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Le vieil Uzerche
(Corrèze, France)
Heure locale


Mardi 11 octobre 2016

 

La perle du Limousin est sans aucun doute Uzerche, où je vous emmène aujourd'hui. Ville au charme singulier, celle-ci offre tours et clochetons, murs de pierre et toits d'ardoise. Je choisis de suivre l'un des deux parcours proposés par l'office du tourisme (infos pratiques) afin de me plonger dans l'histoire de ce lieu enchanteur. Le parcours historique m'offrira ainsi de découvrir le patrimoine culturel, artistique et architectural de la cité avec, pour chaque curiosité, un panneau explicatif. Je ne croiserai que quelques couples de touristes ce matin, bravant, comme moi, les premiers frimas de saison.

Uzerche se dresse sur son roc puissant enserré par les eaux depuis 4000 ans. Elle a, au cours de sa longue histoire, aiguisé la convoitise de nombreux peuples, compte tenu de sa position géographique privilégiée, doublée d'un carrefour routier important. Les Gaulois furent les premiers occupants des lieux durant l'âge du Bronze. Puis la ville subira de nombreux assauts, et sera d'abord détruite et pillée par les Wisigoths au VI ème siècle, avant d'être reconstruite et dotée le siècle suivant d'une première enceinte fortifiée. Et Pépin le Bref de faire d'Uzerche une place imprenable en renforçant les fortifications de 18 tours supplémentaires au VIII ème siècle, avant que les Sarrasins n'assiégent la cité, durant sept années, affamant les pauvres habitants retranchés derrière leurs fortifications. La légende prétend pourtant que loin de se décourager, les Uzerchois donnèrent à manger à leur dernier taureau tout ce qu'il leur restait, puis envoyèrent l'animal jusqu'au camp ennemi. A la vue de cette bête si grasse, les Sarrasins pensèrent que les habitants de la cité disposaient de ressources inépuisables et, dépités, levèrent le siège. La cité obtint également le statut de ville royale, tandis que la fondation du monastère bénédictin interviendra au milieu du X ème siècle, alors que le pouvoir religieux dominait sous le Moyen Âge. Et les XII ème et XIII ème siècles de rester comme les plus florissants pour l'abbaye d'Uzerche. La petite ville peut aussi s'enorgueillir d'avoir été visitée au cours de sa longue histoire par bien des personnalités : Henri II d'Angleterre, sa femme Aliénor d'Aquitaine et leur fils Richard Coeur de Lion font partie de celles-là. La cité sera également marquée au XII ème siècle par l'importante œuvre poétique du troubadour uzerchois Gaucelm Faidit. Quant à 1557, elle restera une date importante pour la ville puisqu'elle correspond à l'octroi du siège d'une sénéchaussée royale relevant à l'époque du Parlement de Bordeaux.


 

Ma visite débute sur la Place de la Libération, endroit qui a bien évolué depuis sa création, et accueille désormais la sculpture « A la découverte du feu », œuvre de Jean-Marc Bourasseau. Je redescends la rue Jean Gentet pour atteindre quelques minutes plus tard la Porte Bécharie (ci-dessus), seule porte subsistant des neuf autrefois existantes autour de l'enceinte fortifiée. Cette porte défendait les deux paroisses Saint Nicolas et Sainte Marie de Bécharie qui formaient jadis le noyau urbain initial. On peut y trouver les armes de la ville (en aval sur la porte et à gauche). Notons que la porte Bécharie est devenue le symbole de la cité et que le roi Louis XI fut hébergé au château Bécharie en 1463.

Au bout de la rue, un peu plus bas, et sur la droite, je trouve l'escalier du lavoir qui longeait autrefois un bâtiment rasé pendant la Révolution française, le château des Pradel de Lamaze. Cet escalier fort long permettait de rejoindre la Vézère au bord de laquelle se trouvait le lavoir, un ouvrage construit en 1910 et recouvert d'une charpente en bois elle-même supportée par des colonnes de fonte. L'escalier est ponctué de paliers munis de crochets fixés permettant de poser le chambalou (solide bâton) chargé de linge, que les lavandières d'antan portaient sur leurs épaules.

Je franchis à nouveau la porte Bécharie pour emprunter quelques mètres plus loin et sur ma droite le discret escalier Notre-Dame. Celui-ci me conduira à la Chapelle Notre-Dame de Bécharie (en photo ci-dessous) qui donne sur la place des vignerons. Cette chapelle s’élève en limite sud-est du castrum mérovingien (place forte). C'est derrière l'actuelle chapelle que se trouvait le fossé qui protégeait l'accès sud de la cité. Ce lieu de culte séculaire fut restauré à la fin du XIX ème siècle et aurait succédé à l'église Notre Dame du Désert qu'Archambaud 1er, vicomte de Comborn, cédera aux moines en 992 pour assurer le repos de son âme.


 

La Place des vignerons était jadis un lieu d'échange. On l’appelait aussi place Chammartz (champs de Mars) et elle servit à l'origine d'emplacement pour le déroulement des foires à vin et du marché à viande. Sur cette même place se dresse la tour du Prince Noir (ci-dessous) dont le nom est contesté : s'agit-il du fils d'Edouard III d'Angleterre ou bien du bandit Geoffroy Tête Noire, deux figures emblématiques locales de la Guerre de Cent ans, qui ravagèrent le Limousin. Face à la Tour, s'élève encore de nos jours la maison Boyer-Chammard, bâtiment à la façade remarquable, avec ses balcons donnant sur la rivière Vézère. Cet hôtel fut la demeure des Clary de Saint Angel, une famille importante de la sénéchaussée. Puis l'édifice appartint à la famille Besse Chevallier, dont l'un des fils, Pierre, marquera fortement l'histoire d'Uzerche. A côté, se trouve l'Hôtel des Joyet de Maubec qui fut l'ancien pensionnat Sainte-Marie. Le bâtiment fut la propriété de la famille des Joyet de Maubec qui occupa la charge de la lieutenance criminelle à la sénéchaussée pendant les XVI ème et XVII ème siècles. C'est au XIX ème siècle que les sœurs de Nevers y transféreront leur école religieuse.

 

Je remonte à présent en direction de la Place de la Libération en passant par la rue Saint Nicolas, et me retrouve nez à nez avec l'Abbatiale Saint Pierre (ci-dessous). Cette construction incontournable de l'art roman limousin abrite la crypte aux Corps Saints, qui contenait les reliques de deux évêques bretons vénérés par les pèlerins de Saint Jacques de Compostelle, Saint Léon et Saint Coronat. C'est en 1030 que débutèrent les travaux de cette crypte, après l'incendie qui avait ravagé la précédente église, deux ans plus tôt. Le choeur et le chevet furent bâtis entre 1050 et 1070, tout comme le bras nord du transept et trois travées de la nef. 1097 verra la consécration du monastère, mais il faudra ensuite attendre le second quart du XII ème siècle pour assister à l'aménagement intérieur de la deuxième travée de la nef, avec la construction du clocher de l'abbatiale. Le bras sud du transept, lui, sera érigé, tout comme d'ailleurs sa chapelle, vers 1130. Au XIV ème siècle, l'église est fortifiée lors de la guerre de Cent ans, par deux tourelles au bras nord du transept et une tour greffée à la première travée de la nef. Une remise en état aura lieu au cours du XVII ème siècle car le choeur tombait en ruine depuis 1622, suite à l'effondrement du clocher à cet endroit, effondrement causé par la foudre. On remplaça alors la chapelle d'axe par une grande baie, ainsi que les colonnes et leurs chapiteaux, puis on refit les voutes. D'autres restaurations eurent aussi lieu les siècles suivants.


 

L'Abbatiale donne sur une petite place appelée place de la Lunade, située en haut de la place de la Libération. Cette place tient son nom de l'antique célébration du solstice d'été, fête païenne qui fut plus tard transformée par l'Eglise chrétienne en procession. Cette procession de la Lunade partait de cette place pour rejoindre les hauteurs sud de la ville, entre les lieux-dits « La Belette » et « Las Bordas ». Sur cette même place se dresse l'Ecole primaire supérieure (ci-dessous en photo), imposante bâtisse de style Renaissance qui fut construite sur l'emplacement d'une partie d'anciens édifices conventuels, et se dresse encore de nos jours comme un défi républicain face au chevet de l'Abbatiale. Cette école fut voulue en 1878 par la municipalité Eyssartier et créée par arrêté préfectoral le 27 août de cette même année. L'Ecole primaire supérieure s'installera dans ses nouveaux locaux en 1907, et comptait encore en 1928 159 élèves, dont 116 pensionnaires.


 

Je laisse derrière moi la place de la Lunade, pour redescendre la place de la Libération et apercevoir au passage la maison Eyssartier (ci-dessous), voisine de l'office du tourisme. Cette demeure reste la résidence séculaire des pharmaciens car elle abrita longtemps les Eyssartier, une famille d'apothicaires pendant plusieurs générations. L'écusson au mortier positionné en façade en témoigne. Cette maison offre un bel exemple d'architecture de style Renaissance et de gothique flamboyant, après une restauration contemporaine : fenêtres à meneaux, arc en accolade et en anse de panier en sont la preuve.


 

Non loin de là, et alors que je m'apprête à m'engager dans la rue Pierre Chalaud, je passe devant la médiathèque Simone de Beauvoir, qui fut inaugurée en 2006, en commémoration du vingtième anniversaire de la disparition de la romancière et essayiste française. Née à Paris le 9 janvier 1908 et disparue le 14 avril 1986, Simone de Beauvoir participa avec Jean-Paul Sartre aux aventures intellectuelles, artistiques et politiques du XX ème siècle. Notre romancière livra, sa vie durant, un combat acharné en faveur de la condition de la femme, notamment à travers son ouvrage « le deuxième sexe » (publié en 1949), et par ses nombreux voyages à travers le monde, et demeure encore aujourd'hui l'une des figures emblématiques de la cause féminine.

Deux maisons attireront mon attention dans la rue Pierre Chalaud : au N°21, se dresse une maison à pans de bois (ci-dessous) qui offre un intérêt architectural particulier dans un ensemble urbain où domine la pierre. Ici, la roche locale est utilisée comme soubassement sur lequel repose l'ensemble de la maison. Les étages sont marqués par des poutres de bois horizontales, déformées par le poids des parties supérieures au fil des ans, tandis que la paroi est réalisée en pans de bois et torchis recouvert d'un enduit à la chaux. Cette demeure est inscrite à l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques. On notera que jusqu'en 1920, cet édifice fut doublé d'une tour carrée qui contenait des escaliers qui servant alors à accéder aux étages de la Porte Claurenson, disparue depuis. Cette porte, démolie en 1930 fermait l'enclos monastique et offrait un passage vers le monastère juste au-dessus.

Autre tour carrée et autre demeure à quelques pas de là : le Château de Tayac (deuxième photo) présente en effet sur sa façade une imposante tour encastrée dans un corps de logis longiligne. La porte d'entrée (troisième photo ci-dessous) offre un magnifique encadrement en granite sculpté, surmonté d'un cartouche en calcaire où sont représentées les armes d'une noble famille. Quant à la petite tourelle d'angle, elle correspond à un escalier qui sépare les portes cochères de la porte d'entrée. Cette demeure, elle aussi inscrite à l'inventaire des Monuments Historiques fut longtemps occupée par les Gautier, gens importants d'Uzerche (parmi lesquels on trouve des médecins, commis du greffe, procureurs, avocats...)


 

La rue Pierre Chalaud est prolongée par la rue de la Justice qui offre de passer près du Château Pontier (ci-dessous), bâtiment imposant par ses dimensions puisqu'il comprend un corps de logis rectangulaire cantonné à l'est de deux tours coiffées de toitures en poivrière. Ce côté Est domine la Vézère avec un jardin aménagé en terrasse au pied du château. Le côté Ouest, lui, ouvre sur une cour bordées par d'anciennes écuries.


 

Un peu plus bas, et toujours rue de la Justice, j'aperçois bientôt l'Hôtel des De Chavailles, ou Hôtel du Sénéchal (ci-dessous). Le sénéchal était jadis un officier royal de justice et cet hôtel particulier constituait son logement. Les bâtiments forment un U autour d'une cour intérieure galetée qui donne sur la rue. La façade de rue est flanquée d'une tourelle en échauguette à toiture en poivrière, tandis que la façade donnant sur la Vézère est agrémentée de trois tours de formes différentes : polygonale, circulaire et carrée. On trouve enfin un jardin en terrasse au pied de l'édifice. Quant à la fonction de sénéchal, elle fut marquée par la famille De Chavailles qui furent à l'origine du développement de la sénéchaussée d'Uzerche, avec Pierre (de 1583 à 1614), puis son fils Jacques (de 1614 à 1667). Louis XIII sera reçu dans cet hôtel lors de sa visite dans la cité en 1632.


 

Terminons cette visite du vieil Uzerche par la place de l'Hospice (dont l'existence est attestée dès 1393). Par lettres patentes du roi Louis XV en 1749, cet hospice deviendra hôpital général, et connaitra des agrandissements successifs en 1861, et entre 1901 à 1908. Sa chapelle (ci-dessous), placée sous le patronage du Sacré-Coeur, sera bâtie à partir de 1861 et achevée trois ans plus tard, financée par une collecte à l'initiative de la directrice de l'hospice, Supérieure de la Congrégation des Soeurs de Nevers.


 

INFOS PRATIQUES :

  • Office de tourisme, 10 Place de la Libération, à Uzerche. Tél : 05 55 73 15 71. Ouvert du lundi au samedi, de 10h00 à 12h30 et de 14h00 à 18h00 et le dimanche de 10h00 à 12h30 et de 14h30 à 17h30 en juillet et en août, du lundi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 18h, en mai, juin et septembre, du lundi au samedi de 10h à 12h et de 14h à 17h30 pendant les vacances de Pâques et Toussaint, du lundi au vendredi de 10h à 12h et de 14h à 17h30 d'octobre à avril. Site internet : http://www.uzerche-tourisme.com
  • Deux parcours touristiques sont disponibles en visite libre : le parcours du patrimoine (durée : 1h30) figurant dans cet article, et le parcours du Méandre (même durée) qui emprunte des chemins peu fréquentés avec des points de vues inattendus.

 

 

 

 

 










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