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Exposition "Les Années 50, la Mode en France"
(Palais Galliera, Paris, France)
Heure locale

Mercredi 20 Août 2014

 

Les amoureux de la mode française ne doivent en aucun cas manquer cette exposition qui se déroule au Palais Galliera (Paris) jusqu'au 2 novembre prochain. Guêpières, jupes à corolle, jupons, escarpins pointus, imprimés fleuris ou rayés aux couleurs vives, mais aussi tailleurs à jupe « crayon » et taille de guêpe, robes bustiers-fourreaux, robes de cocktail, et broderies rocailles de cristaux attendent les visiteurs et témoignent de ce qu'était la haute couture en France dans les années 50. Au même moment, pulls montants, jeans et pantalons corsaire reflétaient une mode plus décontractée à la portée de la génération du baby-boom.

Au début de l'année 1947, Christian Dior lance la première collection de sa maison de couture : né à Granville (Manche) en 1905, ce grand couturier français est d'abord engagé par Robert Piguet en tant que modéliste et dessinateur en 1938. Son premier best-seller sera un tailleur en pied-de-poule noir et blanc. Après la guerre, en 1941, il entre chez Lucien Lelong avant de rencontrer Marcel Boussac, le roi du coton, qui croira beaucoup en Christian Dior. Il investira d'ailleurs 60 millions de francs pour lui offrir sa première maison de couture. Ce 12 février 1947, Christian Dior bouleverse la mode d'après-guerre avec ce premier défilé qui présente des femmes chics et féminines, à la poitrine marquée, à la taille soulignée par une guêpière, au ventre creusé, aux hanches arrondies et à la jupe ample. Les jupes paraissent plus longues que lors des précédentes saisons et si différentes des autres couturiers. Dior veut définitivement sortir des « femmes soldats aux carrures de boxeurs » et contribuera à faire à nouveau de Paris la capitale de la mode. Dans les années 50, la garde-robe d'une femme est impressionnante : tailleur du matin, de voyage, tailleur classique, deux-pièces matin, manteau de voyage ou de tous les jours, robes de déjeuner, d'après-midi (comme cette robe bonbon de Christian Dior, en photo ci-dessous), d'après-midi habillée, ensemble d'après-midi simple ou robes de fin de journée, ensemble pour recevoir, pour voyager sortir au cabaret ou pour partir en weekend, robe d'intérieur, de ville ou de petit diner...Après la guerre, on a envie de consommer cette nouvelle mode naissante, laquelle baptise tailleurs et autres modèles (Auteuil, Promenade, Bernique, Esperanto...). Au même moment, la mode se démocratise avec l'apparition de licences et de lignes plus accessibles. Les patrons font aussi leur apparition dans les revues spécialisées. Certains vêtements se révèlent au hasard des expositions. Il en ira ainsi pour le tailleur « Bernique » (appelé ainsi à cause de l'excroissance en forme de coquille ou de chapeau chinois qui nait sur la veste (deuxième photo). Quatre ans seulement après la révolution du New Look, Christian Dior représente à lui seul 49% du chiffre d'affaires total des exportations de la couture française. La collection automne-hiver 1950 propose 191 modèles, 64 manteaux et 23 fourrures. La longueur reste identique mais la ligne verticale a laissé place à l'oblique. Quant aux formes naturelles,, elles sont restituées grâce à des épaules tombantes, un buste élargi, une taille affinée et des hanches marquées.

Notre couturier est présent sur tous les fronts : il présentera, lors de la collection automne-hiver 1955-56, son modèle de robe du soir, Soirée Galante, en satin de soie de Lahondès. La poitrine, haut placée, s'épanouit entre les branches de l'Y qui aboutissent à la base des épaules naturelles et menues. Les modèles du soir privilégient les couleurs roses, bleues pâles et blanches.

A la disparition de Monsieur Dior, en 1957, Yves Saint Laurent succède au grand couturier. Il n'a alors que 21 ans et lance sa première collection, Trapèze. Fidèle à l'esprit Dior, il s'appuie sur le langage optique des lignes et des coutures du maitre. Et jupes de tulle, robes d'organdi, tailleurs de laine ou de flanelle d'être portés par ses jeunes modèles aux noms évocateurs de « Printemps », « Porcelaine », « Café de Flore », « Zouzou »...Aurore (troisième photo ci-dessous), appartient encore au répertoire stylistique des années 50 qu'Yves Saint Laurent quittera en même temps que la maison en 1960.


 

Cette exposition aborde également l'oeuvre de Balenciaga. Grand couturier espagnol, il contribuera à transformer la silhouette féminine grâce au style classique et épuré et sa ligne dite « tonneau », au volume s'évasant dans le dos et autour de la taille. Ses tailleurs aux coutures révolutionnaires sont uniques et ses robes du soir à la fois simples et fastueuses. Les réalisations de celui qu'on surnomme « l'homme invisible de la mode » ne souffrent aucune improvisation ni concession. Cristobal Balenciaga s'installe à Paris dès 1937, et présente ses collections dans des salons aux murs blancs et nus de l'Avenue Marceau. Le modèle porté par Rita Hayworth (ci-dessous en photo) lors des courses hippiques d'Ascott, en 1950, fera date : en sergé de laine, la veste et la jupe sont issues de la collection Printemps-Eté 1950 du couturier. L'ensemble est sobre, la ligne fuselée. Seuls dix boutons égaient le tout, donnant au tailleur un profil ailé. Balenciaga, dont les règles de conduite sont la maitrise et la technique, de style Directoire et Empire, s'illustre aussi dans ce modèle de robe de cocktail (collection printemps-été 1958) en taffetas, baptisée « Baby Doll » (deuxième photo ci-dessous), et dix ans avant la fermeture de sa maison. De forme très simple, cette robe surprend toutefois par ses proportions, avec son encolure ras-du-cou sur le devant, l'absence de manches, son ampleur disproportionnée et ses nombreux plis répartis vers le bas. Le taffetas souple et fin révèle le corps avec subtilité, malgré l'impression de volume. Son caractère original annonce les courants réformateurs et simplificateurs des années 60.

Le visiteur pourra bien sûr admirer certains modèles de Mademoiselle Chanel. Celle-ci s'insurge quant à elle contre la domination stylistique de ces couturiers mâles. Née à Saumur en 1883, elle sera successivement créatrice de mode, modiste et grande couturière. Déjà a contre-courant en tant que modiste, elle s'illustrera d'abord en confectionnant des petits chapeaux originaux posés très bas sur le front. Puis créera une nouvelle silhouette en libérant le corps de la femme et en abandonnant la taille. Cela aboutit à des vêtements simples et pratiques, dont l'esthétique s'inspirera d'une vie dynamique et sportive jouant avec les codes féminins/masculins. Elle effectue son retour en 1954, avec une collection boudée dans un premier temps, puis acclamée grâce à son célèbre tailleur. Cette collection pour silhouettes androgynes, avec des robes qui gagnent en simplicité, annoncera les bouleversements de la prochaine décennie. La même année, Jean Cocteau salue le retour de Chanel sur la scène de la mode, celle qui inaugura sa maison en qualité de modiste en 1909 avant de lancer sa petite robe noire en 1926.


 

Les années cinquante seront décisives pour la haute couture française, qui, fragilisée par la crise de 1929 et la guerre, renaitra pour devenir éternelle. On se souvient encore des grandes maisons parisiennes mythiques qui font partie du patrimoine national : Jacques Heim, Chanel, Schiaparelli, Balenciaga, et Jacques Fath pour les plus anciennes. Pierre Balmain, Christian Dior,, Jacques Griffe, Hubert de Givenchy, et Pierre Cardin pour les plus récentes de l'époque. Le renom de cette mode française repose autant sur le prestige de ces noms associés au luxe, à l'élégance et à l'innovation que sur la capacité de la profession à se convertir au révolutionnaire prêt-à-porter. Ainsi, dès 1950, « Les Couturiers Associés » (Jacques Fath, Robert Piguet, Paquin, Carven et Jean Dessès) fonderont-ils la première société spécialisée dans la diffusion sous licence de prêt-à-porter de couturiers.

L'exposition présente aux visiteurs quelques 100 modèles et accessoires issus des collections du Palais Galliera ou griffés des plus célèbres couturiers parfois tombés dans l'oubli. On assiste ainsi à l'évolution de la silhouette de 1947 à 1957, entre la naissance du New Look, la disparition de Christian Dior et l'avènement d' Yves Saint Laurent.

Podiums et cimaises de couleur grise ponctuent le parcours thématique de cette exposition. L'architecture des éléments rappelle le modernisme des années 50 et met en valeur les silhouettes exposées. Le salon d'honneur est souligné par un long ruban mural mettant en scène la garde-robe de jour, tandis que la grande galerie regroupe les robes du soir au sein de quatre îlots disposés en enfilade, et que maillots de bain et lingerie sont présentés au public comme des tableaux sur les murs.

 

Parmi les anciennes maisons parisiennes, on trouve Jacques Fath. Celui-ci offrira une mode légère et joyeuse, pleine de fantaisie, n'hésitant pas à se mettre lui-même en scène. Il remodèle alors ce corps féminin idéalisé et allonge la silhouette, exagérant le galbe des hanches et de la poitrine. Il ose mettre de la couleur donnant de la joie de vivre à ses modèles. De nouveaux talents et de nouveaux visages le rejoignent. La robe du soir (ci-dessous) créée vers 1950, illustre parfaitement le savoir-faire novateur du couturier : tuiles de fibres artificielles, mousseline de soie, satin de soie brodé de lames métalliques, perles de verre, de résine et grains de maïs.

Jacques s’illustre dans la haute couture à partir de l'entreprise familiale de fourrures dont il a hérité, en fondant un département haute couture dès 1925, puis un département «Heim Jeune Fille » en 1936. Discret, Jacques Heim introduit dans la mode l'usage de tissus jusque là méprisés (coton), tout en utilisant avec parcimonie broderies et effets qui lui permettront d'attirer une clientèle plus jeune.


 

L'exposition offre aussi d'admirer les modèles de la maison Carven, née dans un appartement Rond-Point des Champs-Elysées en 1944. Madame Carven eut, à l'époque, l'idée originale de s'adresser à une clientèle d'élégantes plus petites et plus menues que la moyenne, et devint rapidement la couturière des jeunes filles en utilisant des matériaux plus modestes comme le lin ou le coton. Plus tard associée à Dessès, Paquin, Fath, et Piguet, la maison Carven distribuera plusieurs modèles à prix abordables dans des magasins de province, préfigurant ainsi l'aventure du prêt-à-porter.

La maison Givenchy, également représentée, offre des robes de soie simples, jeunes et joyeuses dédiées aux petits pois, aux ananas, aux raisins...autant de fruits gourmands sur l'étal d'un marché. Les fleurs en tout genre ne sont pas en reste, sans oublier les thèmes animaliers dans des couleurs franches et acidulées.

Quant à Pierre Cardin, il est apprécié pour ses vêtements futuristes avec lesquels il inventa les décennies des années 60 et 70. Il se consacrera entre autre à la création de tailleurs et de manteaux avec un talent certain. Pierre Cardin fait assurément partie de cette généalogie de couturiers qui savent dessiner, couper et coudre. Incarnant la jeune génération de créateurs de mode dès 1958, en fera l'héritier des années 50 en tant qu'artisan de la rupture stylistique grâce à sa connaissance technique.

Madame Grès, elle, s'illustrera dès les années 30 et 40 par ses savants drapés finement déployés sur ses robes du soir et de jour. Son œuvre sera peu reconnue durant les années 50 et 60 mais demeurera malgré tout comme le résultat d'un artisan de robes singulières par rapport à celles de ses contemporains.

Pierre Balmain s'inspirera largement quant à lui du siècle des Lumières, retrouvant le faste des satins, des taffetas et des velours décorés de rubans et de mignardises. Il ouvrit sa maison en 1945 et restera fidèle à l'influence des robes de cocktail et des robes du soir. Taillées sur des silhouettes toutes en courbe, elles sont l'image de la féminité alors transmises par les magazines de mode. Le succès du couturier se construisit sur une approche de la mode où la fantaisie est alors considérée avec retenue. A partir de l'automne-hiver 1952-53, ses collections porteront l'appellation « Jolie Madame », appellation due au succès du parfum du même nom.

Jean Dessès, couturier de nationalité grecque, crée sa maison de couture en 1937. Il sculptera des robes du soir drapées en mousseline, largement plissées.

Hermès adoptera quant à lui une démarche différente des autres couturiers : au lieu de s'inspirer de l'imprimé pour créer la robe, il proposera une robe unique dont la coupe commandera le dessin. L'impression de celle-ci, sur fond clair, semblera un trait de fusain (ou de la gouache, sur fond sombre). Cet effet trompeur conférera à la robe un caractère exclusif, tantôt en gabardine de coton, en popeline, en soie sauvage, accompagnée d'une ceinture, et dans toutes les teintes.

Terminons ce tour d'horizon des créateurs avec Lanvin-Castillo. Jeanne Lanvin, disparue en 1946 à l'âge de 79 ans, laisse 1500 ouvrières orphelines qui travaillaient activement aux prochaines collections. Quatre ans plus tard, Antonio Canovas de Castillo, couturier d'origine espagnole rejoindra la maison Lanvin et en prendra la direction artistique. Il dessinera toutes ses collections jusqu’en 1963, s'attachant à réveiller les couleurs et les broderies tant appréciées par Jeanne Lanvin, et recherchant l'épure dans la coupe sobre et parfois austère. Il laissera par contre apparaitre son goût pour les couleurs franches et les motifs placés.

 

 

INFOS PRATIQUES :


  • Exposition « Les Années 50, La Mode en France 1947-1957 », jusqu'au 2 novembre 2014, au Palais Galliera, 10 avenue Pierre 1er de Serbie à Paris (16è). Tel : 01 56 52 86 00. Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h (nocturne le jeudi jusqu'à 21h). Tarif : 8€. Site internet :http://www.palaisgalliera.paris.fr/

  • Plusieurs activités pour le jeune public sont organisées à l'occasion de cette exposition : ateliers, contes en famille, visites.

  • Les années 50 au cinéma, jusqu'au 31 octobre 2014 (informations pratiques au Cinéma Le Grand Action, 5, rue des Ecoles, Paris 5è. Tel : 01 43 54 47 62. Site internet : http://www.legrandaction.com/

  • Merci au service Presse du Palais Galliera pour son aide








 



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