane qui resta longtemps ensevelie. Une petite hache emmanchée, un cartouche carré et un grand croissant renverraient à la fin du Néolithique. Sur la presqu'île de Rhuys, la découverte des mégalithes permet d'en apprendre davantage sur les bâtisseurs du néolithique. Ces hommes vivaient en communautés organisées et hiérarchisées. Ils bâtirent de grandes réalisations architecturales culturelles collectives. Ici, à l'époque paléolithique (350 000 à 400000 ans avant J.C), l'Homo Erectus fréquenta temporairement le littoral breton. La mer se trouvait alors bien au-delà de Belle-Ile. Au Mésolithique (10000 à 5000 ans avant J.C), l'homme n'est pas encore complètement sédentarisé et survit grâce à la cueillette, à la pêche dans les cuvettes laissées par la marée descendante et à la chasse pratiquée à l'aide d'un armement léger. 9000 à 3300 ans avant J.C, on se situe dans la période du Néolithique : de nouvelles populations, venues du Proche-Orient, trouvent sur la Presqu'île de Rhuys des conditions climatiques propices au développement de l'agriculture et de l'élevage. Lors du Mégalithisme (4800 ans avant J.C), dolmens et menhirs seront les témoins de cette période du néolithique durant laquelle ces édifices furent bâtis pour les sépultures de leurs défunts. 1000 à 56 ans avant J.C, les Vénètes, peuple gaulois du Morbihan, s'installent sur la Presqu'île. En 56 avant J.C, l'armée romaine de Jules César mettra fin à leur indépendance et placera la population sous l’administration romaine.

 

Nous reprenons bientôt la route en direction de Port Navalo, ancien petit port de pêche côtière datant du début du XX è siècle. Il paraît que l'endroit aurait servi autrefois de repaire de pirates. J'avoue ne pas en avoir rencontré lors de notre incursion qui me permit d'admirer la jetée d'où partent plusieurs bateaux de croisière pris d'assaut par les touristes. Juste à côté de celle-ci, je pourrai observer , sous un ciel menaçant, l'entrée du golfe du Morbihan. A cet endroit, Port Navalo offre un point de vue sur Quiberon et Locmariaquer, ainsi que sur l'intérieur du golfe. Un phare domine le petit port depuis 1840 et indique l'entrée du golfe. Le phare actuel date toutefois de 1891 et fut conçu par les ingénieurs Frécot et Vauthier. Avant de rebrousser chemin, comment résister au plaisir de faire une halte à la plage du sud de la commune (ci-dessous) ?


 

Notre balade nous mène maintenant à Port du Crouesty (ci-dessous). Port de plaisance créé en 1973 sur l'emplacement d'une zone marécageuse située à l'entrée du golfe du Morbihan, la petite ville vit aussi la construction d'un ensemble d'immeubles à vocation touristique, programme d'abord plus ou moins voué à l'échec car l'endroit est loin de bénéficier de l'ensoleillement méditerranéen, avant d'attirer finalement une clientèle aisée qui vient faire du bateau. Aujourd'hui, le port de plaisance a une capacité de 1500 bateaux de plaisance sur pontons, ce qui en fait le plus grand port de plaisance de Bretagne. Chaque premier weekend du mois de novembre, s'y déroule le plus grand troc de bateaux d'occasion, qui rassemble plusieurs centaines de vendeurs de voiliers et de petits bateaux à moteur. Pour ceux qui préfèrent des vacances plus reposantes, un centre de thalassothérapie accueille les amateurs de cures de Jouvence.


 

Notre promenade se termine par Penvins. Là se trouvent plusieurs chapelles, dont celle de Notre Dame de la Côte (ci-dessous) qui se dresse sur une langue de terre au bout de la pointe et de la plage de Penvins. Eclatante de blancheur, elle veille aussi sur les marins partis en mer. Elle se situerait sur l'emplacement d'un site gallo-romain où se trouvait autrefois un petit sanctuaire lui même précédé par un lieu de culte durant l'âge de Fer. Sa disposition en forme de croix grecque renforce sa résistance aux vents violents venus de la mer. L'édifice actuel fut reconstruit sur les ruines de deux chapelles successives grâce à la générosité de la famille de Francheville (Gabriel, Amédée et Jules occuperont des rôles politiques et culturels importants à Sarzeau au cours du XIX è siècle). Durant la seconde guerre mondiale, la bâtiment faillit disparaître, tout comme les constructions susceptibles de servir à l'époque de points de repère. La chapelle Notre Dame de la Côte, qui devait être détruite, comme le poste de douane non loin de là, et d'autres villas du XIX è siècle, sera sauvée grâce à l'obstination de l'abbé Buquen, alors Vicaire de Penvins. A l'extrémité ouest de la langue de terre sont encore visibles les vestiges d'un poste de douane qui surveillait jadis le trafic maritime et contrôlait l'activité salicole de Penvins. La côte, de Landrezac à Banastère, était en effet jalonnée de marais salants, d'où la surveillance des gabelous.

Autrefois propriété des Ducs de Bretagne, le plateau de Penvins est protégé en partie par une remarquable digue, visible au sud, étayée de pierres dressées qui furent prélevées sur une grève rocheuse voisine.L'anse de la Grée forme le fond du grand étang de Penvins qui fut peu à peu envahi par la mer. Du temps des Ducs de Bretagne, on pouvait rejoindre le château de Suscinio directement par les plans d'eau successifs.

La Chapelle Notre Dame de la Côte fut témoin de plusieurs miracles : le premier eut lieu au 1er siècle à l'époque des invasions vikings. Une lagune (située à l'emplacement de la baie de la Grée actuelle) abritait alors les vaisseaux de pirates. Une grosse tempête, provoquée par les prières de Saint-Gildas, en barra l'entrée par un banc de sable, transformant ainsi la lagune en étang et bloquant les navires. Le second miracle intervint au XVII è siècle, avec deux apparitions, celles d'un homme et d'une femme brandissant une quenouille, à l'attitude si déterminée, qu'elle effraya les Anglais qui s'apprêtaient à débarquer. Le vitrail derrière l'autel de la chapelle identifie cette femme à la Vierge, en oubliant par contre l'homme (serait-il Saint-Gildas?).

 

 

INFOS PRATIQUES :



  • Château de Suscinio, à Sarzeau. Tel : 02 97 41 91 91. Ouvert de 10h00 à 19h00 (d'avril à septembre), de 14h00 à 18h00 (en octobre, février et mars) et de 14h00 à 17h00 (en novembre, décembre et janvier). Sur place et auchoix, visite libre, visite accompagnée d'un guide, visite avec audioguide, visite nocturne, visite avec un comédien, ou visite insolite. Tarif : 7,50€. Site internet : http://www.suscinio.info

  • Office de tourisme de la Presqu'île de Rhuys- Golfe de Morbihan, BP 70, Sarzeau. Tel : 02 97 53 69 69. Site internet : http://www.rhuys.com

  • Restaurant « L'air Marin », 6, Quai de l'Aiguillon au Croisic. Tel : 02 40 23 01 56. Accueil sympathique et menus à 15 et 18€, excellent rapport qualité/prix. Aliments frais. A CONSEILLER.








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