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Exposition "Crinolines & Cie"
(Musée du Costume et de la Dentelle, Bruxelles, Belgique)
Heure locale

Mardi 22 septembre 2015

 

Le musée du Costume et de la Dentelle présente actuellement et jusqu'en avril 2016, une exposition sur les crinolines. Une façon de rapprocher l'histoire du vêtement de 1850 à 1890 de celle du portrait photographique de la même époque, deux médiums déterminants dans la construction de l'individu et de son image. La bourgeoisie urbaine d'alors domine le XIX è siècle et dicte sa loi, en imposant sa morale et ses valeurs. Pour elle, l'apparence est primordiale car elle lui permet de conforter sa place dans la société. Le vêtement va ainsi changer, ne servant plus de marqueur d'origine sociale comme sous l'Ancien Régime, mais témoignant de l'opulence et des moyens financiers de la personne qui le porte. Consciente qu'elle n'est pas une classe mais bien une position, cette bourgeoisie va donc faire régulièrement évoluer les codes du paraître. Et le vêtement apparaît comme le plus visible de tous. La mode, qui était restée jusque là stable, va connaître une accélération impressionnante. Et corsets et crinolines de tyranniser les femmes tout en dessinant des silhouettes jamais vues. Dans le même temps, cette époque va permettre de démocratiser le vêtement grâce à l'industrialisation de la production textile, l'essor des grands magasins et une diffusion croissante de la presse féminine, permettant ainsi à toutes les catégories bourgeoises de s'habiller comme l'élite élégante et de participer sans honte à l'espace public. Cette mode se veut un juste reflet du temps, tout comme d'ailleurs le portrait-carte de visite inventé en 1854 par André Disdéri. Cette petite photographie montée individuellement sur un carton est l'occasion d'affirmer sa position sociale en se mettant en scène.


 

Sous-vêtement du XIX è siècle, la crinoline fut d'abord une étoffe formée d'une trame de crin de cheval d'où elle tire son nom, et d'une chaine de fil de lin, ou parfois de coton, avant de devenir une structure métallique plus solide et plus ample autorisant les jupons rigides. Elle apparut pour la première fois dans les années 1830, sous la forme de jupons que l'on mettait sous la jupe pour lui donner plus d'ampleur. Les vingt-cinq années suivantes donneront du volume aux jupes par l'ajout d'autres jupons, souvent empesés, ou garnis de volants et de rangs de corde. Au début des années 1850, une femme de la haute société pouvait porter jusqu'à sept jupons sous sa robe, en plus de la crinoline, rendant ainsi la marche difficile. Pour remédier à la lourdeur de cet ensemble, on se mit à fabriquer des jupons renforcés par des cerceaux de baleine ou d'osier. C'est ainsi que la crinoline cage fit son apparition en 1854, formée de cerceaux baleines ou de lames d'acier flexibles, reliés entre eux par des bandes de tissus et attachés à une ceinture qui reprit à son compte le nom de crinoline. Cette crinoline-là sera immédiatement produite en Angleterre et en France. Durant ces années cinquante, la silhouette féminine s'arrondit. Le corset est alors en pointe et les manches sont élargies au niveau des coudes. Les cheveux sont coiffés en chignon bas et une capote enserre la tête. L'élégante porte des robes à longues jupes rondes. Et empile jusqu'à huit ou dix jupons. Le premier est de laine en hiver et de percale en été, tandis que le dernier est plus orné. Une fois ces jupons noués avec patience, on ajoute parfois un bourrelet au niveau des hanches. A titre d'exemple, la robe d'après-midi deux pièces de 1856 (ci-dessous) est faite de taffetas de soie moiré façonné violet à motifs de pastilles. Elle comporte un corsage baleiné en pointe devant et dans le dos, fermé par dix boutons. Son encolure est ronde, ses manches longues et collantes, coupées en forme et fendues au poignet, bordées d'un ruban de soie plissé. La jupe est ronde à plis plats. En 1856, le chimiste anglais William Perkin découvre un peu par hasard les colorants à base d 'aniline et met au point une teinture brevetée sous le nom de violet aniline ou mauvéine. Et les manufacturiers textiles de s'approprier vite son procédé. Chimistes français et anglais se livreront à cette époque une bataille de brevets dont les teintures artificielles, aux noms d'ailleurs souvent évocateurs, sortiront gagnantes.


 

Les années 1860 laissent place à la silhouette projetée : la crinoline s’aplatit sur le devant et se développe tout en longueur vers l'arrière. C'est en 1865 que cette crinoline elliptique atteindra son ampleur maximum. On voit alors apparaitre des manches étroites, ajustées et coupées en forme, en reproduisant l'angle du coude. En 1866, les jupes se font moins amples, non plus froncées ou plissées à la taille mais composées de panneaux en triangle ou en trapèze, tandis que les crinolines adoptaient la forme d'un cône. Bel exemple présenté dans l'exposition, voici ci-dessous une robe à transformation à deux-pièces et boléro assorti de 1865, faite en soie pékinée de bandes d'ottoman noir et de satin à motifs de tartan (bleu nattier, vert, noir, jaune, rouge et blanc). Le boléro est bordé d'une corde en passementerie aux tons assortis formant des boucles et des pampilles. La même corde orne les emmanchures et le bas des manches. La jupe comporte une crinoline projetée et son bas est bordé d'un galon de velours de soie.


 

Sur la fin des années 1860, on commença à relever la jupe en draperies sur l'arrière. Pour supporter le volume de celle-ci, on eut alors recours à la tournure. Ce vêtement de dessous était placé sous le jupon et attaché juste en-dessous de la taille, soutenant ainsi l'ensemble des jupons, jupes et draperies du dessus. Cette tournure était également constituée d'un réseau de baleines métalliques horizontales, soutenues par des bandes verticales, mais ne soutenait plus que l'arrière. Moins évasée en cloche, elle donnera à l'arrière-jupe un aspect caractéristique qui soulignera les reins et justifiera, par ses rembourrages, le terme familier de faux cul. On utilisera aussi les termes de pouf (drapé de nœuds formé par la robe au-dessus de la tournure), de queue d'écrevisse ou de strapontin, qui seront autant de variantes de la fameuse tournure. Ces soutiens structureront la silhouette des dames jusqu'à ce que disparaissent presque complètement ces pastiches. La toilette de diner (1876) en photo ci-dessous représente ce qui se faisait alors. Cette robe d'une seule pièce est formée de différents lés de tissu disposés en un seul tenant, de l'épaule au bas de la jupe, sans couture horizontale à la taille. C'est ce qu'on appelle la ligne princesse, qui allonge la silhouette. Elle comporte un corsage à large décolleté devant et derrière, orné de dentelle, deux nœuds factices à l'avant et deux cocardes à l'arrière. Ce corsage est fermé par quatre boutons assortis devant. Les manches trois-quarts sont quant à elles ornées des mêmes garnitures. La jupe est en forme, fermée devant par un boutonnage caché par les deux premiers nœuds. On doit cette toilette de diner à Charles Frédérick Worth, anglais d'origine, qui ouvre sa maison de couture à Paris, en 1858. Il se présente comme un artiste ayant le pouvoir total sur sa création. Notre couturier signe ses robes en y apposant sa griffe, et propose des modèles personnalisables à l'envie. Et d'inventer ainsi la haute couture.


 

Les années 1880 seront le dernier souffle de la silhouette à armature. La jupe trainante tend désormais à disparaître au profit d'une longueur plus courte laissant entrevoir la bottine, désormais à talon de 4 à 5 cm. La traine restera cependant de mise pour les robes de bal, bien qu'elle fut raccourcie. Dès 1884, on abandonne les poufs drapés, mais la tournure reste encore proéminente avant de s’essouffler à son tour et de rendre à la silhouette son apparence naturelle. Les hanches ne seront plus dissimulées et la nouvelle jupe, plus collante, plus fourreau, de s'imposer peu à peu. Seul le corset survivra au début des années 1890. Adieu donc à la crinoline qui sera la cible préférée des caricaturistes (ci-dessous), et se développera tout particulièrement sous le Second Empire, car Napoléon III voulait alors relancer l'industrie textile française. Cette crinoline restera l'un des articles de mode les plus portés de l'histoire du costume, avec les jupons et les corsets.


 

De son côté, André Disdéri, photographe français, dépose le brevet de la photo-carte de visite en 1854. Il rendit ainsi possible la prise simultanée de plusieurs poses sur un même négatif lors d'une même séance de pose, et réduisit ainsi considérablement le coût de production de chaque photo. La photographie atteint déjà un certain degré de perfection, et l'image est nette, fixée et reproductible. Les portraits réalisés sont de petit format, généralement 6X9cm et le client choisit la photo qui lui plait et détermine ensuite le nombre de tirages souhaité. Après la découpe des planches, les portraits sont collés sur un carton au dos duquel est imprimé le nom du photographe. C'est François Deron, photographe bruxellois installé dans la rue de la Madeleine, qui introduira en Belgique le portrait-carte de visite. La capitale belge accueillera plusieurs photographes portraitistes de grand talent comme Jules Géruzet, ses deux fils, Albert et Alfred, ou encore Louis Ghémar. Ils signeront les portraits de personnages célèbres comme les bourgmestres de la ville de Bruxelles, Jules Anspach, Charles Buls, Gustave Courbet, Victor Hugo, sans compter des têtes couronnées. La bourgeoisie d'antan donnait décidément beaucoup de place à l'apparence.


 

INFOS PRATIQUES :

  • Exposition « Crinolines & Cie », jusqu'au 10 avril 2016, au Musée du Costume et de la Dentelle, rue de la Violette, 12, à Bruxelles. Tél : +32 2 213 44 50. Entrée : 4€ (gratuit le premier dimanche du mois). Ouvert du mardi au dimanche, de 10h00 à 17h00. Site internet : http://www.museeducostumeetdeladentelle.be

  • Conférence « Leçon de Mode N°10 » consacrée à l'influence de la crinoline chez les créateurs contemporains, par Lydia Kamitsis, professeur à la Sorbonne, le 22 octobre 2015

  • Journée de stage « Etre & Paraitre » le 3 novembre 2015, de 10h00 à 17h00 : visite-atelier de l'exposition « Crinolines & Cie » et des collections du Musée Fin de siècle.

  • Merci à Vinciane Godfrind (service Presse) pour sa précieuse collaboration.

 

 



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