Revoir le globe
Top


Exposition "La Santé au Moyen-Âge"
(Tour Jean sans Peur, Paris, France)
Heure locale


Mardi 30 décembre 2014

 

Comment se soignait-on au Moyen-Âge ? C'est à cette question que Le musée de La Tour Jean sans Peur se propose de répondre à travers sa dernière exposition « La santé au Moyen-Âge ». A l'époque médiévale, on définit la bonne santé par l'équilibre entre quatre qualités : le chaud, le froid, le sec et l'humide. La combinaison de ces quatre facteurs donnent naissance à quatre humeurs, le sang, le flegme, la bile et la mélancolie. Ainsi le sang est-il chaud et humide. Notion toujours d'actualité puisque l'OMS définit de nos jours la santé sous le terme d'homéostasie, soit « l'équilibre entre l’homme, toutes ses composantes et son milieu ». Au Moyen-Âge, la maladie est le résultat d'un déséquilibre entre les humeurs. Pour remédier à cela, on dispose alors de la chirurgie (entre autre, les saignées) qui est supposée supprimer les superfluités et les excès d'humeurs dans le corps. Le médecin ne soigne pas seulement le malade mais intervient à titre préventif, en prescrivant à ses patients des régimes diététiques. Cette notion préventive nous vient de la médecine arabe des IXè-XIè siècles. En France, l'essor des connaissances médicales s'illustre d'abord à partir du X ème siècle, au travers de l'apparition des écoles de médecine de Chartres, de Laon, Reims, ou Paris... Ces connaissances vont se diffuser entre les XIIIè et XVè siècles par le biais de traités de médecine rédigés en français (et non en latin), langue plus accessible à tous. L'église quant à elle, sert alors d'intermédiaire en intégrant des métaphores lors de ses sermons. Ainsi y apprend t-on qu'il faut bouillir l'eau et le lait avant de le donner aux enfants.

 

Le médecin utilise donc la théorie des humeurs pour soigner ses patients : ainsi le camphre, réputé chaud, soigne t-il les maux de nature froide. Le praticien s'appuie également sur le principes des « signatures », un concept développé au XVIè siècle qui considère que la partie souffrante du corps humain peut être soignée par la plante, la pierre ou l'animal possédant une forme ou une couleur comparable. Un exemple : les noyaux de cerise valent contre la gravelle grâce à son analogie par la forme. Les plantes jaunes, grande centaurée, millepertuis ou linaire sont, elles, censées soigner la jaunisse (à cause de son analogie par la couleur). Nous parlions il y a quelques instants du rôle de l'église dans la médecine. Celle-ci s'immisce dans l'univers médical à tous niveaux, car les religions opèrent au nom de Dieu. Les malades se soignent en se signant tandis que le personnel soignant est tenu d'intervenir auprès du malade comme s'il était le Christ en personne. Cette interaction entre religion et médecine donnent lieu à des noms de plantes à consonance religieuse : Palama Dei, Alleluya, ou œil du Christ (graine de sauge censée éclaircir la vue). Les médecins utilisent aussi charmes et incantations, traitant leurs patients en fonction des conjonctures astrologiques, à l'aide de bijoux de santé ou de talismans-animaux (un cœur de vautour séché fera office de contrepoison lorsqu'il est cousu dans une ceinture de cuir, et le serpent est quant à lui utilisé pour soigner divers maux car il est symbole de sagesse et sait faire peau neuve).

Les médecins s'approprient dans le même temps les fonctions des organes et le rôle des nerfs dans la diffusion des cinq sens, mais aussi le nombre de veines, qui sont distinguées des artères. Dans le but d'améliorer la connaissance de l'anatomie, on pratique la dissection sur le porc et même sur le corps humain. Et les praticiens d'aller jusqu'à tester les médicaments sur eux-mêmes. Ou bien sur des animaux qui seront plus tard disséqués. Les pauvres servent également de cobayes, tout comme Henri de Mondeville, alors chirurgien du roi Philippe le Bel. Médecins et chirurgiens connaissent bien le nombre d'os du corps humain, et savent identifier les organes mais conçoivent le fonctionnement de ces derniers de façon métaphorique. Ainsi le foie agit-il comme un alambic, et l'estomac comme un chaudron qui cuit les aliments. L'âme, est de son côté comparée à une araignée vigilante postée au cœur de sa toile, c'est à dire au centre du corps. Il y a déjà de l'idée...

 

Au Moyen-Âge, on pense que que les maladies sont diffusées par voie aérienne, et donc par les odeurs. En temps de peste, on ferme les fenêtres et on procède à des fumigations de plantes aromatiques dans les maisons et sur les vêtements. On boit aussi autant que possible de l'eau purifiée, bouillie ou distillée. A partir du XIIIè siècle, le nombre de praticiens augmente. Une ville de 4000 habitants accueille couramment 5 à 8 médecins, dont certains reçoivent les malades à leur domicile tandis que d'autres sont itinérants. A la même époque, l'apparition de l'Université distingue les deux fonctions de chirurgien (traitement des abcès et des plaies) et de médecin (soins des maux internes), entrainant souvent des rivalités. Plus tard, seuls les clercs auront le droit d'exercer en tant que médecin. Quant aux femmes, elles n'ont pas accès à l'Université et perdent le droit d'exercer en tant que praticien, tout en conservant néanmoins un rôle en gynécologie ou comme préparatrice chez les apothicaires. Devenir médecin suppose de détenir un doctorat obtenu à l'Université. Le chirurgien passe son examen devant ses pairs, tandis que l'apothicaire suit une formation de deux années et possède des ouvrages de référence comme l'Antidotaire Nicolas ou le Livre des Simples Médecines. Cela suppose qu'il sache lire. Afin de se protéger d'éventuelles plaintes, certains praticiens passent des contrats avec leurs patients, comme ces clauses imposant aux familles de renoncer à toute vengeance en cas de décès au cours d'une opération chirurgicale dont le pronostic est défavorable. En cas d'erreur, l'enquête est confiée à des confrères jurés. Le consommateur est, de la même façon, protégé. Il y a interdiction pour le médecin de s'associer à un apothicaire ou de détenir un dépôt de médicaments. Mais dispose par contre de la responsabilité de vérifier le travail des chirurgiens, parfois accusés d'élargir les plaies pour augmenter leurs honoraires. Le praticien vérifiera également la conformité des produits délivrés par les apothicaires, délivrera des certificats médicaux, procédera aux autopsies en cas de mort suspecte et dénoncera les blessures dues à des rixes. Quant aux établissements hospitaliers, ils apparaissent dans les grandes villes sous la forme d'hôtels-Dieu (encore une allusion à la religion!) de cent à 600 lits. Il y a aussi des hôpitaux (de 20 à 80 lits) ou des maisons-Dieu (de 4 à 20 lits). Mais tous ces établissements ne disposent pas des mêmes ressources : ceux fondés par des laïcs, à partir de XIIè siècle sont de véritables palais où les malades sont traités comme des princes alors que les hôpitaux, qui dépendent de l'Eglise et sont fondés dès l'époque mérovingienne, vivent seulement d'aumônes et des revenus de leurs patrimoines financiers, accueillent les pauvres et les personnes désargentées tout en abritant les pèlerins. On trouve dans tous ces établissements un personnel féminin, les enfermières.

 

Au Moyen-Âge, toute souffrance ou tout accident sont considérés comme maladie. On peut ainsi être malade d'une chute, d'un accouchement ou...de vieillesse. Cette dernière est divisée en plusieurs phases, dont la décrépitude et la sénilité, aux symptômes ressemblant aux maladies de Parkinson ou d'Alzheimer. Les maladies les plus courantes de l'époque sont la lèpre, la peste, le mal des ardents (c'est à dire les douleurs nerveuses puis perte des extrémités des membres à cause de l'ingestion d'un champignon parasite, l'ergot de seigle), la rougeole, la variole, la coqueluche, l'hydropisie, ou la goutte (répandue dans les classes aisées à cause d'une alimentation riche en protéines). On relève également cancers et allergies, dont le « rhume des roses » lié au pollen des fleurs, les dermatoses, les ulcérations, l'asthme, les rhumes et les angines. Les Français connaissent enfin la gale et la teigne à cause du manque d'hygiène. Contre coups et blessures, gerçures, piqûres et morsures, existe toute une pharmacopée : gomme de prunier pour le dégonflement des lèvres, aristoloche contre les échardes, et poireau haché contre les piqûres de serpent. Les maladies professionnelles touchent également de nombreux artisans, tout particulièrement en ville, d'où la création d'un système de secours mutuel, qui permet la prise en charge des frais médicaux par leur confrérie. Ce système préfigure déjà l'arrivée de la sécurité sociale. Côté consultation, le médecin soumet son patient à un entretien au cours duquel ce dernier décline son identité, sa profession et son âge. L'examen inclut parfois l'uroscopie (avec observation de la couleur de l'urine, de ses résidus, voire de son goût). Plus de vingt nuances sont identifiables , qui indiquent la nature chaude ou froide de la maladie. A cela se rajoute l'examen du sang, des selles et des crachats (pour les phtisiques!). Le praticien dispose d'un vaste arsenal lui permettant de soigner le client sur place, incluant pansements et clystères pour effectuer les lavements, suppositoires végétaux, collyres et sangsues. On se sert également d'animaux, de chiens, de souris, de chauve-souris, vivants ou morts, pour capter la maladie du patient par transfert, s'ils sont placés sur les parties malades. Le médecin fonde ses prescriptions sur deux types de médicaments, les simples et les composés. Les médicaments simples comprend les ingrédients issus directement des règnes animal (viande d'autruche pour soigner l'épilepsie, toiles d'araignée utilisées comme pansements homéostatiques), minéral (de l'argile pour soigner la gangrène) ou végétal (noix de muscade en cas de vomissements). Les médicaments composés comprennent des compositions savantes contenant des ingrédients plus ou moins dangereux (comme le mercure contre la gale) sous la forme de pilules (gouttelettes de sucre cuites au vinaigre contre les fièvres aiguës), parfois édulcorées avec du miel puis administrées sous la langue ou dans une bouchée de pain. Il arrive au médecin de prescrire des pansements végétaux (emplâtre de coing cuit contre les ulcères), des bains de santé, des fumigations (à base de châtaignier, qui profite à la santé du cerveau) et même des onguents à base d'excréments (par exemple, de brebis, pour combattre les enflures...). On calcule les doses à l'aide d'une balance pour les épices et les produits toxiques, en s'aidant parfois d'unités monétaires (un écu de pilules contre la peste), ou bien en utilisant des unités végétales (comme par exemple le poids d'un grain de vesce), ou encore animales (une coquille d'oeuf), voire humaines (une pincée de poudre).

 

Les opérations chirurgicales ont lieu sur une table ou sur un banc muni de sangles et d'anneaux pour maintenir le patient. La durée de l'opération est décomptée en nombre de prières (on utilise par exemple le miserere pour la cataracte).C'est au chirurgien qu'il revient de pratiquer la saignée, mais aussi la trépanation, l'amputation des membres, la résection des hémorroïdes, l'extraction dentaire ou bien la trachéotomie. Il se sert alors d'instruments en or ou en argent pour cautériser les plaies, en fer ou en acier pour les incisions. Le sparadrap ou « épargne-draps » sert à tamponner le sang pendant les interventions. Ce pansement, une fois mêlé à de la résine, de la cire ou de la graisse autorise la cicatrisation des plaies ou empêche la contamination par la puanteur. Pour réveiller le patient à l'issue d'une intervention, on utilise du vinaigre introduit dans les narines. Pour les soins post-chirurgicaux, il existe de nombreuses recettes pour cicatriser, nettoyer les plaies ou concevoir les pansements. La plaie est souvent lavée au vin, puis saupoudrée de produits cicatrisants puis recouverte de blanc d'oeuf avant d'être pansée. Ces pansements sont conçus à partir de chanvre (pour les plaies et ulcères) ou de lin (pour les scrofules). On les utilise croisés afin de faciliter la circulation veineuse ou encore fourrés de végétaux pour amoindrir la douleur ou pour permettre une meilleure cicatrisation. La laine sert quant à elle à enduire la peau de divers produits tandis que le coton d'Alexandrie convient parfaitement aux soins gynécologiques et de proctologie. Pour traiter la gangrène, le chirurgien introduit dans la plaie des asticots qui se nourrissent des chairs mortes.

Cette santé moyenâgeuse, basée sur la théorie des humeurs ou sur le principe des signatures, n'empêcha pas l'utilisation de certains actes bénéfiques pour le patient. On constate aujourd'hui que les principes actifs contenus dans la plupart des fleurs jaunes aident bel et bien à combattre les maladies du foie. De même, le fait d'utiliser des aiguilles en fer, préalablement passées au feu, donc assainies, étaient appropriées pour intervenir sur une tumeur de nature froide. Malgré les nombreuses caricatures du monde médical du Moyen-âge, souvent dépeints sous la forme de singes, cochons apothicaires ou lapins médecins, on doit reconnaître que certaines des pratiques d'alors n'en demeuraient pas moins d'une certaine modernité. Et il n'était pas rare de voir le médecin assurer à son patient un suivi psychologique, sous la forme de musique ou de poésie, pour entre autre, compenser le caractère inéluctable de la souffrance ou de la mort. Autant de découvertes visibles lors de cette exposition fort enrichissante, qui se tient ) Paris jusqu'au 5 avril 2015.

INFOS PRATIQUES :

 

  • Exposition «La santé au Moyen-Age », jusqu'au 5 avril 2015, de 13h30 à 18h00 du mercredi au dimanche, à la Tour Jean Sans Peur, 20 rue Etienne Marcel à Paris 2è. Tel : 01 40 26 20 28. Accès : Métro Etienne Marcel. Entrée : 5€. Site internet : http://www.tourjeansanspeur.com

  • Merci à La Tour Jean sans Peur pour sa collaboration et son sympathique accueil.

 









Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile