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Jean-Baptiste Charcot, l'Homme du froid
(Exposition "Quand Charcot gagnait le Sud", Maison de l'Amérique Latine, Paris, France)
Heure locale

 

Mercredi 17 août 2016

 

Jean-Baptiste Charcot, dont nous nous apprêtons à célébrer le 80è anniversaire de sa disparition, reste l'une des figures emblématiques de l'exploration polaire. Chef de deux expéditions en Antarctique, et de douze en Arctique, il fut un navigateur hors pair et un grand humaniste, reprenant le flambeau de Dumont d'Urville, pour le passer à Paul-Emile Victor, Jean Malaurie puis Jean-Louis Etienne. Et de laisser, au moment de sa disparition en 1936, une œuvre immense. C'est cet homme que la Maison d'Amérique Latine a choisi de célébrer pour sa prochaine exposition, du 1er septembre au 1er octobre 2016.

Notre homme nait à Neuilly sur Seine le 15 juillet 1867. Adepte de l'Ecole alsacienne et de nombreux sports (escrime, rugby à XV et boxe) entre 1876 et 1885, il rédigera très tôt les aventures d'un trois-mâts en Patagonie pour un petit journal illustré. Le goût des voyages le taraude déjà. A défaut de découvrir des horizons lointains, il pratiquera la voile à Ouistreham l'été. Il aura aussi la chance d'effectuer de nombreux voyages avec son père, quatre ans durant (de 1883 à 1887) dans des destinations aussi variées que les Pays de Galles, les Shetland, les Hébrides, les îles Féroé, l'Islande, les Pays-Bas, l'Espagne et le Maroc...mais gardera une véritable phobie des pays trop chauds. Côté température, son service militaire effectué au 23è bataillon de chasseurs alpins comme médecin auxiliaire, lui conviendra davantage. 1891 est l'année où Jean-Baptiste est reçu au concours d'internat d'Etudes de médecine, l'occasion pour lui d'effectuer un nouveau voyage, en Russie cette fois, en compagnie de son père et en qualité de médecin. Et un an plus tard, il achète son premier yacht, un sloop de 8,30 mètres sur lequel il s'initiera à la régate. Son père meurt d'un oedème au poumon en 1893, et Jean-Baptiste fait alors construire le Pourquoi Pas ?, un cotre de près de 20 mètres, tout en occupant un poste d'interne à la Salpétrière et à l'hôpital Saint Antoine (Paris).

 

Jean-Baptiste Charcot va ainsi poursuivre une existence active, alternant la pratique de la médecine avec la navigation : en 1894, il fait ainsi une croisière de deux semaines, avant de soutenir quelques mois tard sa thèse de doctorat sur l'atrophie musculaire progressive, et de devenir docteur en médecine à la faculté de Paris un an plus tard. Le 18 novembre 1896, il épouse Jeanne Hugo (petite-fille de Victor Hugo) et revend son premier bateau qu'il remplace alors par le Pourquoi Pas ?, une goélette en bois de 26 mètres. Dès lors, les bateaux se succéderont : après le premier Pourquoi Pas ?, un cotre de 19,50 mètres sur lequel Jean-Baptiste effectuera sa croisière de deux semaines, la goélette en bois de 26 mètres de long suivra et sera baptisée Pourquoi Pas ? II. En 1897, un troisième bateau, le Pourquoi Pas ? III, goélette en fer de 31 mètres, équipée d'un moteur à vapeur, lui permettra de remonter le Nil jusqu'à Assouan en compagnie du milliardaire Vanderbilt. Nostalgique, notre homme rachètera en 1899 son ancienne goélette le Pourquoi Pas ? II pour partir naviguer dans les eaux britanniques. Et en 1902, de faire route vers l'Islande et d'approcher les glaces pour la première fois en franchissant le cercle polaire arctique. L'homme du froid était né, qui deviendra officier de marine et fera bientôt l'acquisition du Pourquoi Pas ? IV, le plus célèbre des quatre, sur lequel il effectuera sa seconde expédition en Antarctique.

 

A l'occasion du 80è anniversaire de sa disparition, l'Observatoire Photographique des Pôles a entrepris un ambitieux inventaire des fonds photographiques liés aux « expéditions Charcot » afin de valoriser ce patrimoine auprès du grand public. Et l'exposition « Quand Charcot gagnait le Sud » d'être le fruit de ce travail. L'Observatoire Photographique a été à l'origine fondé dans le but de créer le plus important fonds photographique dédiés aux régions polaires. Il a pour mission de constituer ce fonds en réunissant archives historiques et fonds de photographes, d'explorateurs et de scientifiques. Il doit aussi documenter photographiquement les changements en cours dans les régions polaires grâce à une collaboration étroite avec les autochtones, et en organisant des missions photographiques. Enfin, il a pour mission de diffuser le fonds photographique auprès de la communauté scientifique mais aussi du grand public à travers par exemple l'organisation d'expositions comme celle d'aujourd'hui.

C'est en 1903 que Jean-Baptiste Charcot fait construire à Saint-Malo son trois-mâts goélette de 32 mètres, Le Français. Afin de suivre les travaux de plus près, il ira même jusqu'à s'installer à Saint-Servan, dans une demeure dominant la Rance. C'est là qu'il montera la première expédition française en Antarctique qui hivernera sous le vent de l'île Wandel. Le 4 mars 1905, l'expédition quittera la péninsule Antarctique après un hivernage sans encombres. La mission s'avérera très prolifique puisque les objectifs scientifiques seront largement dépassés avec mille kilomètres de côtes découvertes et relevées, trois cartes marines détaillées, 75 caisses d'observations, de notes, de mesures et de collections destinées au Muséum d'histoire naturelle. Le navire, lui, sera revendu à la marine argentine.

Pour sa seconde expédition, Jean-Baptiste Charcot fera construire un nouveau Pourquoi Pas ? IV, bateau d'exploration polaire de 40 mètres de long, gréé en trois-mâts barque, et équipé d'un moteur. A bord, on trouvera une bibliothèque et trois laboratoires. L'explorateur reprend la mer en août 1908 et se dirige vers son lieu d'hivernage, l'île Petermann. Il ne rentrera en France qu'à l'issue d'un second hivernage, en juin 1910, avec, là encore de nombreuses richesses scientifiques : mesure océanographiques, relevés de météorologie, étude des marées, étude du magnétisme, collections de zoologie et de botanique, autant de trésors qui seront confiés au Muséum et à l'Institut Océanographique de Monaco. Charcot rapporte ainsi avec lui des découvertes géographiques comme le tracé de la Terre Alexandre, et une nouvelle terre, la Terre de Charcot, mais rentrera de son voyage très affaibli après avoir attrapé le scorbut.

1911 correspond à la naissance de la troisième fille de l'explorateur. Cette année-là, Charcot effectuera une courte campagne océanographique en Manche. Être éclectique, il participe également à la création des Eclaireurs de France, un des deux premiers mouvements de scoutisme en France. Un an plus tard, le Pourquoi Pas ? IV devient le premier navire-école de la marine française.

 

En 1925, Jean-Baptiste Charcot est atteint par la limite d'âge et ne peut plus commander le Pourquoi Pas ?. Il embarquera désormais en tant que chef des missions, et effectuera plusieurs navigations vers les glaces de l'Arctique. Elu membre libre de l'Académie des Sciences en 1926, il se voit alors confier une mission à la Terre de Jameson. Et part explorer la côte orientale du Groënland, visite à l'issue de laquelle il rapportera de nombreux fossiles, insectes et échantillons de la flore locale. En 1930, l'explorateur prépare l'Année polaire internationale, puis s'occupe activement de la future implantation de la station du Scoresby Sund, de 1931 à 1933. En 1934, il installe au Groënland la mission ethnographique menée par Paul-Emile Victor, avant de co-fonder la même année le Muséum d'histoire naturelle, l'Aquarium et le Musée de la Mer de Dinard (Ille et Vilaine). Mais, en septembre 1936, alors que le Pourquoi Pas ? IV rebroussait chemin à l'issue de l'expédition du Groënland, il est pris le 16 septembre dans une violente tempête et coule sur les récifs d'Alftanes alors qu'il était en route pour Saint-Malo. Le bilan est de 23 morts, 17 disparus et un seul survivant, le maitre-timonier Eugène Gonidec, qui racontera que le Commandant Charcot, ayant compris que le navire allait faire naufrage, libéra de sa cage la mouette Rita qui était la mascotte du bord, dans une dernier geste d'humanité.

 

Pour la Maison de l'Amérique latine, il est tout naturel d'accueillir cette exposition dans la mesure où la famille Charcot habita l'endroit à la fin du XIX ème siècle. De plus, Jean-Baptiste Charcot et son équipage descendront les côtes sud-américaines sur leur route vers le grand sud antarctique, et feront même escale à Buenos Aires (Argentine). Cette exposition se concentre sur les expédition de l'explorateur en Antarctique, à bord du Français, en 1903 et 1905, puis du Pourquoi Pas ?, de 1908 à 1910. Ces deux missions de dimension internationale furent riches d'enseignement. Et l'exposition de nous les faire revivre à travers une cinquantaine de photographies issues de différentes collections, connues ou oubliées, et réunies pour la première fois. Cette rétrospective permettra aux visiteurs de découvrir ce qu'était véritablement l'existence de ces hommes, marins ou scientifiques, soudés et solidaires, qui affrontaient avec courage et passion les pires conditions climatiques. Les auteurs de ces images n'étaient pas seulement photographes : Paul Pléneau était ingénieur, Louis Gain, zoologue et botaniste, et Ernest Gourdon, géologue et glaciologue. L'unique homme qui avait le statut de photographe officiel à bord du Pourquoi Pas ? s'appelait Albert Senouque. Un bel hommage à ces hommes qui photographièrent sous tant de latitudes, maintinrent en état un matériel à la fois lourd et fragile, tout en préparant, développant et ramenant intactes les plaques de verre jusqu'en France. L'exposition offrira également une série de films courts (produits avec le soutien de Météo-France) présentant les instruments météorologiques de l'époque, dont un actinomètre destiné à mesurer l'activité du soleil. D'autres feront revivre les cartes postales envoyées par un jeune élève de la Marine marchande à sa famille, comme l'un des albums originaux de la famille d'Ernest Gourdon. D'autres documents d'époque inédits seront eux aussi exposés.

 

INFOS PRATIQUES :


  • Exposition « Quand Charcot gagnait le Sud », du 1er septembre au 1er octobre 2016, à la Maison de l'Amérique Latine, 217 Boulevard Saint-Germain, à Paris (7è). Tél : 01 49 54 75 00. Ouverte du lundi au vendredi de 10h00 à 20h00, et le samedi de 14h00 à 18h00. Entrée libre. Site internet : http://www.mal217.org/







 



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