Revoir le globe
Top


Sur la route du Mont Ida
(Ile de la Crète, Grèce)
Heure locale


Mardi 17 novembre 2015

 

Je sais que la journée va être longue car je pars aujourd'hui en montagne, pour me rendre au Mont Ida. Je ne crains pas tant l'altitude que la route sinueuse qui m'attend, mais c'est le prix à payer pour atteindre cet endroit symbolique situé sur un plateau, à environ 1400 mètres d'altitude. Cette belle escapade traverse des villages paisibles où les traditions de la Crète éternelle perdurent encore.On l'appelait jadis le massif du Psiloretis (appelé aussi le toit de la Crète), mont qui culmine à 2456 mètres, mais les noms sont ainsi. Ils vont et ils viennent. Désormais, cette vaste zone est appelée le Mont Ida (Idi signifie la forêt, ce qui laisse penser que cette région fut recouverte de forêts au temps de l'Antiquité) et occupe toute la partie sud-est du département de Rethymnon. Plus je grimpe et plus mon tableau de bord m'indique une chute de la température extérieure. Je passerai ainsi de 20° au niveau à 7° au Mont Ida. Monsieur Sterios, le patron de la taverne se trouvant au pied de la grotte me disait qu'ici la neige est fréquente en hiver, et qu'on atteint même les...cinq mètres par endroits ! Le village le plus proche du Mont est Anogia, situé à 750 mètres d'altitude. C'est de là que je suis parti pour me rendre au Mont Ida et il me faudra parcourir plus de vingt kilomètres avant d'atteindre ma destination. Heureusement, il fait beau, la route est relativement de bonne qualité mais il reste les virages. Quant aux panneaux routiers, je n'en verrai aucun durant mon trajet. Je ne compte pas davantage sur mon GPS car celui-ci s'est mis en tête de ne pas connaître le Mont Ida. C'est ainsi. Malgré les conditions de vie difficiles offertes jadis sur le plateau, les gens vivaient sur place, certains de pastoralisme, tandis que d'autres faisaient du fromage (chèvres et moutons sont nombreux dans cette zone désertique et j'en croiserai à deux reprises, le long de la route, d'où la nécessité d'adapter sa vitesse) durant la période vénitienne. Il existe plusieurs grottes (Stou Chaskonta, ston Vorino Vroulokampo...) dont celle à laquelle je me rends, la grotte d'Ida. On prétend que c'est à l'intérieur de cette grotte que naquit Zeus. Ce bébé, fils de Rhéa, aurait été élevé par la nymphe Ida, laquelle, s'étant écorchée le sein avec des ronciers, aurait depuis coloré les fruits du framboisier en rouge.

 

On est certain que le plateau montagneux était habité dans les temps anciens, car les grottes servaient de refuges naturels aux hommes d'alors, mais aussi de lieux de sépultures ou pour l'exécution de rites religieux. Cette présence fut avérée depuis la civilisation minoenne, et même au temps du néolithique tardif. Plus tard, du temps des romains, des constructions furent érigées dans la zone. On a retrouvé ainsi des restes d''un campement à Zominthos (à 1300 mètres d'altitude), des ruines qui dateraient de la période postpalatiale (1800 avant J .C), et qui témoigneraient d'une présence plus longue, 1600 ans avant J.C, et même pendant la civilisation mycénienne (1000 avant J.C). La grotte d'Ida (ci-dessus en photo) est la plus grande et la plus impressionnante du plateau. Lorsque j'arrive à son entrée, je trouve porte close. Visiter la Crète hors saison estivale, c'est prendre le risque de ne pas pouvoir profiter de bien des attractions, car le tourisme sur l île de la Crète n'est que saisonnier. Qu'à cela ne tienne, j'enjambe un petit muret et je me retrouve du bon côté pour me rendre à l'entrée de la fameuse grotte. L'endroit est associé au mythe de l'oiseau de Zeus (dont il me sera impossible de trouver l'explication). En effet, non seulement Zeus serait né dans cette cave mais il y serait aussi mort et enterré. D'où la forte symbolique de cet endroit, qui devint il y a très longtemps un lieu de pèlerinage. Une plaque d'argile y fut d’ailleurs découverte au XIX ème siècle, qui mentionnait le nom de Zeus, ce qui laisse penser que rites et cérémonies initiatiques ont du se tenir ici. C'est l'italien F.Halbherr qui entreprit les premières fouilles, mais les recherches les plus importantes eurent lieu de 1982 à 1986 grâce à Y et E.Sakellarakis. Ce qui explique la présence, encore actuellement, de rails et de wagonnets alors installés pour permettre de remonter les débris lors des recherches. On sait que la cave fut utilisée pour la première fois par l'homme à la fin de la période néolithique (3300-3000 avant J.C) afin d'en faire un refuge saisonnier. La présence humaine n'y sera pas systématique durant une période assez longue. Puis, des religieux vinrent s'y installer, certes, car on découvrit sur place de nombreux ossements d'animaux, du charbon de bois et des cendres faisant penser à des sacrifices. On retrouva aussi une double hache en bronze et une paire de cornes jadis utilisée lors des rites. Plus tard, pendant les périodes géométrique et archaïque, la présence de l'homme y devint plus fréquente et la présence de plusieurs objets en atteste : objets en bronze comme des vaisselles de diverses tailles, des objets d'artisanat, des figurines, des sceaux en ivoire, des bijoux, des colliers de pierres semi-précieuses (fabriqués à l'aide de matériaux de valeur importés d'Orient) ou bien des instruments de musique.


 

A partir de la période classique, le culte pratiqué dans la grotte d'Ida fut reconnu comme mystérieux. On retrouva ainsi une zone pavée qui servait aux sacrifices, tandis que des inscriptions témoignent de la présence d'une grande prêtrise, à qui les villes crétoises devaient offrirent des dons chaque année. Lors des périodes helléniste et romaine, la grotte demeura un important lieu de culte. Des lampes et des pièces de monnaie en attestent, d'autres objets de divination aussi. Et des pèlerinages de s'y dérouler jusqu'au règne de l'empereur Julien l'Apostat, avant que les rites ne disparaissent à la suite de l'apparition de la religion chrétienne.

 

Sur le chemin du retour, je fais une halte à Anogia, un bourg fort sympathique qui ne doit pas faire oublier qu'en 1944, il fit l'objet de représailles de la part de l'occupant allemand, des représailles comparables à ce qui se passa chez nous, à Oradour sur Glane. Anogia fut en effet incendié et les Allemands massacrèrent plusieurs dizaines d'habitants, tout cela parce que des résistants crétois avaient, quelques jours auparavant, enlevé le général allemand Heinrich Kreipe, provoquant des représailles immédiates, à savoir 80 personnes âgées arrêtées et déportées à Héraklion, neuf hommes exécutés, six femmes brûlées et le dynamitage de 800 maisons.Aujourd'hui, Anogia comporte deux parties, la ville haute (récente) et la ville basse (ancienne). Les visiteurs rapportent souvent des broderies fabriquées par les villageoises, mais s'arrêtent aussi devant la maison natale de l'enfant talentueux du pays, le musicIen Nikos Xylouris (en photo, ci-dessous, avec sur la droite, la sœur de Nikos). Cette minuscule maison d'une seule pièce fait désormais office de musée pour tous les admirateurs de celui qui fut un véritable héros national et qui disparut en 1980. Compositeur et chanteur crétois, Nikos Xylouris chanta sous le pseudonyme de Psaronikos, interprétant une musique et des chansons de résistance, écrites à l'époque du règne des colonels. Je fais une pause juste en face de la maison de Nikos, au café Mihalos, l'un des plus anciens cafés grecs (celui-ci existe depuis 150 ans!) désormais tenu par Helena qui me fera gouter son entremets fait maison.


 

A seulement quelques kilomètres de là, se trouve un autre petit village, Zoniana, célèbre pour sa grotte de Sfendoni (ci-dessous). Pas de chance et toujours pour la même raison, la dite grotte est fermée (puisqu'ouverte tous les jours en saison estivale) et je me trouve au pied du mur (c'est le cas de le dire!). La visite de l'endroit est pourtant intéressante, car la grotte aurait servi de refuge à un rebelle prénommé Sfendoni. On ne visite qu'une petite partie des 3500 m2 disponibles répartis sur 270 mètres de dénivelé, mais les savants éclairages qui mettent en valeur stalactites et stalagmites rend, parait-il, la visite inoubliable.


 

Axos n'est guère éloigné de Zoniana, et à la particularité de posséder...cinq églises ! La plus connue d'entre elles, s'appelle Agia Irini, et est minuscule (ci-dessous). Je n'aurai pas la chance d'en visiter l'intérieur cette fois. On m'avait pourtant dit de m'adresser au café situé à proximité du lieu de culte, mais la clef semble égarée pour l'instant. La petite église byzantine possède pourtant une très belle iconostase du XVIII ème siècle.

 

Ma dernière étape sera consacrée au monastère Agios Ioannis (ci-dessous) : ce monastère ne se trouve qu'à deux kilomètres d'une petite cité balnéaire, Bali. De ce lieu, la vue sur la mer de Crète et les montagnes environnantes est imprenable. Et je pourrai admirer des bâtiments en partie fortifiés, qui furent restaurés par les moines eux-mêmes en 1980. L'église est dotée d'un beau porche classique et conserve des traces de fresques du XVII è marquées par l'influence vénitienne. L'endroit est si calme que j'y ferai bien une retraite.


 

INFOS PRATIQUES :

  • Pour vous rendre à la grotte du Mont Ida : à la sortie d'Anogia, prendre la direction de Zominthos, puis rouler sur 22 kilomètres, tout droit, jusqu'à la fin de la route. La Taverne Nida se trouve sur un grand parking et vous offre le gite et le couvert en cas de besoin. Mr Stelios dispose de deux chambres (25€ la nuit avec petit déjeuner compris) et d'un restaurant. Par contre, il ne dispose pas d'accès internet sur place et ne peut être réglé qu'en argent liquide. Son tél : 6972 175014. La taverne est ouverte tous les jours de l'année (excepté les jours de fortes chutes de neige).
  • Café Mihalos, Place Anoya (en face de la maison natale du musicien Nikos Xylouris), à Anogia. Tél:28340 31396 (ce numéro sert aussi de code pour l'accès internet maison).Ouvert tous les jours de la semaine, de 8h00 à... cela dépend du monde qui s'y trouve !

  • Grotte de Sfendoni, à Zoniana. Tél : 28340 61869. Ouverte en été tous les jours de 10h00 à 17h00, et en hiver, les samedi et dimanche, de 10h30 à 14h30. Site internet :http://www.zoniana.gr/index_en.html

  • Monastère Agios Ioannis (près de Bali) : accès par la route nationale Réthymnon-Hérakion, en empruntant une minuscule route matérialisée par un panneau marron un kilomètre ou deux avant d'atteindre Bali. Grimper ensuite la petite route jusqu'au monastère qui est ouvert au public tous les jours (sauf le vendredi) de 9h00 à 12h00 et de 17h00 à 20h00. Entrée libre.



 



Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile