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Le Grand Pardon de Sainte Anne d'Auray
(Sainte Anne d'Auray, Morbihan, France)
Heure locale


Dimanche 26 juillet 2015

 

Je ne me suis jamais rendu à Sainte Anne d'Auray, mais ai déjà participé à un pardon breton, celui de Saint Yves. J'étais alors enfant et n'en ai gardé qu'un souvenir diffus. De passage en Bretagne ces jours-ci, me voici donc à Sainte Anne d'Auray, connue précisément pour son pèlerinage catholique. L'endroit n'était jadis qu'un simple hameau d'une quarantaine d'habitations situé dans la paroisse de Pluneret, et s'appelait le village d'Anne. On y vient depuis 1625 pour commémorer l'apparition de sainte Anne, grand-mère présumée de Jésus-Christ, à Yves Nicolazic. C'est ainsi qu'est célébré ce pardon le 26 juillet de chaque année, événement qui rassemble généralement plus de 800 000 pèlerins.

Mère de la Vierge Marie, le personnage de Saint Anne reste toutefois légendaire, et fut empruntée à l'Ancien Testament et calquée sur l'histoire de son homonyme, Hanna, mère de Samuel, prophète et dernier juge d'Israël. Et la dévotion à Sainte Anne, limitée longtemps à quelques sanctuaires, de se répandre dans le monde catholique à partir du XIV ème siècle grâce à la propagation des récits de la Légende dorée (ouvrage en latin de Jacques de Voragine, dominicain et archevêque de Gênes, racontant la vie de près de 150 saints ou groupes de saints et martyrs chrétiens).

Akar et Emérencie, les parents de Sainte Anne, appartiennent alors à la tribu des Lévi, et donnent naissance à Anne vers 55 avant J.C. A neuf ans, la petite Anne part avec ses parents pour Jérusalem où son père devient responsable du Temple. C'est là qu'elle rencontrera son époux, Joachim, éleveur de troupeaux. Le couple se mariera mais ne parviendra pas à avoir des enfants vingt années durant. Et Joachim, désespéré, de se retirer dans le désert. C'est là qu'un ange lui annoncera la venue d'une enfant, Marie, laquelle sera conduite au temple de Jérusalem pour y être éduquée par le grand prêtre Zacharie.


 

En Armorique, le culte de Sainte Anne ne remonte pas au-delà du XII ème siècle mais reste très populaire chez les Bretons. En Bretagne, Sainte Anne est d'ailleurs surnommée Mamm gozh ar Vretoned, la grand-mère des Bretons. Plusieurs légendes la rattachent à cette région : une première légende la décrit comme originaire de Plonévez-Porzay. Dans un autre récit, Anne est mariée à un seigneur cruel qui lui interdit d'avoir des enfants, et Anne d'être chassée du château de Moellen lorsqu'elle tombe enceinte. Sainte Anne et son enfant, Marie errent alors jusqu'à la plage de Tréfuntec où un ange l'attend, près d'une barque qui l'emmènera jusqu'en Galilée. Anne rentrera alors en Bretagne pour y finir sa vie dans la prière et distribuera ses biens aux pauvres.

Un autre récit évoque l'apparition d'Anne à un paysan, Yves Nicolazic, en 1624, près d'Auray (Morbihan). Anne lui aurait demandé de bâtir une chapelle en son honneur. Dans la nuit du 7 mars 1625, Yves Nicolazic, guidé par un flambeau, aurait déterré une statue identifiée comme la représentation de la sainte, quelques temps avant que l'évêque de Vannes n'autorise finalement la construction de la chapelle qui deviendra basilique. Le pardon qui s'y déroule depuis chaque année reste le plus important de Bretagne, et le 3ème lieu de pèlerinage en France, après Lourdes et Lisieux. Même le Pape Jean Paul II viendra prier Sainte Anne dans son sanctuaire le 20 septembre 1996, restant ainsi le premier Pape à fouler le sol breton.


 

L'affluence au grand pardon de Sainte Anne d'Auray est telle que la chapelle deviendra trop petite. On éleva alors une basilique. « Mort ou vivant, à Sainte Anne une fois doit aller tout Breton » : la citation est d'Auguste Brizeux, et n'est pas anodine. C'est sans doute elle qui me conduit aujourd’hui dans les pas d'Yves Nicolazic. Au commencement, un simple oratoire de genêts fut aménagé sur le lieu de la découverte de la fameuse statue enterrée, avant que ne soit posée la première pierre de la petite chapelle, le 26 juillet 1625. Trois années plus tard, cette dernière recevra la bénédiction solennelle de l'official de Vannes et deviendra ainsi lieu de pèlerinage, dont les pères capucins auront d'abord la charge, avant de transférer cette tâche aux pères carmes, lesquels s 'installeront à Ker Anna, l'actuelle Sainte Anne d'Auray. Ce sont eux qui promouvront activement le pèlerinage, bâtissant ainsi un couvent et un cloitre attenant à la chapelle. La croix aux épingles, au centre de la cour, rappelle la tradition pour les jeunes filles du pays qui souhaitaient à l'époque trouver un mari de planter des épingles au pied de la croix pour voir leurs vœux exaucés. Les pères carmes enregistreront les miracles dus à la sainte (1300 d'entre eux seront consignés pour la seule période 1625-1684). La Scala Santa (Saint escalier) dont on dit que les personnes qui le gravissent à genoux avec les dispositions requises, en priant ou en méditant, gagnent plusieurs années d'indulgences (liées non pas aux versements d'offrandes mais aux pratiques de dévotion) pour chacune des marches montées, fut alors construit par les Carmes en 1662 devant le porche de la chapelle afin de faciliter le déroulement des cérémonies religieuses. Et l'escalier de se voir accorder, par le Pape Pie IX, en 1870, les indulgences attachées à la Scala Santa de Rome. Infatigables, les pères Carmes érigeront en 1898 la fontaine de Ker Anna, fontaine miraculeuse (où Nicolazic eut sa première vision en août 1623) grâce aux faveurs de guérison et aux vrais miracles obtenus à cet endroit par des pèlerins. Il s'agit d'une fontaine monumentale encaissée dans des blocs de pierre de taille et un enclos. Un haut piédestal de granit se dresse au-dessus de trois vasques et supporte la statue de Sainte Anne avec la Vierge Marie qui accueille les pèlerins. La Révolution française verra le saccage de la chapelle, avant que le concordat de 1801 ne la rende légalement au culte. Deux ans plus tard, cette chapelle ainsi que le couvent des Carmes seront rachetés par l'évêché de Vannes. La chapelle sera détruite en 1865 pour édifier à sa place une église plus vaste. Entre temps, l'arrivée du chemin de fer avait favorisé l’accès de l'endroit aux pèlerins et la chapelle était devenue trop exigüe.


 

La basilique actuelle fut bâtie dans le style néogothique par l'architecte Edouard Deperthes, de 1866 à 1872. Ce nouvel édifice sera élevé au rang de basilique mineure en 1874, avant d'être consacré en 1877. A la suite de la visite du Pape Jean Paul II, un espace du même nom a depuis été aménagé à l'extérieur de la basilique.

Parmi les aspects remarquables de cette basilique, on note les deux niches à dais, œuvres du sculpteur Alexandre Falguière. Placées au-dessus des portes latérales de la façade principale, ces niches représentent le pénitent Pierre le Gouvello de Keriolet et Yves Nicolazic habillé en paysan breton. Les tombeaux des deux hommes se trouvent sous le palier d'autels situé au fond de la basilique. L'église, construite en granit de Vannes, a la forme d'une croix latine. Elle dispose de trois nefs dont les voûtes sont à compartiments et à cinq clefs pendantes, avec de légères peintures sur les arceaux. Une clôture sculptée entoure quant à elle le choeur de l'église. On peut y apercevoir les armoiries papales accompagnées de l'inscription latine Sainte Anne, priez pour nous. L'avant-choeur, lui, possède les statues de saint Joachim et de saint Joseph tandis que le retable du maitre-autel est orné d'un retable en bronze doré et des quatre Evangélistes avec leurs attributs.

Le clocher de la basilique abrite cinq cloches : les quatre plus grosses cloches furent fabriquées en 1873 par les ateliers Havard de Villedieu-les-Poêles (j'ai rédigé il y a quelques années un article sur cette société, lors de mon passage dans le département de la Manche) et le bourdon, de donner le la bémol grave du diapason. La cinquième cloche, elle, provint des ateliers Paccard d'Annecy en 1965. Quant à la flèche octogonale de 75 mètres, elle est coiffée de la statue de Sainte Anne, depuis 1976.

Les chapelles latérales de la basilique sont dédiées à Saint Yves et à Saint Pierre, à Saint Jean-Baptiste, à Sainte Elizabeth, au Sacré-Coeur, à la Sainte Vierge, à Sainte Anne et à l'archiconfrérie de Sainte Anne. Il est bon de rappeler que les pèlerins qui baisent le pied de la statue en bronze de Saint Pierre qui se trouve à l'entrée de l'église bénéficieront d'une indulgence de quarante jours pour cet acte religieux. A l'intérieur de l'église, se trouvent quatre à cinq mille plaques de marbre, ex-voto qui s'affichent sur les murs de la basilique et sur ceux du cloitre. Une salle du trésor recèle également des milliers d'objets comme du mobilier liturgique, des ex-voto de prestigieux mécènes ou des offrandes diverses parmi les plus inattendues (couronne de mariée, stylo ou diplôme pour remercier d'un succès à un examen...). Cette basilique fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis le 29 octobre 1975.

 

Cette année, le grand pardon de Sainte Anne d'Auray se déroula sous une pluie battante et sous la présidence de Monseigneur Paul Bui Van Doc, Archevêque de Saïgon (Hô Chi Minh Ville, Vietnam). Les festivités avaient débuté le samedi 25 juillet à 15h00 par le chapelet suivi des vêpres. Puis, une conférence se tint deux heures plus tard avec, pour thème les Chrétiens persécutés dans le monde. La messe qui eut lieu à partir de 18h30, fut suivie par la traditionnelle veillée comportant le récit des apparitions, une procession aux flambeaux et le Salut du saint Sacrement, avant que ne débute la nuit d'adoration. Le lendemain dimanche, une première messe se tint à 7h30, avant le départ de la procession vers 10h45, procession qui précéda la messe pontificale, un quart d'heure plus tard. Les vêpres pontificales prirent place en milieu d'après midi avant une dernière messe à 18h30.

Forme typiquement bretonne de pèlerinage, le pardon reste l'une des manifestations les plus traditionnelles de la foi populaire en Bretagne. Il puise ses origines anciennes dans l'évangélisation du pays par les moines celtes, dès le V ème siècle, et s'apparente aux parades de la saint Patrick en Irlande. Le pardon s'inscrit dans une démarche pénitentielle, à avoir que les Chrétiens se rendent en pèlerinage soit sur la tombe d'un saint, soit en un lieu qui lui est dédié ou en raison d'une apparition, comme ici, à Sainte Anne d'Auray. Le déplacement, sous forme de procession, montre le désir de se mettre en marche pour obtenir de Sainte Anne qu'elle intercède pour ses pèlerins en lui accordant le pardon. Ce pardon de Sainte Anne d'Auray est appelé Grand Pardon simplement en raison de son importance : on compte en effet chaque année la présence de plusieurs dizaines de milliers de pèlerins à cet événement qui fête également la patronne de la Bretagne. Durant ces deux journées de fête dédiées à Sainte Anne, la foule pria et se recueillit dès l'appel du bourdon pour les premières vêpres de Sainte Anne, le samedi après-midi. Ce même jour, en soirée, la veillée, lors de la procession aux flambeaux, fut l'occasion d'évoquer les première marches à la lumière où Yves Nicolazic et les hommes du village de Ker Anna suivirent jadis le flambeau de la sainte. Le deuxième jour du pardon fut alors le triomphe de celle-ci, offrant aux pèlerins la possibilité de solliciter leur réconciliation dans le sacrement de pénitence après la procession (avec, en tête, la statue de Madame sainte Anne, pour la messe solennelle qui fut célébrée au Mémorial). La fête s'acheva après la prière mariale et les vêpres pontificales, au son joyeux de la bombarde qui s'illustra devant les pèlerins rassemblés sur le parvis de la basilique.

 

INFOS PRATIQUES :

 


  • Le Grand Pardon de Sainte Anne d'Auray se tient, chaque année, durant deux jours et tous les 26 juillet. Site internet : http://www.sainteanne-sanctuaire.com/?mode=grand_pardon

  • Basilique Sainte Anne, 9 rue de Vannes, à Sainte-Anne d'Auray. Tél : 02 97 57 68 80. Ouverte tous les jours de 7h30 à 20h00. Site internet : http://www.sainteanne-sanctuaire.com/

  • Office de tourisme, 1 rue de Vannes, Sainte-Anne d'Auray. Tél : 02 97 24 34 94. Site internet : http://www.auray-tourisme.com/home/nos-villes-et-villages/sainte-anne-d-auray.aspx

  • Inutile d'adresser un courriel à la paroisse, car celle-ci ne répond pas.

  • Pour celles et ceux qui s'intéressent aux pèlerinages bretons, Bernard Rio vient de publier le livre Sur les chemins des pardons et pèlerinages de Bretagne (Le Passeur éditeur), en photo ci-dessous. Cet ouvrage figure dans la rubrique Livres du site.

  • L'ouvrage d'Anne Brassié, « Sainte Anne de Jérusalem à Auray » (chez Artège) apporte également un regard enrichissante sur cette sainte dont le culte se propagea à travers le monde après sa mort. A ne pas manquer !

  • Exposition « Sainte Anne d'Auray, Histoire d'un sanctuaire en pays breton », jusqu'au 1er novembre 2015, dans la galerie du Cloitre, à Sainte Anne d'Auray. Entrée libre

  • Musée de cire de l'Historial, reconstitution des apparitions de Sainte Anne, 6, rue de Vannes à Sainte Anne d'Auray. Tél : 02 97 57 64 05. Site internet : http://www.musee-de-cire.com/

     

 

 

 






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