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Exposition "Glamour,Mode des Années 30"
(Musée du Costume et de la Dentelle, Bruxelles, Belgique)
Heure locale


Mardi 2 décembre 2014

 

De passage à Bruxelles (Belgique), je m'arrête aujourd'hui au Musée du Costume et de la Dentelle qui présente une passionnante exposition sur le Glamour des années 30, à découvrir jusqu'au 1er février 2015. L'exposition se tient sur deux niveaux et présente plusieurs vitrines : le jour, de la tête aux pieds, Garden-Party, Week-end, Mariée, Le Soir, sans oublier les indispensables accessoires. Comment ne pas trouver des similitudes avec ce que nous vivons actuellement en Europe ? Pour chacun d'entre nous, les années trente furent synonymes de famines, d'une crise économique sans précédent avec le fameux krach boursier de 1929, de la montée des extrémismes, des guerres et des tensions internationales et de la hausse du chômage... pour finalement déboucher sur le déclenchement de la Seconde guerre mondiale.

Alors que l'avenir s'assombrit, les tenues frivoles des années folles vont laisser place à un vêtement plus classique, mais discrètement élégant. La robe devient moulante et redessine les silhouettes ultra féminines. Les femmes devront, pour se glisser dans ces tenues, adopter le port du corset qui revient sous la forme d'une gaine faisant glisser la taille jusqu'aux hanches. Elles porteront également le soutien-gorge qui mettra leurs seins en valeur.

L'exposition présente la garde-robe féminine de cette époque. On y voit les tenues intérieures côtoyer les tailleurs pour l'après-midi, les vêtements de sport ou bien les robes du soir pourvues d'impressionnants décolletés dans le dos. Toutes les pièces présentées sont sophistiquées par leur coupe mais aussi par leurs détails, comme ces fermetures apparentes qui ressemblent à des boutons ouvragés. Ces robes sont la propriété du Musée et la plupart d'entre elles furent portées et sont le fruit de dons. Certaines comme les robes de Madeleine Vionnet ou de Coco Chanel, sont de véritables petits bijoux. C'est Nicolas Wolt, styliste bruxellois rétro-fashion, qui s'est vu confier le soin de créer une silhouette qui lui ressemble, inspirée de la coupe en biais chère aux années trente. Nicolas est bruxellois. Dès l'âge de 17 ans, il part s'établir à Casablanca pour y étudier la mode, puis poursuivra ses études à Paris. Lauréat du 1er prix, remis par Paco Rabanne, il entrera en stage chez Chloé, Issey Miyake puis chez Thierry Mugler qui l'engagera. Trois ans plus tard, il décide de revenir s'installer à Bruxelles et travaille dans une petite boutique de fripes où il restaurera des vêtements anciens, datant du milieu du XIX ème aux années 1940. C'est là qu'il analysera de près différentes méthodes de coupe, dont le biais, qui marquera son futur travail. Et d'ouvrir en 1997 sa boutique-atelier rue Antoine Dansaert, tout près de la boutique Stijl, dans un quartier en plein développement.


 

Cette mode des années trente passe souvent inaperçue, coincée entre la crise économique de l'époque et le krach boursier de 1929. Il est vrai que la décennie précédente avait été marquée par une aspiration nouvelle à la liberté et à la joie de vivre. Elle connut une grande effervescence intellectuelle et culturelle et une remise en cause des valeurs d'avant la guerre 1914-1918. Créativité et exubérance furent de mise avec cette mode garçonne née de l'émancipation des femmes et d'une revendication pour l'égalité des sexes. Le nom de cette mode provint d'ailleurs des écrits de J.-K Huysmans en 1880 avant d'être popularisé grâce au succès du roman de Victor Margueritte, La Garçonne, paru en 1922. Et c'est à Paris qu'émergera ce look garçonne, sous l'impulsion de Coco Chanel en particulier. L'allure garçonne se caractérise alors par une silhouette androgyne et longiligne où la poitrine et la taille ne sont plus marquées , et par le port des cheveux courts. Les jambes sont aussi, pour la première fois, découvertes jusqu'au genou. La mode des Années trente, elle, va faire de la femme un être plus discret dans un luxe non ostentatoire et en phase avec les années de crise. Femme qui voit ainsi ses formes mises en valeur par des coupes savantes et des tissus employés de biais s'ajustant au corps. On crée pour elle des sous-vêtements adaptés qui sculptent sa silhouette élancée. Ses cheveux sont plus longs, ondulent et offrent plus de volume. Cette nouvelle coiffure est souvent complétée par le port d'un petit chapeau posé de manière asymétrique. Ce nouveau code vestimentaire féminin se révèle très compliqué et devient plus complexe selon l'échelle sociale d'appartenance. La femme mondaine, riche et oisive, choisit ses tenues selon les moments de la journée et ses occupations du moment. La liste de toilettes est longue et l'on éprouve parfois des difficultés à en dresser une typologie exacte : robe d'intérieur, robe du matin, tailleur de jour ou du soir, robe de déjeuner, robe d'après-midi, robe de garden-party, robe de gala, de casino, de bal, de petit soir, de grand soir... Les femmes, quelque soit leur condition, rêvent de s'habiller comme Marlène Dietrich, Greta Garbo ou Jean Harlow, ces stars du cinéma d'Hollywood qui portent des robes à couper le souffle. Glamour et sophistication deviennent alors les maitres mots de cette décennie.


 

Madeleine Vionnet ouvre sa propre maison de couture en 1912. Elle a préalablement travaillé pour les sœurs Callot, puis pour Doucet, et est en partie responsable du rejet du corset et de l'apparition de la coupe en biais, qui permettra de libérer le corps de la femme tout en magnifiant ses formes. Pour créer ses modèles, elle utilise alors un mannequin de bois articulé. Elle s'en servira pour mettre au point, puis ajuster ses robes caractérisées par leur perfection, leur beauté, leur souplesse et leur légèreté. Madeleine Vionnet s'impliquera par ailleurs dans la lutte contre les copies, qu'elle considérait comme du vol pur et simple et du plagiat servile. Jusqu'en 1939, date de son départ, elle fera travailler environ 1200 ouvrières au sein de divers ateliers de sa maison de couture avec des conditions de travail avant-gardistes pour l'époque.

L'élégante robe en mousseline de soie rose poudre présentée ci-dessus est l'une des réalisation de notre couturière. En réalité, il s'agit là d'une robe culotte, recouverte d'une dentelle mécanique appliquée sur tulle de soie, de lacets de velours de soie pour la fermeture et bas de jupe renforcé par un bandeau en crin noir avec une sous robe en crêpe de Chine. Le tissu, coupé en ¾ de cercle, est ramené devant pour s'enrouler autour des jambes, en laissant l'arrière se déployer en un seul tenant comme une jupe. Huit mètres de tissus divers comme la mousseline, de la dentelle et du crin, furent nécessaires pour réaliser ce magnifique modèle. A noter que le motif géométrique de la dentelle est disposé graduellement du corsage vers le bas de la jupe (ce savoir-faire est une des caractéristiques des robes de Madeleine Vionnet). Ce modèle luxueux est à rapprocher de la vogue des pyjamas d'intérieur initiée dès les années vingt.


 

Bien que d'origine modeste, Gabrielle Chanel suivra une formation de modiste avant d'ouvrir son salon en 1911.Elle est déjà accoutumée aux rythmes saisonniers du beau monde lorsqu'elle propose, deux ans plus tard, des vêtements simples et sportifs à Deauville. En 1915, elle deviendra célèbre grâce à ses robes raccourcies, qui se portent sans corset et sont coupées dans le jersey. Son train de vie libre et ses allures de garçonnes la distingueront également des autres. C'est en 1926, que « Coco » impose sa petite et indémodable robe noire. Durant les années trente, ses robes épurées et pratiques conserveront leur cote mais Gabrielle Chanel s'affirmera également comme une virtuose de la robe du soir faite de dentelle, de tulle et d'organdi. Et d'occuper une place forte de la haute couture parisienne, avec ses 4000 ouvrières, avant que sa maison ne ferme en 1939, pour rouvrir en 1954.

Sa robe du soir 1930-31 (ci-dessus en photo) offre une griffe tissée marron sur gros grain crème. Son fourreau est entièrement fait de paillettes nacrées brodées sur tulle. Le décolleté est profond dans le dos et soutenu par un jeu de bretelles étroites. La jupe est formée de deux panneaux qui s'ouvrent sur une petite fente arrondie devant et formant une petite traine à l'arrière.

La Maison Hirsch fut quant à elle fondée en 1869 par Léo Hirsch et son épouse Yohanna Freudenberg. Elle s'installera en 1873 rue Neuve, puis Galerie du Commerce où elle poursuivra son essor. Elle est alors spécialisée dans le commerce de luxe pour dames et enfants (nouveautés-gros-détail, soieries, velours, lainages, draperies, costumes, confections, fourrures et châles). On y trouve aussi de la lingerie, des parfums et des chapeaux. La Maison Hirsch employait 300 personnes en 1947 , dont les deux tiers assuraient la fabrication des marchandises dans les ateliers et un tiers s'occupait de la vente. Elle fermera ses portes en 1962. Le modèle de robe du soir (ci-dessus) présenté ici fut créé par la Maison Hirsch vers 1930-1935. La coupe asymétrique de la robe est faite d'incrustations de pans taillés en biais. Elle comporte des petites manches papillon, un décolleté bénitier, une ceinture incrustée formant un nœud sur la hanche gauche, tandis qu'une garniture de strass maintient un nœud sur l'épaule droite. Le modèle offre aussi une jupe en forme, et une petite cape courte, bordée d'un rucher taillé dans le même tissu. Le velours est solide, confortable et luxueux, et demeure une étoffe prisée qu'il soit en soie, en rayonne ou en coton. Coupé en biais, il donne un rendu surprenant. Les petites capes asymétriques assorties à ces deux modèles qui soulignent la taille ajustée reste un must de cette décennie. Cette exposition offre également d'admirer cette robe de nuit (photo ci-dessous), qui date des années 1930-1935, et est faite de taffetas de soie rose poudre. Il s'agit d'une longue robe en forme taillée de biais avec décolletés en pointe devant et derrière, bordés de dentelle mécanique crème. Les épaules sont couvertes par un petit volant bordé de la même façon. On observe un travail de points clairs disposés en losange sur le devant et chiffres brodés sur le sein gauche MR. Les différents panneaux qui constituent la jupe sont également assemblés aux points clairs. Une ceinture à nouer est assortie au modèle. On pourra enfin découvrir cette robe d'été pour fillette, taille 3-4ans des années trente (deuxième photo ci-dessous). Les années 30 annoncent la différenciation sexuelle qui s'affirme dans les vêtements, à l'exception des bébés dont la layette reste unisexe. Il faudra attendre les années 50 pour que les couleurs rose et bleu soient respectivement employées pour les filles et les garçons. Cette mode enfantine jusqu'à 10-12 ans répond à ses propres besoins et est différente de celle des adultes. On dispose alors de vêtements pratiques et adaptés aux diverses circonstances de la vie. Les filles portent généralement une robe au genou et à la taille haute afin de garantir la liberté de mouvement. Les garçons, eux, portent des pantalons mi-longs dérivés de la culotte de golf, ces fameux pantalons rendus célèbres par Tintin. Le tricot a la cote pour les petits, mais aussi pour les pulls et gilets des plus grands. La maille est souple et, là encore, s 'adapte aux mouvements du corps. Ces jeunes gens ont tendance à copier les adultes dans leur tenue vestimentaire


 

Le Musée du Costume et de la Dentelle de Bruxelles occupe une place prestigieuse dans la scène mode bruxelloise. Il commencera d'abord par proposer ses Leçons de Mode, qui sont toujours d'actualité, puis, trois fois par an, des conférences autour d'un sujet d'actualité mode. La création textile contemporaine est aussi représentée avec des expositions de temps à autre. Les collections présentées sont constituées à partir de dons privés ou d'achats en vente publique qui permettent de conserver le patrimoine textile mais aussi de compléter les collections afin de proposer une exposition sur une thématique particulière. Lors de votre prochain passage en Belgique, faites-vous plaisir et faites un détour par ce musée !

 

INFOS PRATIQUES :


  • Musée du Costume et de la Dentelle, Rue de la Violette, 12, à Bruxelles. Tél:(+32) (0)2 213 44 50. Ouvert du mardi au dimanche, de 10h00 à 17h00. Entrée : 4€. Site internet : http://www.museeducostumeetdeladentelle.be/fr/accueil/

  • Exposition « Glamour 30's Fashion Expo », jusqu'au 1er février 2015.

  • Un grand merci à Vinciane Godfrind, attaché de presse, pour son aide.

  • Les photos présentées dans cet article m'ont été prêtées par le Musée du Costume et de la Dentelle. D'autres photos, réalisées par moi, sont disponibles en haut, à droite de cet article.

 

 

 








 



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