Revoir le globe
Top


La Xaintrie Noire
(Corrèze, France)
Heure locale


Mardi 18 octobre 2016

 

Retournons aujourd'hui en Xaintrie. Après Saint-Privat et son canton, en Xaintrie Blanche, découvrons la Xaintrie Noire, non sans rappeler que Pleaux, commune voisine du Cantal, était jadis l'entrepôt commercial de la région. Sa situation géographique particulière, sans obstacle naturel (ni rivière, ni montagne) rendait le lieu très accessible. On ne pouvait pas en dire autant d'Argentat où la vallée de la Dordogne s'imposait comme un obstacle difficilement franchissable. La Dordogne, rivière impétueuse, surtout en période de crue, devenait alors infranchissable à une époque où il n'existait encore aucun pont. Et la Xaintrie toute entière d'apporter ses denrées sur les foires de Pleaux, et d'acheter les fromages et les cuirs du pays de Salers. L'huile, le vin, et le sel remontaient ainsi la vallée de la Dordogne par l'antique « route de Théodéchilde » (petite fille de Clovis et fille de Thierry) qui reliait alors Argentat à Mauriac. Et les archives communales de préciser que la Xaintrie fait bien partie du Bas Limousin depuis le Haut Moyen Âge, et la seule partie du Limousin se trouvant de l'autre côté de la Dordogne autrefois rattachée au territoire de Mauriac.

 

Je pars ce matin en direction du canton de Mercoeur pour découvrir la Xaintrie Noire. Créé en 1790, ce canton se trouve à une altitude allant de 136 à...624 mètres, selon l'endroit où on se trouve. Je me rends d'abord à Goulles qui tire l'origine de son nom des gorges environnantes. Le relief est certes accidenté et la route comporte de nombreux lacets. La prudence est de mise car un épais brouillard recouvre aujourd'hui la région. Le village de Goulles offre certes deux églises, celle de Saint-Martin de Goulles et Saint Pierre du Teulet, ainsi que la maison forte d'Auyères, mais la principale attraction de l'endroit reste les Tours de Carbonnières (ci-dessus) datant du XI ème siècle et inscrites au titre des Monuments historiques. Celles-ci surplombent le ruisseau de la Bedaine, drôle de nom pour un ruisseau. La famille des Carbonnières, originaire du Limousin, s'imposa ici dès le XI ème siècle en Xaintrie, mais également du côté de Rouffiac. Il faudra cependant attendre deux siècles de plus pour voir ses membres devenir co-seigneurs du castrum. Au XIII ème siècle, les seigneurs de Montal, originaires d'Auvergne, choisirent de s'installer à Carbonnières et à Laroquebrou, par le jeu d'alliances matrimoniales. Tout comme les Carbonnières, ils étendront leur influence à l'intérieur des trois régions limitrophes, le Limousin, l'Auvergne et le Quercy. Le XVI ème siècle verra enfin deux nouvelles grandes familles, les Noailles et les Pérusse d'Escars, porter le titre de co-seigneurs de Carbonnières.

Le castrum suggéré plus haut se découpait en trois pôles : l'espace seigneurial, le domaine aristocratique et un habitat. A Carbonnières, l'espace seigneurial se concentrait sur le sommet de la plateforme, imposant à la vue de tous le pouvoir des co-seigneurs. Comme ces co-seigneurs, d'autres nobles, compagnons d'armes et vassaux, étaient dotés d'hôtels nobles au sein du domaine aristocratique. C'est ainsi qu'en 1345, Guy de Surcalm disposait d'un hôtel avec prés et jardins. En 1392, son héritier prêta hommage aux co-seigneurs locaux pour ce même hôtel. Un deuxième hôtel noble, « La Bistor », est aussi mentionné dans les actes du XIV ème siècle. Mais tout n'allait pas toujours de soi puisque l'histoire nous rapporte qu'en 1359, un conflit éclata entre le co-seigneur Rigal de Carbonnières et son vassal Bertrand de Sermus, ce dernier ayant entrepris de fortifier sa maison avec l'accord de l'autre co-seigneur, Gaillarde de Séverac, dame de Montal. A l'heure actuelle, il n'existe malheureusement aucun indice permettant de situer ces deux constructions qui peuvent être implantées près des tours comme au cœur du vieux village, désormais inaccessible à cause des ronces qui l'envahissent. Ce village constitue pourtant le dernier pôle de ce castrum, et la municipalité de Goulles de réfléchir à une éventuelle restauration de ce site. Souvenons-nous simplement que cet endroit abrita tenanciers, marchands et notaires, du XIII ème au XVII ème siècle.


 

Non loin de là, sur la commune de Saint-Geniez-ô-Merle, se dressent toujours les Tours de Merle, ensemble de maisons fortes qui formait un castrum (place fortifiée) des XII ème et XV ème siècles, jadis centre d'une co-seigneurie et d'une châtellenie. L'origine du site est encore inconnue mais la première mention de l'endroit remonte à 1219. Du XII ème au XV ème siècle, des lignages seigneuriaux apparaissent. Possesseurs du lieu, ils édifient tours, hôtels et murs, jusqu'à constituer une première place fortifiée qui tombera en désuétude avec l'avènement de l'artillerie, dès lors que le site devenait accessible aux bombardements depuis les hauteurs avoisinantes. Au XIV ème siècle, Merle comprenait sept maisons fortes, deux chapelles et un village, possédés en indivision par sept seigneurs des familles de Merle, des Carbonnières, de Veyrac et de Pestels. Mais la Guerre de Cent Ans verra les Anglais s'emparer d'une tour et d'un château en 1371, avant de devoir les restituer. Même les calvinistes occuperont la place et y installeront une garnison en 1574, avant d'en être chassés deux ans plus tard par les seigneurs. Le site sera ensuite laissé à l'abandon par leurs anciens propriétaires qui préféreront vivre dans des lieux plus agréables et plus accessibles.

On pense que la famille de Merle est sans doute à l'origine du noyau aristocratique de ce site. A la suite de partages, les Merle formèrent ainsi plusieurs branches (trois au minimum) qui se répartirent les droits sur le castrum. Ainsi les de Pestels, de Veyrac, de Saint-Bauzille et les Rochedragon s’introduisirent-ils par le mariage à l'intérieur de la lignée des Merle qui semble s'être finalement soumise à celle des Carbonnières. Toutes ces familles reçurent des hommages ponctuels en tant que co-seigneurs de Merle, durant tout le Moyen Âge.

De nos jours, il ne reste plus que des vestiges de ce castrum. On peut encore y distinguer des piles ruinées de la maison de la garde du pont, l'emplacement du pont-levis de Veilhan, la tour de Noailles et la tour de Pestel. Quant à la maison de Fulcon de Merle, elle est attestée en 1365 et il subsiste toujours les emplacements de la maison dite de Veilhan et de la seconde chapelle Sainte-Anne qui fut bâtie en 1674, ainsi que les vestiges des tours, donnés comme étant les restes des tours du commandeur de Saint-Léger, du prieur de Saint-Léger et de Saint-Bauzire.


 

Je me dirige maintenant vers Camps-Saint Mathurin, qui possède une église romane du XII ème siècle, mais aussi de jolies maisons (ci-dessus en photo). Non loin de là se trouvent aussi les Gorges de la Cère, pour les amateurs de randonnée. Depuis la fin du Moyen Âge, et jusqu'à 1870, ces gorges formèrent un territoire propice à la fabrication du verre, grâce notamment à la présence de sable très fin dans le torrent de la rivière. Les premiers verriers s'y seraient implantés en 1500, tout droit venus du Tarn-et-Garonne. Et les Gorges de la Cère de dénombrer 22 verreries au plus fort de l'activité. Le bois de la région était aussi une importante ressource, qui permit l'apparition de charbonnières et du flottage du bois. Outre le patrimoine naturel, il existe aussi un patrimoine hydroélectrique qui date de 1920. Le GR652 permettra aux plus curieux d'accéder aux beautés des gorges et à l'histoire du site (voir infos pratiques).

Point de vue remarquable sur les gorges de la Cère, le Rocher du Peintre (en photos ci-dessus) offre un belvédère unique pour admirer le panorama. De là, vous pouvez entendre le murmure de la Cère, rivière servant de limite entre le Lot et la Corrèze. On aperçoit d'abord des villages et des champs, avec le Lot qui s'étend jusqu'à l'Ouest. A l'Est se trouve le Cantal. Au fond de la vallée serpentent la Cère et...une voie ferrée. Il est en effet possible de visiter l'endroit en train TER que l'on prend à Biars sur Cère ou à Aurillac. Une demi-heure suffit pour traverser le défilé, mais quel spectacle ! Sur le belvédère est inscrite la légende du Rocher du Peintre : à l'origine, un féroce dragon au milieu d'un immense plateau et désert de cendres. Arriva un peintre qui commença à tracer sapins, bouleaux et pervenches...renards, aigles et sangliers, redonnant vie au site. Furieux, le dragon créa d'un coup de queue les gorges de la Cère, provoquant l'apparition des volcans d'Auvergne. Et le peintre de dessiner une femelle dragon sur son tableau, émerveillant le méchant dragon devant tant de beauté.

Dans les environs de Camps-Saint Mathurin se trouve le sanctuaire de Notre-Dame de Belpeuch (ci-dessous en photo) dont le pèlerinage remonte à la fin du X ème-début du XI ème siècle (le lieu de pèlerinage, lui, remonte à l'an mille!). La piéta (vierge couronnée) vénérable que les pèlerins viennent prier chaque année se trouve dans la petite chapelle miraculeuse. Elle soutient le cadavre de Jésus sur ses genoux, son bras droit tient la tête de Jésus tandis que le gauche est levé en signe de désespoir. Chaque 8 septembre attire les pèlerins qui se rendent sur ce lieu où se seraient produits plusieurs miracles depuis le XVIII ème siècle. On peut ainsi parcourir un impressionnant chemin de croix bordé de charmes tortueux qui montent jusqu'au sanctuaire. La chapelle est installée au sommet de la colline depuis le X ème siècle et attire les visiteurs depuis un premier miracle qui survint vers 1800. A tel point que le Père Bernard Bordes (qui vit dans une petite maison face au parking du site) organise annuellement une semaine mariale, aux alentours du 8 septembre.


 

J'achèverai ma courte visite en Xaintrie Noire en me rendant d'abord à Sexcles, qui possède une église à chevet plat soutenant un massif clocher tour, couronné d'une bretèche remontant à la fin de l'époque romane. Surplombant les gorges de la Maronne, cette commune s'étend sur un vaste plateau entaillé par des petites vallées humides. Ici, l'eau est présente partout et sous toutes les formes:ruisseaux, rivières,étangs,fontaines,mares...d'ailleurs, le nom de Sexcles « découle » du gaulois et signifie massette d'eau ou roseaux.

Saint Bonnet les Tours de Merle, ma dernière étape, offre le Château du Rieu (ci-dessous) que l'on peut apercevoir le long d'une route mais qui ne se visite pas. Les alentours du village offre pas moins de douze milieux naturels en voie de disparition et seize espèces animales rares, à découvrir lors de randonnées sur place. Il suffit d'explorer les gorges boisées de la rivière Maronne pour voir tournoyer dans le ciel l'aigle botté, le faucon pèlerin ou le milan royal. Tout un programme.


 

INFOS PRATIQUES :

  • Les Tours de Merle, à Saint-Geneix-ô-Merle. Tél : 05 55 28 22 31. Le site est ouvert du 3 avril au 2 novembre : tous les jours de 14h00 à 18h00 en avril, mai, juin, septembre et aux vacances de la Toussaint. Tous les jours, de 10h00 à 19h00 en juillet et en août, les dimanches de 14h00 à 18h00 en octobre. Entrée : 5,50€ (basse saison) et 6,50€ (haute saison). Visite libre avec livret d'accompagnement en anglais, français, hollandais et allemand. Visites guidées gratuites tous les jours en juillet et en aout, à 11h00, 15h00 et 17h00. Visites guidées en septembre : du dimanche au mardi à 16h00 ou sur réservation. Visites guidées en langue anglaise, en juillet-aout, les mardis et jeudis à 16h00, et sur réservation de juin à septembre. Visites en espagnol sur réservation, de juin à septembre. Site internet : http://www.toursdemerle.fr
  • Site de Camps-Saint Mathurin : http://www.camps.correze.net

  • Gorges de la Cère : http://www.lesgorgesdelacere.fr

  • Sanctuaire de Notre-Dame de Belpeuch, à Camps. Père Bernard Bordes au 05 55 28 53 19. Site internet : http://www.paroisse-mercoeur.e-monsite.com









Retour aux reportages







Qui Suis Je - Reportages - Médiathèque - Calendrier - Pays - La lettre - Contact
Site réalisé par Kevin LABECOT
Disclaimer - Version mobile