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L'Inquisition espagnole
(Cordoue, Andalousie, Espagne)
Heure locale


Dimanche 23 novembre 2014

 

Tout, tout , tout, vous saurez tout (ou presque) sur l'Inquisition espagnole à l'issue de cette article. A Cordoue, se trouve la Galerie de l'Inquisition, qui présente l'histoire de celle-ci mais surtout une riche collection d'instruments de torture de l'époque dont je vous ferai la description, photos à l'appui, dans la deuxième partie.

L'Inquisition espagnole, surnommée aussi le Tribunal du Saint Office de l'Inquisition fut une juridiction ecclésiastique instaurée en Espagne en 1478, avant la fin de la Reconquista. Elle est le résultat d'une bulle pontificale (document juridique) du Pape Sixte IV, à la demande des Rois catholiques. Elle fut conçue à l'origine pour maintenir l'orthodoxie catholique dans leurs royaumes, mais il existait déjà d'autres inquisitions ailleurs en Europe depuis le XIII ème siècle. L'Inquisition espagnole élargit le champ de ses justiciables aux musulmans, protestants, aux sectes..., réprima également les actes qui ne respectaient pas la stricte orthodoxie comme le blasphème, la fornication, la bigamie ou la pédérastie, entre autre, et combattit les pratiques judaïsantes. Dépendant de la couronne, laquelle nommera les premiers inquisiteurs à partir de 1480, son pouvoir juridique était absolu pour juger et pour condamner. Elle sera définitivement abolie en 1834.

La reconquête de la péninsule ibérique par les chrétiens espagnols permit la construction d'une identité nationale basée sur la foi catholique. Les nouveaux chrétiens (juifs et musulmans convertis au catholicisme) faisaient quant à eux l'objet de persécutions depuis le début du XIV ème. L'accès à certaines fonctions publiques leur était interdit, les Juifs convertis étant particulièrement visés car on les suspectait de manque de sincérité et de pratique du judaïsme en secret. De leur côté, les évêques réclamaient aux souverains de démontrer la vigueur de leur engagement en pourchassant ces nouveaux chrétiens, les ambassadeurs espagnols à Rome réclamèrent l'Inquisition. Les premiers inquisiteurs espagnols furent Miguel de Morillo et Juan de San Martin, et exerceront leurs fonctions à Séville, suite à une tentation d'insurrection des nouveaux chrétiens. Dès le départ, six personnes y seront brûlées vives. Le ton est donné. Humiliations et persécutions sont cependant loin d'être désintéressées puisque lors de la confiscation de biens (qui frappent non seulement les personnes jugées coupables mais également leurs familles), le Saint-Office perçoit une part de plus en plus élevée (jusqu'à 80% de la valeur des biens saisis).

Deux ans plus tard, interviennent des changements dans le mode de nomination des inquisiteurs, changements institués par la bulle du 31 janvier 1482 : de nouveaux postes sont créés, dont celui de Torquemada, de l'ordre des Dominicains. En 1483, on créera le Conseil de l'Inquisition Suprême et Générale, dont l'Inquisiteur Général était le président de plein droit. Torquemada sera le premier à occuper cette nouvelle fonction pour la Castille, puis l'Aragon la même année, et pour la Catalogne en 1486, poste qu'il conservera quinze années durant. Ce Grand Inquisiteur, représentant du Pape, avait la haute main sur l'ensemble des tribunaux inquisitoriaux et pouvait déléguer ses pouvoirs à des inquisiteurs choisis par lui. De 1483 à 1498, Tomas de Torquemada donnera à l'Inquisition espagnole une importance sans précédent. Connu pour son austérité, sa dévotion et son érudition, cet homme deviendra le confesseur de la reine Isabelle de Castille et du roi Ferdinand II d'Aragon, bien qu'issu lui-même d'une famille de nouveaux chrétiens. Il refusera plus tard plusieurs postes honorifiques qui lui seront proposés, se contentant d'un poste de conseiller. Et fera preuve, jusqu'à sa mort en 1498, d'un zèle redoutable et d'une implacable détermination en tant qu’Inquisiteur général. Sous son autorité, près de 100000 cas seront examinés, et 2000 condamnations à mort prononcées. Il rédigera le « code de l'Inquisiteur » comportant 28 articles, qui sera promulgué en 1484. Et jouera un rôle décisif d'initiateur dans la Reconquista de l'Espagne musulmane ainsi que dans la persécution et l'expulsion des juifs de la péninsule ibérique.


 

La répression qui eut lieu entre 1480 et 1500, sous le règne de Torquemada fut si efficace qu'elle deviendra plus tard moins fructueuse. Cette situation conduira alors à des excès. Les successeurs de Torquemada seront, eux, plus modérés. L'Espagne voit la mise en place d'une structure de surveillance systématique et dé délation généralisée, non seulement à l'encontre des convertis, mais aussi de leurs descendants, et de tous les chrétiens d'ascendance juive, et baptisés en tant que « nouveaux chrétiens ». A partir de 1525, l'Inquisition s'intéresse aux Morisques (Maures pratiquant l'Islam en secret), puis aux protestants, et dès 1530, aux délits de bigamie, blasphème ou fornication. Plus tard, on interdira certains livres, avant de délivrer des certificats de « propreté du sang » aux personnes ne possédant pas d'ancêtre juif ou musulman. Ce certificat sera exigé pour accéder à l'armée, aux charges du Saint-Office, pour entrer à l'université ou pour se marier. L'Inquisition devient si puissante qu'elle développe autour d'elle l'institution des « Amis de l'Inquisition ». Cette puissance inquisitoriale fut rendue possible grâce à une pédagogie de la peur et le côté secret et impénétrable des procédures. A l'époque, les trois principales tortures employées furent la garrucha (estrapade avec une poulie, en photo ci-dessus, la victime étant attachée les mains derrière le dos, puis levée avant de la relâcher d'un coup, ce qui disloquait ses articulations et ses membres), la toca (supplice du garrot, sur la deuxième photo ci-dessus, infligé à la victime en resserrant progressivement un collier de fer sur la gorge, l'étouffant à petit feu) et surtout le potro (entonnoir de tissu couvrant bouche et nez, qui asphyxiait le torturé quand on lui versait des cruches d'eau sur la tête). Persécutés, les Marranes (Juifs d'Espagne convertis au catholicisme) partiront aux Amériques, mais l'Inquisition, s'y étant aussi implantée, les pourchassera. D'autres fuiront vers la France (Bordeaux). Les protestants, eux, se rendront en Hollande et en Angleterre. Ces nouveaux chrétiens s'installeront même dans des pays musulmans où ils bénéficieront du statut de dhimmis. En Turquie, ils joueront un rôle déterminant auprès de Soliman le Magnifique dans la lutte contre les royaumes chrétiens.

C'est sous Napoléon 1er que prendra fin, officiellement, l'Inquisition espagnole, en 1808. Avant d'être rétablie six ans plus tard. Sa dernière victime sera un instituteur déiste de Valence, qui sera pendu le 26 juillet 1826. C'est la reine Marie-Christine qui l'abolira définitivement en 1834, tout comme les certificats de propreté du sang en 1865. Il est difficile, voire impossible d'avancer un chiffre exact des victimes occasionnées par l'Inquisition espagnole. Juan Antonio Llorente , dans son ouvrage « Histoire critique de l'Inquisition d'Espagne », donnera le chiffre de 39671 condamnations à mort, tandis que Gustav Henningsen, historien danois, estimera que sur 50 000 procédures inquisitoriales, entre 1560 et 1700, 1% des accusés sera exécuté.


 

Examinons maintenant un certain nombre d'instruments de torture, alors en usage, et désormais visibles dans l'exposition de la Galerie de l'Inquisition. Le bâillon (en photo ci-dessus) était destiné à empêcher les victimes de crier afin de ne pas déranger les bourreaux. Une boite de fer située à l'intérieur de l'anneau était introduite dans la bouche et la chaine du bâillon était attachée à la nuque. Seul un trou laissait passer l'air. Les condamnés au bûcher portaient aussi ce bâillon pendant la lecture des autodafés, afin qu'ils ne perturbent pas les chants sacrés. Certains modèles de baillons possédaient même des lames intérieures perforant la langue et le palais. Cet instrument fut surtout utilisé au XVI ème siècle.


 

La chaise d'interrogatoire (ci-dessus) était équipée de pointes métalliques. Un mécanisme immobilisait la victime au niveau du thorax, des poignets et des jambes. Certaines chaises étaient aussi recouvertes de plaques de fer qu'on faisait chauffer en introduisant du charbon brûlant sous l'assise du siège. Ces chaises furent utilisées en Europe entre 1700 et 1800.


 

L'usage des cages (ci-dessus) étaient en vigueur durant l’Inquisition espagnole. Après la torture, on y introduisait la victime nue ou pratiquement nue. Puis on suspendait la cage (de bois ou de fer, selon les cas) sur les façades des bâtiments municipaux, des Palais de Justice, des cathédrales ou sur les poteaux de croisement des chemins. Il n'était pas rare d'observer toute une rangée de cages alignée au même endroit. Les prisonniers restaient ainsi confrontés aux brûlures du soleil en été, ou au froid en hiver, mais aussi à la faim et à la soif. Lorsqu'ils mouraient, on laissait leurs dépouilles dans les cages jusqu'au détachement des os, pour servir de pâture aux oiseaux, et d'exemple à la population. Ces cages seront d'abord utilisées à Venise puis dans les villes d'Europe, jusqu'à la fin du XVIII ème.


 

Le chevalet de torture (ci-dessus) fut l'instrument le plus souvent sollicité et le plus célèbre, de 1500 à 1700. On attachait l'extrémité des membres du prisonnier avec des cordes à une roue ou à un châssis. Puis on tirait sur les membre du pauvre bougre jusqu'à déchirer ses muscles. Les épaules, puis les genoux les coudes et les hanches étaient disloquées, laissant la personne définitivement handicapée. La mort survenait généralement par perte des fonctions vitales les heures (ou les jours) qui suivaient. On mesurait la résistance de la personne en comptant le nombre de tours de roue avant que le corps ne soit démembré.


 

La fourche de l'hérétique (ci-dessus) était quant à elle mise à contribution pour obtenir des confessions : composée de quatre pointes aiguës qui s'enfonçaient dans la chair, cette fourche se plaçait en-dessous du menton et au-dessus du sternum. Elle empêchait les mouvements de la tête, laissant tout juste le torturé murmurer ses confessions. S'il refusait d'avouer, il était brûlé sur le bûcher.

Un petit mot sur le supplice du garrot dont on peut observer la photographie plus haut et dont nous avons déjà parlé. On attachait la victime et on lui fixait un collier de fer à la gorge, collier qu'on resserrait petit à petit jusqu'à provoquer l’asphyxie de la personne. Plus tard, l'Espagne rajouta un poinçon d'acier manipulable par un mécanisme à vis situé derrière le poteau, c'est à dire dans le dos de la victime. Celui-ci détruisait alors la moelle épinière. L'instrument fut principalement utilisé de 1800 à 1975 (y compris sous le règne du Général Franco).


 

Les ivrognes, un peu trop portés sur la bouteille, avaient aussi leur châtiment : le pilori-tonneau (en photo ci-dessus). Il existait deux types de pilori. Le pilori ouvert (l'ivrogne le portait en public, souffrant à la fois des douleurs provoquées par le poids, mais également de ridicule) et le pilori fermé (on introduisait la victime dans le tonneau qu'on remplissait d'urine, d'eau pourrie ou de fumier). Cet instrument fut très populaire en Autriche entre 1500 et 1800.


 

La roue (ci-dessus) est un instrument ancien. On attachait le corps du prisonnier dessus, puis on la tournait. Il arrivait aussi qu'on la tourne au-dessus d'un bûcher, avec la victime dessus bien sûr pour la brûler vive. Il y en avait de plusieurs types et de plusieurs tailles. La roue fut utilisée à partir du Moyen âge et jusqu'en 1700.

un petit mot sur la poulie (déjà suggérée plus haut dans cet article), très populaire du temps de l'Inquisition : la victime, les mains liées derrière le dos, était attachée à une corde au niveau des mains, ou pire, par les pieds. On levait la victime puis on la laissait retomber violemment sur le sol, ce qui provoquait la dislocation des épaules, des coudes et des poignets.


 

Le violon des commères (ci-dessus) était destinée aux femmes à la « langue malfaisante». Son but était d'humilier et d'emprisonner la personne. Ce système sera utilisé entre 1600 et 1800, y compris aux Etats-Unis, du temps de l'esclavage.


 

La Vierge de Nuremberg (ci-dessus) comportait dans sa partie interne, des pointes métalliques qui pénétraient dans le corps lorsqu'on refermait le sarcophage. La mort intervenait après une longue agonie, suite aux blessures occasionnées par ces pointes, dont la longueur était réglable depuis l'extérieur.


 

Le berceau de Judas (en photo ci-dessus) était, quant à lui, utilisé pour obtenir des confessions. On attachait les poignets de la victime puis on levait le corps au-dessus d'un tabouret pointu avant de le laisser retomber soudainement, provoquant la déchirure des organes génitaux, de l'anus ou de l'utérus.


 

La chaise de putréfaction (ci-dessus) consistait à y attacher le prisonnier nu, pour lui faire endurer les douloureuses pointes métalliques. Sa torture durait de quelques heures à... la mort de la personne parfois. A côté de cette chaise se trouvaient les cadavres de deux pendus en état de putréfaction (d'où le nom de cette chaise), histoire de faire réfléchir le prisonnier.

Autre torture : le supplice de la goutte d'eau. Le sujet était maintenu plié, les mains, les genoux et les pieds entravés, Une fois immobilisé, on faisait tomber une goutte d'eau sur le front du prisonnier toutes les cinq secondes, provoquant chez lui, au bout de quelques heures, une douleur au niveau de la peau. Cette torture psychologique faisait plonger le sujet dans la folie (faute de sommeil) et la mort survenait généralement par arrêt cardiaque.


 

La photo ci-dessus se suffit à elle-même. Le supplice de la scie était principalement infligé aux homosexuels (hommes et femmes). On attachait la victime la tête en bas (l'apport du sang vers le cerveau prolongeait la conscience) puis on la sciait en son milieu. La victime restait consciente jusqu'à ce que la scie atteigne le nombril, voire la poitrine. Cette instrument fut utilisé des XV è au XVIII è siècles.

Le bourreau, lui, était celui qui était chargé d'appliquer la justice, en exécutant les peines corporelles et les tortures (ci-dessous)

Le brise-genoux (ci-dessous) était destiné à détruire les articulations (genoux, coudes, poignets ou chevilles) en provoquant de terribles douleurs et dans tous les cas, des dégâts irréversibles. Il fut utilisé en Europe de 1600 à 1800.


 

La ceinture de Saint Erasme (ci-dessous) était passée autour du corps du prisonnier et provoquait des blessures à chaque mouvement de respiration. Les blessures provoquaient à leur tour infection, putréfaction ou gangrène. Il arrivait que le bourreau ajoute des vers carnassiers sur les plaies ouvertes afin d'accélérer le rongement de l'estomac. Cette torture était utilisée en Europe de 1500 à 1800.

 

 

Terminons ce tour d'horizon non exhaustif par la poire d'angoisse (ci-dessous) : insérée dans la bouche, l'anus ou le vagin, on la déployait à son maximum grâce à une vis à écartement jusqu’à provoquer une blessure par déchirement de la gorge, de l'anus ou de l'utérus, à cause des pointes situées à l'extrémité de cette poire. Cette torture était utilisée contre les femmes coupables de relations sexuelles avec un de ses familiers, contre les homosexuels passifs, ou contre les hérétiques (utilisation orale de la poire) accusés de tendances anti-orthodoxes. Ce modèle fut utilisé de 1575 à 1700.

 

INFOS PRATIQUES :

 

  • Galerie de l’Inquisition, Calle Manriquez, 1, à Cordoue. Tél:(+34) 957 474 508. Ouvert tous les jours de 10h30 à 20h30. Entrée : 3€. Prise de photographies possible sans flash. Informations en espagnol, anglais, français, allemand et italien. Exposition d'instruments de torture dans six salles. Petite boutique proposant des instruments de torture miniatures (photo ci-dessous).Site internet :http://galeriadelainquisicion.com/










 



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